Palestine. « La bataille pour l’égalité des droits est une priorité »

lundi 23 mai 2022

Explorant le sionisme et ses conséquences, la chercheuse Ghada Karmi explique dans un ouvrage pédagogique pourquoi la seule solution pour les Palestiniens est celle d’un État unique. Mais pour l’heure en Israël et en Palestine, tous les citoyens n’ont pas les mêmes droits, loin s’en faut. Ghada Karmi, à l’invitation d’Orient XXI, sera ce vendredi 13 mai au Maghreb Orient des livres à Paris.

PNG - 1.5 Mo Chris den Hond (capture d’écran), 4 avril 2022

Ghada Karmi, universitaire et autrice palestinienne vivant en Angleterre, vient de publier à La Fabrique Israël-Palestine, la solution : un État. Elle estime avec cet ouvrage que la seule solution au conflit est celle d’un seul État, où tous les habitants jouiraient des mêmes droits politiques et civiques — solution qui semble aujourd’hui impossible, mais parait la seule souhaitable. Elle décrit les différentes formes que pourrait prendre cet État unique : une personne, une voix et un seul parlement, ou bien un État fédéral avec des institutions régionalisées. Ghada Kharmi explique ici sa démarche, et sera le vendredi 13 mai 2022 à Paris, dans le cadre d’une rencontre avec Sylvain Cypel débat organisée au Maghreb Orient des livres par Orient XXI.

Chris den Hond. — Pourquoi l’actuel statu quo ou une solution à deux États ne sont-elles pas des solutions viables pour le peuple palestinien ?

Ghada Karmi. — Se contenter d’un statu quo serait un leurre, puisque la colonisation reste galopante. La solution à deux États, du point de vue palestinien, se résumait par « mieux vaut quelque chose que rien du tout », c’était vraiment le sentiment partagé par la population. Mais partager la terre en deux parts inégales, 78 % pour les Israéliens juifs et 22 % pour les Palestiniens était la première erreur figurant dans les accords d’Oslo. Ensuite, les accords n’intégraient pas du tout les réfugiés, qui sont six millions selon les chiffres des Nations unies. Les réfugiés ne sont pas une option « à régler après ». Ils ne sont pas un détail, et sans tenir compte d’eux, il n’y aura pas de solution. Et finalement, pour celles et ceux qui considèrent que le sionisme est le problème de fond, ce genre d’accord fait durer le sionisme. L’État sioniste a une longue histoire d’hostilité envers le peuple palestinien, donc rien de bon ne ressortirait de cette proposition de deux États. Les gens devraient arrêter de perdre du temps à évoquer cette possibilité.

C. H. — Quelle serait selon vous une solution juste et viable ?

G. K. — Dans mon livre, j’explique les différents modèles utilisables pour satisfaire les deux groupes, les Israéliens juifs et les Palestiniens. Comment pourront-ils éventuellement vivre ensemble ? Je suis allée voir comment les choses se passent dans d’autres pays. L’idée d’une fédération avec un parlement commun qui a des compétences sur la défense, la politique étrangère et les grandes questions économiques comme la politique énergétique, combinée avec des institutions régionales, fonctionne en Suisse, en Espagne, en Belgique, en Allemagne et même aux États-Unis. Je ne dis pas que c’est le miracle sur terre, mais c’est une potentielle solution.

Le modèle binational intéresse bon nombre de dirigeants politiques. Ceci présuppose qu’il y a deux communautés qui habitent le même espace et veulent un certain degré d’autonomie en raison de la langue, de la religion ou des coutumes. Ils pourraient facilement avoir un parlement commun au sein duquel les deux communautés seraient représentées dans deux blocs à égalité, et à côté des parlements régionaux ou des institutions décentralisées avec des compétences spécifiques.

Il y a aussi le modèle d’un seul État démocratique et laïque sur la base des démocraties bourgeoises à l’occidentale : une personne, un vote, des arrangements pour la langue, etc. C’est le modèle que l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) a proposé en 1969.

C. H. — Quelle est votre proposition pour la région de Jérusalem, qui est un problème spécifique ?

G. K. — Le modèle de Bruxelles est vraiment intéressant à appliquer à Jérusalem. La région de Jérusalem et Bethléem pourrait être considérée comme une région ou une province avec ses propres parlements régionaux et ses propres compétences. Dans la région de Bruxelles, les deux communautés qui vivent mélangées sur ce territoire ont leurs propres institutions linguistiques, et parallèlement il existe un parlement bruxellois où siègent les deux communautés, avec le même nombre de sièges pour éviter qu’une domine l’autre, avec des compétences qui concernent la région.

Les domaines qui concernent tout le pays, comme la défense, les grandes décisions économiques, la sécurité sociale ou encore les affaires étrangères, restent les compétences d’un parlement fédéral ou national. S’il y a une volonté politique, c’est réalisable. Mais les deux parties devraient négocier sur un pied d’égalité. Si une partie domine l’autre, un accord juste ne peut pas être obtenu.

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