La Fédération de la Libre Pensée En direct avec Pierre Stambul

jeudi 26 novembre 2020

La Raison : Bonjour, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?

Pierre Stambul : Je suis professeur de mathématiques retraité, issu d’une famille juive athée venue d’un pays disparu (la Bessarabie). Mes parents, communistes dans leur jeunesse, ont été pendant la Seconde guerre mondiale des résistants dans la MOI (Main d’Œuvre Immigrée). Ma mère a été la seule survivante d’une famille exterminée. Mon père, membre du groupe Manouchian, a été déporté à Buchenwald.

Depuis Mai 1968, je suis communiste libertaire, mais je n’ai jamais appartenu à un groupe politique. J’ai milité dans des comités d’action, des groupes de soutien aux prisonniers politiques sud-américains, au MLAC (Mouvement pour la Libération de l’Avortement et la Contraception). Mais surtout comme syndicaliste enseignant, dans l’École Émancipée puis, après la scission, dans la tendance syndicale révolutionnaire « Émancipation« .

J’ai adhéré à l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) en 2002 avec beaucoup d’hésitations au départ, le « J » me posait problème. Depuis cette adhésion, j’ai fait plusieurs séjours en Israël/Palestine et notamment deux séjours à Gaza qui m’ont fortement marqué. Je suis auteur ou co-auteur de plusieurs livres contre le sionisme et sur la Palestine. Le dernier s’appelle « La Nakba ne sera jamais légitime« . Il y a deux livres sur Gaza.

L.R : Tu es un des animateurs de l’Union Juive Française pour la Paix. Peux-tu nous dire quelles sont les analyses de cette association sur le conflit au Moyen-Orient et quelles solutions préconise-t-elle ?

P.S : Je n’aime pas le mot conflit. Il s’agit de la guerre coloniale menée par un État sur-armé contre un peuple désarmé. Il n’y a aucune symétrie. Je n’aime pas non plus qu’on commence à parler des solutions. Pour l’instant, il n’y a aucun rapport de force pour une « solution juste » quelle qu’elle soit.

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L’UJFP est une association juive laïque qui existe depuis 1994. Au début, ses positions se résument à « Pas de crimes en notre nom » sur le mode : « nous sommes des Juifs propres sur nous« , nous n’avons rien à voir avec les crimes commis par l’armée israélienne. Très vite, nous avons découvert les mots qu’il faut mettre sur cette guerre : occupation, colonisation, apartheid, racisme, crimes de guerre, crimes contre l’Humanité. J’ai été de ceux qui ont poussé pour que l’UJFP passe d’un positionnement « non sioniste » à l’antisionisme. C’est chose faite à présent. Pour nous, le sionisme est un crime contre les Palestiniens et une injure à notre histoire, notre mémoire et nos identités. Toute paix juste signifie la fin du sionisme. Et nous considérons les accords d’Oslo comme une mystification qui a exigé de l’occupé qu’il assure la sécurité de l’occupant et qui a permis au rouleau compresseur colonial d’avancer sans obstacle.

L’UJFP fait partie de BDS France (BDS = Boycott, Désinvestissement, Sanctions). Nous souscrivons totalement à cet appel palestinien aux sociétés civiles du monde entier qui date de 2005 et propose contre Israël une stratégie semblable à celle utilisée contre l’apartheid sud-africain. Rappelons les trois revendications du BDS : 1) Liberté (fin de l’occupation, de la colonisation, destruction du mur qui balafre la Palestine, libération de tous les prisonniers, fin du blocus de Gaza …). 2) Égalité (cela concerne essentiellement les Palestiniens d’Israël et ceux de Jérusalem. 3) Justice (cela veut dire le droit au retour des réfugiés palestiniens puisque le crime fondateur, commis en 1948, a été leur expulsion).

Le sionisme est au départ une théorie de la séparation et, de ce fait, il est complice de l’antisémitisme, puisqu’il veut séparer les Juifs du reste de l’Humanité. C’est aussi un roman national meurtrier (la fable de l’exil et du retour), un colonialisme de remplacement, un nationalisme qui a inventé le peuple, la langue et la terre et aujourd’hui une idéologie suprématiste qui a arrimé l’Etat d’Israël et ses soutiens à l’impérialisme. Pour nous au Proche-Orient comme en France, il n’y a pas d’alternative au « vivre ensemble dans l’égalité des droits« .

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