Unir la diaspora palestinienne en Amérique Latine

lundi 20 février 2017

Un entretien avec Ziad el-Aloul, militant palestinien, sur les moyens mis en oeuvre pour réunir la diaspora palestinienne d’Amérique Latine.

Premier événement du genre, des Palestiniens ont pris part ce mois-ci à une semaine de manifestations destinées à éveiller les consciences et à rassembler tous les Palestiniens dispersés en Amérique Latine.

Ces manifestations, organisées par Ziad el-Aloul, militant palestinien vivant au Royaume-Uni, ont fait intervenir une délégation de journalistes et plus de 60 leaders de la communauté venus de tout le continent sud-américain ainsi que des membres du collectif palestinien.

Le Chili abrite la plus grande minorité palestinienne vivant en dehors du Moyen Orient. Elle se situe à près de 500 000 personnes.

Les Palestiniens représentent 2,5% des 17 millions de personnes qui vivent le long de la côte du Chili. Ils constituent un élément important de la vie du pays car on les trouve dans les secteurs de la banque, de l’immobilier, des marchés financiers et de l’agriculture.

Le Chili est au nombre des premiers pays à avoir reconnu la Palestine en tant qu’état libre, indépendant et souverain en 2011.

Al Jazeera s’est entretenu avec el-Aloul pour en savoir plus sur ce projet.

Al Jazeera : Quelles activités ont marqué cette semaine de manifestations ?

Ziad el-Aloul : Il y avait un groupe de journalistes qui se sont surtout focalisés sur la sensibilisation. Il y avait aussi des séminaires et des ateliers. Beaucoup de ces manifestations avaient un caractère culturel et célébraient l’héritage de la Palestine. Nous avons eu des expositions sur la Nakba, sur des villages palestiniens et sur des produits traditionnels.

Il y a également eu des conférences et des séances avec des hommes politiques où il a été question des moyens à mettre en œuvre pour unir les Palestiniens d’Amérique Latine. Nous avons rencontré Francisco Chahuan, candidat palestinien aux prochaines élections présidentielles au Chili. Près de 60 délégués représentant 14 nations différentes vivant en Amérique Latine étaient aussi présents.

Il s’agissait surtout de raviver l’identité palestinienne et de renforcer le sentiment d’attachement à la Palestine chez les Palestiniens vivant au Chili.

Al Jazeera : Qu’espérez-vous en retirer ?

El-Aloul : En Amérique Latine, bien que 99% des Palestiniens viennent des mêmes villes palestiniennes (Bethléem, Beit Jala et Beit Sahour) les mêmes familles vivant par exemple à Lima ou Santiago, ne se connaissent pas. C’est pourquoi nous avons décidé de rassembler toutes ces personnes et de les réunir dans le cadre d’une conférence palestinienne.

Notre but est de tenir une conférence palestinienne chaque année en Amérique Latine, ce qui donnera aux gens l’occasion de se rencontrer et rendra la communauté plus solide. La prochaine conférence se tiendra en octobre.

Nous voulons aussi créer un groupe parlementaire pour les hommes politiques vivant en Amérique Latine. Ils pourraient agir en tant que lobby et exercer une pression politique à travers les liens qu’ils ont avec l’Amérique du nord, l’Europe, les États-Unis, etc. Ces hommes politiques s’uniraient sous une même étiquette et travailleraient pour la Palestine. Ce groupe pourrait être constitué de 300 à 400 parlementaires à travers le continent.

Notre but est de toucher chaque Palestinien de la communauté. Nous souhaitons que chacun d’entre eux ainsi que sa famille se concentrent sur leur identité et connaissent leur pays d’origine, qu’ils se relient à leurs racines. La plupart des Chiliens ne parlent pas arabe. Mais si vous marchez dans la rue, vous comprendrez ce qu’être attaché à sa patrie signifie. Les Palestiniens d’ici vivent et respirent palestinien. Ils ont gardé des relations étroites (avec la Palestine) même si cela fait plus de 100 ans qu’ils ont immigré. Il y a ici des cafés et des restaurants palestiniens. On trouve le drapeau partout et des auto-collants du drapeau sur les voitures, dans les boutiques, etc.

Nous travaillons aussi à obtenir que le parlement chilien se joigne à la campagne qui doit demander à la Grande-Bretagne de s’excuser pour la Déclaration Balfour lors du centième anniversaire de sa signature en octobre prochain.
JPEG - 75 ko Manifestation pro-palestinienne à Valparaiso, Chili, juillet 2014 - Photo : http://axlibre.over-blog.com

Al Jazeera : Les Palestiniens ont-ils une réelle influence au Chili ? Pensez-vous qu’ils puissent infléchir la politique menée ?

El-Aloul : 10% des parlementaires chiliens sont d’origine palestinienne. Ils sont ici depuis 1870 et ils travaillent dans les secteurs les plus importants, comme par exemple l’agriculture. Ils ont contribué et contribuent à l’histoire et au développement du pays. Les Palestiniens sont propriétaires de 6 banques sur les 10 plus grandes banques du Chili.

Et quand vous leur demandez d’où ils sont, ils répondent, sans peur et avec fierté, qu’ils sont Palestiniens. Quand on dit « arabe » au Chili, en fait on veut dire « palestinien », car il y a d’autres minorités arabes mais beaucoup moins importantes. On les respecte ici. Ils sont un élément central de l’État.

Al Jazeera : Quelle a été la plus grande réalisation de cette semaine de manifestations ?

El-Aloul : Cela fait près de 40 ans, depuis les années 1980, que ces Palestiniens n’ont pas été actifs. Aussi cet activisme est-il en lui-même une réalisation. Deux autres grandes réalisations sont, bien sûr, la décision de tenir une conférence palestinienne dont la date a été arrêtée pour octobre et la décision d’avoir un groupe de parlementaires qui agira comme groupe de pression.

Ce groupe fera aussi partie de la campagne internationale visant à pousser le Royaume-Uni à s’excuser pour le crime qu’il a commis contre les Palestiniens avec la Déclaration Balfour.

Nous avons également discuté des moyens que ce groupe pourra mettre en œuvre pour faire pression sur les gouvernements du monde entier afin de mettre fin au siège israélien de la Bande de Gaza.

17 janvier 2017 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine – Christine Malgorn

[*Voir aussi*]

Brésil : première ambassade de Palestine en Amérique Latine

Alors que le Vatican inaugurait l’ambassade de Palestine sur ses terres, au tour du Brésil d’accueillir la première ambassade palestinienne en Amérique Latine.
Le dôme doré sur l’ambassade de Palestine
PNG - 377.6 ko
C’est dans la capitale Brasilia et avec l’ambassadeur de l’Autorité Palestinienne au Brésil que l’inauguration a eu lieu. Ce dernier a donc pu voir le drapeau flotter sur l’établissement, avec émotion. « C’est l’accomplissement de mon rêve et celui de mes autres collègues nommés ses dernières années à ce poste » , a justement dit le diplomate. Sur ce bâtiment, on retrouve notamment le dôme doré comme sur le Dôme du Rocher à Jérusalem. Lors de cet événement, des membres du gouvernement brésilien étaient aussi présents. Cette ouverture de l’ambassade de Palestine au Brésil ne plait pas à Israël… fallait-il d’ailleurs en douter ? Le pays n’a d’ailleurs pas d’ambassadeur sur place depuis décembre 2015 en raison du refus brésilien de voir un ancien dirigeant de colonies occupé cette fonction.

Quel sera donc le prochain Etat à ouvrir une ambassade de Palestine ?

Auteur : Siham Dans Katibin Actualités, International 14/02/2017