Shireen Abu Akleh, exécutée pour envoyer un message aux Palestiniens ?

jeudi 9 juin 2022

Au cours de mes 20 années de reportage en Israël et en Palestine, j’ai appris de première main que la version israélienne des événements entourant la mort de Palestiniens ou d’étrangers n’est jamais digne de confiance.

Source : Jonathan Cook
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

L’exécution de la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh par un soldat israélien dans la ville palestinienne de Jénine, les efforts immédiats d’Israël pour brouiller les pistes quant à l’identité du responsable et les faibles expressions de préoccupation des capitales occidentales ont fait resurgir les souvenirs de 20 ans de reportages dans la région.

Contrairement à Abu Akleh, je me trouvais beaucoup moins souvent sur les lignes de front dans les territoires occupés. Je n’étais pas correspondant de guerre, et lorsque je me retrouvais près de l’action, c’était invariablement par accident – comme lorsque, toujours à Jénine, mon taxi palestinien a tourné dans une rue pour se retrouver face au canon d’un char israélien. À en juger par la vitesse et l’habileté avec lesquelles mon chauffeur a fait marche arrière, ce n’était pas la première fois qu’il avait affaire à ce genre de barrage routier.

Abu Akleh a rendu compte de bien trop de meurtres de Palestiniens pour ne pas connaître les risques qu’elle encourait en tant que journaliste chaque fois qu’elle enfilait un gilet pare-balles. C’était une sorte de culot que je ne partageais pas.

Selon un récent rapport de Reporters sans Frontières, au moins 144 journalistes palestiniens ont été blessés par les forces israéliennes dans les territoires occupés depuis 2018. Trois, dont Abu Akleh, ont été tués au cours de la même période.

J’ai passé une partie de mon temps dans la région à visiter les scènes de décès de Palestiniens, en essayant de piocher dans les récits contradictoires palestiniens et israéliens pour mieux comprendre ce qui s’était réellement passé. Le meurtre d’Abu Akleh et la réponse d’Israël correspondent à ce que j’ai découvert en menant ces enquêtes.

Il n’a donc pas été surprenant d’entendre le Premier ministre israélien Naftali Bennett accuser immédiatement les Palestiniens de sa mort. Il y a, a-t-il dit, « une chance considérable que des Palestiniens armés, qui ont tiré sauvagement, soient ceux qui ont provoqué la mort malheureuse de la journaliste. »

Règlement de comptes

Abu Akleh était un visage familier non seulement pour le monde arabe qui dévore les nouvelles de Palestine, mais aussi pour la plupart des soldats de combat israéliens qui font des « raids » – un euphémisme pour attaquer – dans des communautés palestiniennes comme Jénine.

Les soldats qui ont tiré sur elle et sur le groupe de journalistes palestiniens avec lequel elle se trouvait savaient qu’ils tiraient sur des membres des médias. Mais des éléments semblent également indiquer qu’un ou plusieurs soldats l’ont spécifiquement identifiée comme cible.

Les Palestiniens soupçonnent à juste titre que l’entrée de la balle situé juste sous le bord de son casque métallique n’est pas le fruit du hasard. Il s’agissait d’un tir de précision destiné à la tuer, raison pour laquelle les responsables palestiniens qualifient sa mort de « délibérée. »

D’aussi loin que je me souvienne, Israël a toujours essayé de trouver des prétextes pour mettre fin à la couverture d’Al Jazeera, souvent en interdisant ses reporters ou en leur refusant des accréditations presse. En mai dernier, Israël a bombardé une tour de Gaza qui abritait les bureaux de la chaîne.

En effet, Abu Akleh a très probablement été abattue précisément parce qu’elle était une journaliste très en vue d’Al Jazeera, connue pour ses reportages intrépides sur les crimes israéliens. L’armée et ses soldats sont rancuniers, et ils disposent d’armes mortelles pour régler leurs comptes.

« Tir amical »

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