Les militants mizrahi d’Israël luttent contre la loi raciste de l’État-Nation

mardi 14 juin 2022

S’inspirant du mouvement américain Black Panther du début des années 70, des militants mizrahi contestent l’opposition binaire entre Arabes et Juifs que la loi renforce.

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En juillet 2018, l’avocat des droits de l’homme, Hassan Jabareen, citoyen palestinien d’Israël, a appelé le sociologue Yehouda Shenhav. Depuis le milieu des années 1990, ils essaient de trouver une voie de résistance à l’oppression de l’État, qui soit commune aux citoyens palestiniens et aux Israéliens Juifs mizrahi (Juifs d’origine moyen-orientale par opposition aux Juifs ashkénazes d’origine européenne). Hassan Jabareen n’a jamais senti que le moment était bon jusqu’à cette année 2018, où le Parlement israélien a adopté la Loi de l’État-Nation.

La Loi de l’État-Nation déclare qu’Israël est la patrie historique et l’État-Nation du peuple juif. C’est une Loi Fondamentale, l’équivalent en Israël d’une loi constitutionnelle (Israël n’a pas de constitution). L’appel de Hassan Jabareen à Yehouda Shenhav (Israélien mizrahi) a planté une graine puissante dans l’esprit de ce dernier : les mizrahi voudraient-ils contester la loi devant la Haute Cour d’Israël, aux côtés des recours introduits par les Palestiniens, dont celui de l’association de Hassan Jabareen, Adalah ? Yehouda Shenhav s’est entretenu avec sa collègue militante, Orly Noy, qui a parlé d’une idée « géniale » et a qui a pris la démarche en main.

Le recours, introduit le 1er janvier 2019, a été signé par près de 60 militants et intellectuels mizrahi éminents. Son paragraphe introductif reconnaît que la loi prend principalement pour cible les Palestiniens mais Orly Noy déclare que le recours est beaucoup plus radical qu’une déclaration de solidarité : « Nous introduisons un recours parce que [la Loi sur l’État-Nation] est aussi discriminatoire envers nous. »
La loi porte atteinte aux liens des mizrahi avec leurs racines, leur culture et leur langue et « notre capacité à nous considérer comme un élément naturel de l’environnement géopolitique, qu’Israël cherche de façon très systématique à détruire. » Le recours vise à récupérer les éléments de l’identité mizrahi fragmentée et de la reconstruire dans son entier, complète et fière.

Orly Noy mentionne un discours prononcé en 1996 par Ehud Barak, alors ministre israélien des Affaires étrangères, qualifiant Israël de « villa au milieu de la jungle ». Quand ceci est la perception que vous avez de vous-même, alors votre attitude envers les indigènes de cette « jungle » — les mizrahi et les Palestiniens—devient hostile, selon elle. Les Palestiniens ne sont pas du tout admis dans la villa. Les mizrahi sont admis « en tant qu’invités à condition » qu’ils puissent prouver leur loyauté.

Ils doivent faire preuve de davantage de patriotisme, se débarrasser de toute trace d’arabité dans leur identité, leur langue, leurs cultures, leurs traditions, leur histoire.

Des chanteuses égyptiennes telles que Oum Kalsoum peuvent être appréciées en privé mais pas en public. Orly Noy, dont la famille a émigré d’Iran quand elle avait 9 ans, se souvient de son père fumant le narguilé dans la Vieille Ville de Jérusalem en compagnie de Palestiniens — « la chose la plus proche de ce qu’il pouvait vivre chez lui » — et cependant soutenant les partis israéliens de droite. « Cette schizophrénie est devenue l’expérience déterminante de toute une communauté ».

Le recours porte sur deux articles de la loi : celui dépouillant l’arabe de son statut de langue officielle d’État et celui encourageant la colonisation juive en tant que valeur nationale.
Sur la colonisation juive, Orly Noy souligne l’expérience historique vécue par les mizrahi au début de la démographie en Israël. Dans les premières années de l’État, les immigrants mizrahi ont été déversés dans des villes marginalisées (dites de « développement ») et ont été l’objet de discriminations de la part des « commissions d’admission » dans les communautés blanches et ashkénazes. Les Palestiniens ne s’intéressaient pas à ces communautés exclusivement juives (« construites sur des terres volées appartenant aux Palestiniens », ajoute Noy), tandis que les candidats mizrahi étaient jugés « inadaptés ».

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