Jénine, une histoire de résistance qu’Israël n’a jamais pu changer
Malgré ses assassinats et massacres répétés, comme celui de ce dimanche, l’occupant israélien n’a jamais réussi à venir à bout de la résistance de Jénine, et de son camp de réfugiés. Une résistance à la fois armée et culturelle, comme l’a rappelé l’évasion de Zakaria Zubeidi, un enfant du camp et le seul rescapé de ceux qui ont été formés au Théâtre de la Liberté (Freedom Theater de Jénine), et qui se sont battus contre l’occupation pendant la deuxième intifada, au début des années 2000.
Graffiti sur l’un des murs du Théâtre de la Liberté à Jénine, en Cisjordanie occupée. (Yuval Abraham)
Dans un récent reportage, Yuval Abraham s’est rendu sur place et a notamment raconté dans le magazine d’opposition israélien 972 + :
« Pour voyager des territoires occupés à Jérusalem ou en Israël, il faut un permis d’entrée de l’armée israélienne. Chaque jeune que j’ai rencontré à Jénine s’est vu refuser un permis. La grande majorité n’a jamais vu la mer. Il n’y a pas une seule famille dans le camp de réfugiés sans un prisonnier ou quelqu’un qui a été tué [par l’armée], et le Shin Bet refuse les permis d’entrée aux membres de ces familles en guise de punition collective », explique Al-Tubasi. «
Le camp de réfugiés de Jénine est l’un des points les plus au nord de la Cisjordanie. J’ai conduit ici le matin depuis la partie sud de la Cisjordanie avec un ami palestinien. En chemin, j’ai compté 14 postes de contrôle de l’armée à l’entrée de différents villages. Chacun avait deux ou trois soldats debout et vérifiant les pièces d’identité au hasard. Il y a un grand poste de contrôle frontalier permanent près de Jérusalem qui surveille les mouvements palestiniens du nord au sud de la Cisjordanie. Israël interdit aux Palestiniens de traverser Jérusalem ou de paver de nouvelles routes interurbaines en Cisjordanie, faisant de chaque trajet sud-nord un cauchemar de quatre heures.
« Nous nous dirigeons vers le Freedom Theatre, un théâtre et centre culturel communautaire palestinien dans le camp de réfugiés de Jénine où Ahmad Al-Tubasi travaille en tant que directeur artistique.
L’histoire du groupe d’enfants qui sont devenus des combattants et ont été tués pendant la deuxième Intifada est bien documentée dans « Les enfants d’Arna », réalisé par Juliano Mer-Khamis :
La mère de Mer-Khamis, Arna, une femme juive israélienne, a fondé le Théâtre de la Liberté pendant la Première Intifada. Le théâtre a été fermé pendant des années, pour être rétabli en 2006 par un groupe de Palestiniens, dont Zubeidi. « Il est notre fondateur », dit Al-Tubasi.
« L’enfant n’a pas le choix. Depuis ma naissance, j’ai vu l’armée entrer dans le camp toutes les nuits. Arrêter des gens, ouvrir le feu. Imaginez votre père en prison, votre frère martyr, la maison de votre voisin en train d’être démolie. Une armée étrangère vous contrôle. Il n’y a même pas d’aéroport en Cisjordanie ! Les frontières sont fermées. Alors, comment peut-on s’attendre à ce que vous fassiez autre chose ? J’aimerais que les Israéliens puissent passer deux nuits dans le camp et voir ce que ça fait. »
De vieilles photos en noir et blanc de l’époque de la première Intifada sont accrochées aux murs du théâtre. Dans l’un d’eux, on voit un groupe d’enfants sauter sur une scène. L’un est déguisé en tigre, l’autre en coq. Zakaria Zubeidi, qui avait 12 ans au moment où la photo a été prise, est également là.
« Sept des huit enfants de sa troupe [de théâtre] sont morts. Tout le monde, sauf Zakaria, a été tué pendant la deuxième Intifada. »
Puis, Ahmad commence à les compter, l’un après l’autre. « Yousef a mené une attaque à Hadera et a été abattu. Il avait subi une dépression émotionnelle après la mort d’une jeune fille abattue par un soldat dans ses bras. Achraf a combattu lors de la bataille de Jénine en 2002, et a été abattu lorsque les soldats ont réoccupé le camp. »
Des zones entières ont été démolies et reconstruites en 2002, après la bataille de 10 jours de Jénine, au cours de laquelle des soldats israéliens ont occupé le camp. Des centaines de maisons ont été détruites et plus de 1 400 personnes se sont retrouvées sans abri.
Enfant dans le camp de Jénine en 2002
Al-Tubasi n’était qu’un garçon ; sa maison a également été démolie. « Un bulldozer a percuté notre cuisine alors que ma tante était à l’intérieur. Nous ne pouvions pas dormir à cause des tirs et des bombardements. En fin de compte, nous voulions nous rendre. Il n’y avait ni nourriture ni eau. Nous sommes sortis avec des drapeaux blancs. Les soldats ont divisé les femmes, les enfants et les hommes en groupes. » À l’âge de 17 ans, Al-Tubasi a été jugé par un tribunal militaire et condamné à quatre ans de prison israélienne. Les charges retenues contre lui étaient confidentielles et, à ce jour, il ne les a jamais vues, dit-il. On lui a seulement dit qu’il représentait un danger pour la sécurité d’Israël.
« L’Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, a également commencé à détenir des résidents du camp. Pendant ce temps, les politiques israéliennes d’occupation militaire et de dépossession n’ont fait que s’intensifier. Et depuis mai dernier, avec les bombardements sur Gaza, les expulsions des femilles de Sheikh Jarrah, des jeunes armés ont commencé à affronter les soldats israéliens qui entrent dans le camp pour procéder à des arrestations presque chaque nuit.
En août, cinq résidents du camp ont été tués lors d’affrontements armés avec l’armée.
Quinze résidents ont été tués depuis le début de l’année. « L’oppression ne conduit au silence que pendant une courte période », commente Ahmad Al-Tubassi.
« L’occupation ne parle et ne comprend que le langage du pouvoir », dit l’un jeunes qui participe aux séances du Théâtre de la Liberté. « Pourquoi l’armée est-elle autorisée à entrer dans les villes et les camps de Cisjordanie quand elle le veut ? Tuer ? Arrêter ? Les gens ne resteront pas assis sur leurs mains sans rien faire ».
(Traduit par CAPJPO-EuroPalestine)
Source : 972 +
CAPJPO-EuroPalestine
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