Les origines coloniales de la crise constitutionnelle d’Israël

vendredi 10 mars 2023

Le gouvernement s’attaque au système judiciaire pour les mêmes raisons que le faisaient les fondateurs de l’état : protéger leur pouvoir afin de privilégier les Juifs aux Palestiniens.

JPEG - 75.6 ko Des centaines d’Israélien.nes manifestent à Tel-Aviv contre le nouveau gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou,11 février 2023. (Gili Yaari/Flash90)

Ces dernières semaines des dizaines de milliers d’Israélien.nes ont envahi les rues des principales villes d’Israël pour protester contre les importantes réformes judiciaires que le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite, élu en fin d’année dernière, espère faire passer à la Knesset avec une courte majorité. Ces évènements sont vus comme une crise constitutionnelle majeure. Ils font même parler d’une “guerre civile” israélienne et font intervenir les observateurs étrangers inquiets. Pourtant cette crise n’a pas pour objet de dévier de l’essence même du système politique israélien, mais plutôt de le faire perdurer. Afin de comprendre pourquoi, il est nécessaire d’étudier les origines de la crise constitutionnelle israélienne, qui était, et continue d’être modelée par le désir de l’État de donner la priorité au colonialisme de peuplement plutôt qu’à une gouvernance libérale.

Un pays sans constitution

La séparation des pouvoirs en différentes branches d’un gouvernement, comme la Knesset (parlement israélien) et le système judiciaire, est dans d’autres contextes une question réglée par la Loi suprême du pays, comme une constitution par exemple. Israël, cependant, n’a pas de constitution. Ceci crée un terreau fertile pour que les différentes branches du gouvernement remodèlent l’étendue de leurs pouvoirs à l’intérieur du système. Cela a été le cas avec la Court Suprême israélienne dans les années 1990, qui a pris des mesures pour établir une hiérarchie entre les lois, étendre les contrôles judiciaires et déterminer les critères de violation des droits par le gouvernement. Cet évènement dans les années 1990 a la réputation d’être la révolution constitutionnelle d’Israël. Aujourd’hui le nouveau gouvernement d’extrême droite a pour objectif de lutter contre ces changements et de limiter les pouvoir de la Court Suprême en donnant l’autorité suprême à la Knesset. Au centre de la crise actuelle se trouve une réforme judiciaire qui permettrait à la Knesset d’outrepasser un jugement de la court par un vote à majorité simple. L’absence de constitution signifie que la seule chose qui déterminera le résultat de cette bataille est le pouvoir politique.

Mais pourquoi l’état d’Israël n’a-t-il pas de constitution ? La réponse à cette question est longue, mais la version courte repose sur un élément, ou plutôt une personne : David Ben Gourion, le tout premier Premier ministre israélien. Il a aussi été celui qui est resté le plus longtemps en poste avant que Benjamin Netanyahou ne batte son record ces dernières années. Ben Gourion a joué un rôle crucial dans la création d’Israël dans ces premières années. Lorsque Israël a déclaré son indépendance en Mai 1948, il le fit dans le contexte de la Nakba et alors qu’une crise internationale débouchait sur l’échec de la communauté internationale à gérer la question de la Palestine. Des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens ont été arrachés à leurs foyers et cherchèrent refuge dans les états voisins alors que la guerre finissait en 1949. Mais la Déclaration d’Indépendance d’Israël (un document auquel se réfèrent de nombreux libéraux israéliens pour mettre en avant la philosophie libérale de leur état) assure qu’Israël adoptera une constitution en Octobre 1948. Trois quart de siècle plus tard, cela n’est pas toujours pas fait.

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