Tamer Nafar : Le parrain du hip-hop palestinien

dimanche 9 janvier 2022

« Un shekel, un rêve et un dictionnaire ». C’est tout ce qu’avait Tamer Nafar quand il a commencé. Aujourd’hui, il est un des principaux musiciens palestiniens, le parrain de la scène hip-hop arabe, acteur, scénariste et (de son propre aveu), « un mec cool, tout simplement ».

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La vie de Tamer, né et élevé à Lydd, a été façonnée par la ville. À Lydd, les taux de criminalité sont élevés et la cruauté de la violence et de la pauvreté touche tous.tes les habitant.e.s palestinien.ne.s d’une manière ou d’une autre. Les quartiers palestiniens arabes sont négligés par Israël, laissés à eux-mêmes et dans cet environnement difficile, Tamer a trouvé du réconfort dans la musique. « Lydd a été la raison pour laquelle je suis amoureux du hip-hop » dit-il. « Lydd étant devenue le plus grand marché de drogue du Moyen Orient et la brutalité de la police et la criminalité augmentant, j’ai perdu beaucoup d’amis. Cela m’a fait me tourner vers le hip-hop, m’a amené vers ce côté de la musique que je n’avais pas exploré auparavant ».

Bien que son anglais ne fût pas des meilleurs, Tamer s’est connecté aux images véhiculées par le hip-hop. « Ce que je voyais sur ces vidéos musicales ressemblait à mon quartier. Par exemple la vidéo hurlante de 2Pac Si Tu M’entends : elle commence par des flics qui emmènent un jeune Noir vers leur voiture et il est menotté. C’était juste comme dans mon quartier – les sirènes, les jeunes arrêtés. Je ne savais pas de quoi il parlait, je ne comprenais pas les paroles mais je pouvais les imaginer. Cela me reliait à ma réalité ; ça m’a aidé à m’exprimer sur ma propre vie et sur ce qu’il se passait. J’avais eu ce sentiment et la colère et des émotions auparavant, mais avec le hip-hop, j’ai commencé à trouver les mots ».

Tamer s’est procuré un dictionnaire et a commencé à traduire les paroles qu’il écoutait. « Il y avait peut-être 80% des mots que je ne trouvais pas, parce que c’était de l’argot, mais j’ai capté. J’ai appris moi-même ». Il a commencé à écrire ses propres paroles en anglais, en exprimant ses expériences personnelles à travers le rap, faisant ce que personne autour de lui ne faisait. Au début, le processus a été ardu. « C’était en 1998. J’ai essayé de trouver des producteurs mais ils ne faisaient que des mariages. Il n’y avait pas de rythmes facilement accessibles comme aujourd’hui. Il n’y avait juste pas de base pour faire de la musique hip-hop, donc c’était très, très, très difficile ». Alors Tamer a improvisé : il a téléchargé des versions instrumentales de morceaux célèbres et a commencé à rapper dessus. « Mes premiers singles étaient tous chantés sur des rythmes connus ; ce n’est qu’autour de 1999-2000 que j’ai commencé à trouver des producteurs et à créer mes propres rythmes ».

C’est vers ce moment-là que Tamer a découvert à quel point la scène hip-hop israélienne se développait. « C’était underground et ils produisaient leurs propres trucs et kicks. J’ai été choqué de voir une scène aussi développée ». Il ne fallut pas beaucoup de temps à Tamer pour qu’il se mette à travailler sur des raps en arabe, traçant un genre nouveau. Ce fut cette innovation, ces raps arabes, qui ont fait de lui la star qu’il est aujourd’hui.

Bien qu’il soit entré sur la scène hip-hop et qu’il ait grandi dans les dures conditions de l’apartheid israélien, Tamer n’a pas pris une posture politique lorsqu’il a commencé à faire de la musique. « Pour moi, au départ j’étais très ‘f… la police’, plus concentré sur Lydd que sur la Palestine. Je cherchais à être un artiste, je n’étais pas, alors, en recherche identitaire. Ce n’est que plus tard, après le début de la deuxième Intifada, que j’ai commencé à m’exprimer spécifiquement sur être palestinien. Au début, j’étais juste content d’être dans une pièce avec des lumières et un bon micro ». Quand l’intifada a éclaté et que des Palestiniens ont été ouvertement tués, Tamer est allé à un concert à Tel Aviv et a laissé ses sentiments s’exprimer dans une chanson intitulée Innocents Criminels. La réaction dans le club a été moins qu’enthousiaste. « C’est devenu dingue, les gens ont commencé à se battre. C’est là que ça m’a frappé. Ça me va d’être sympa, d’être un jardinier ou un mécanicien ou le livreur de Houmous, mais si j’arrête et que je dis ‘le jardin dans lequel je travaille, c’était celui de mon grand-père’ alors là ces gens ne sont plus mes amis. Cette nuit-là j’ai eu le sentiment que je voulais être plus politique ». La chanson qu’il a chantée et l’attention qu’elle a obtenue ont apporté à Tamer une certaine attention et une responsabilité. « Les gens ont commencé à m’inviter à des événements politiques et j’ai commencé à participer à ce côté des choses. La vie est un processus ».

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