Un entretien avec Ziad Medoukh universitaire, poète palestinien de Gaza.

lundi 15 juin 2020

Ziad Medoukh, est un citoyen palestinien vivant à Gaza, professeur de français, chercheur francophone à l’université Al-Aqsa à Gaza, formateur pour les jeunes, écrivain et poète d’expression française, conférencier infatigable pour la Palestine, à deux reprises déjà, invité par Corsica Palestina nous avons eu occasion de le rencontrer. C’est un témoin au quotidien de la situation en Palestine en général, et dans la bande de Gaza en particulier.

Le site Mancalternativa lui a posé quelques questions et de Gaza, il nous a répondu.

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Mancalternativa : Quelle est la situation sanitaire actuelle en Palestine et à Gaza en particulier suite à la pandémie de COVID 19 ?

Ziad Medoukh : Dans les territoires palestiniens, on a 670 cas touchés par le coronavirus et trois morts de cette pandémie jusqu’à cette première semaine de juin 2020. La situation sanitaire est catastrophique dans la bande de Gaza, le système de santé est défaillant, Heureusement, et jusqu’à présent, et après quatre mois, on a seulement un décès et 63 cas infectés par le COVID-19, tous des Palestiniens qui rentraient de l’extérieur et il n’ y avait aucun cas de l’intérieur,. Et tout cela malgré un système de santé très faible et le manque de moyens économiques et médicaux dans une région qui souffre d’un blocus inhumain qui dure depuis plus de 14 ans.

la bande de Gaza, qui possède un seul hôpital équipé, quelques centres médicaux, 55 lits en soins intensifs et 50 appareils de réanimation, a été épargnée de ce virus mortel, et sa population civile a montré une fois de plus une capacité de s’adapter avec cette situation humanitaire et sanitaire particulière et préoccupante . Une population confiante et consciente dans sa réaction et dans son attitude face à cette épidémie malgré ce double confinement.

Depuis la découverte de premiers cas en mars dernier, le premier constat qu’il n’ y a pas eu de panique, pas de pénurie et de manque ni de masques ni de produits nécessaires sur les marchés de Gaza, pas d’afflux de citoyens dans les grandes surfaces et les supermarchés. Les Palestiniens de Gaza ont appliqué à la lettre les consignes préventives malgré aucun cas infecté de l’intérieur.

Mancalternativa : Quelle est actuellement la situation sociale ?

Ziad Medoukh : Depuis le début de cette épidémie, on a remarqué le renforcement de la solidarité familiale et sociale , malgré les conséquences dramatiques de ce double confinement ; beaucoup de commerçants, de magasins et de boulangeries baissent les prix de leurs produits en solidarité avec les plus démunis. Des supermarchés proposent l’acheminement des achats gratuitement chez les habitants confinés chez eux. On voit aussi la distribution de masques, de savon et de produits de désinfection, mais aussi la distribution de colis alimentaires et sanitaires et de repas aux familles pauvres directement chez elles à cause du confinement grâce aux dons de personnes aisées de Gaza.

l’Autorité Palestinienne à Ramallah , a envoyé des médicaments à Gaza, et l’Organisation Mondiale de la Santé -OMS- a fait don de 10.000 kits de dépistage pour aider à faire face à cette pandémie.

Sans oublier quelques initiatives des pays et d’organisations internationales qui ont soutenu la population de Gaza dans cette période particulière par des équipements médicaux et des aides alimentaires et sanitaires, qui ont participé à apaiser la souffrance d’une population qui se trouve de nouveau devant une crise économique et sociale dévastatrice.

Mancalternativa : Quelle est actuellement la situation économique ?

Ziad Medoukh : Les mesures préventives prises dans cette région depuis plus de 4 mois, le confinement, la fermeture de beaucoup de lieux publics, d’établissements, et l’arrêt de la productivité dans certaines activités économiques ont aggravé la situation économique déjà fragile, une économie à une croissance limitée et de faibles ressources.

Tous les secteurs économiques et commerciaux dans l’enclave palestinienne ont connu un déclin important, leur capacité de production a diminué de 60% à 70 % ces derniers mois, les pertes économiques liées à l’épidémie dans la bande de Gaza dépassent les 50 millions euros comme pertes directes.

L’Union Générale des Travailleurs Palestiniens a confirmé que plus de 45.000 travailleurs et ouvriers de Gaza ont perdu leurs postes.

Le problème que 90 % des travailleurs dépendant du revenu quotidien, et leur contribution au PIB a diminué de 37%, ce qui augmente le chômage et la pauvreté dans la bande de Gaza.

Le bureau palestinien des Statistiques a montré dans son bulletin de juin 2020, que Le taux de chômage est passé à plus de 73 %, et la pauvreté a augmenté à 54 %. Et que plus de 77% de la population de Gaza dépend de l’aide internationale.

Mancalternativa : Comment se présente la situation politique ?

Ziad Medoukh : Côté politique, la population de Gaza suit avec inquiétude les événements nationaux, , elle organise des manifestations et des rassemblements contre le plan israélien d’annexer la vallée du Jourdain et une partie de la Cisjordanie, même si on a constaté une coordination entre les deux gouvernements de Ramallah et de Gaza pendant l’épidémie, mais on n’est pas encore arrivé à une vraie unité nationale palestinienne.

La population de Gaza espère arriver à une vraie réconciliation pour faire face à cette épidémie certes, mais à ces plans israéliens et américains qui visent tout le peuple palestinien.

Mancalternativa : On entend diverses informations à propos des élections présidentielles en Palestine. Qu’en est-il plus précisément ? On avance la possible candidature de Marwan Bargouhti ; sa candidature sera-t-elle envisageable au vu se sa situation présente ?

Ziad Medoukh : Pour le moment les choses n’avancent pas pour organiser des élections législatives et présidentielles dans les territoires palestiniens à cause de la division.

Le contexte politique national et régional est particulier, il ne permet pas d’avancer dans cette voix d’unité nationale.

Marwan Bargouti
est un candidat potentiel, car il a un consensus national en Palestine, pour le moment, il est en prison, espérons.

Mancalternativa : Vous venez de publier un livre « Etre non violent à Gaza ». Qu’est-ce qui vous a amené à écrire cet ouvrage ?

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Ziad Medoukh : Dans “Etre non-violent à Gaza”,je présente et analyse l’initiative originale que constitue la « grande marche du retour », ainsi que les nombreuses actions de résistance non-violente initiées par la société civile de Gaza, en particulier par les jeunes et les étudiants de Gaza

Plusieurs thèmes ont été retenus pour leur importance dans le décryptage de la situation à Gaza : la grande marche du retour et ses conséquences, les initiatives de la population pour sauvegarder le lien social (soutien psychologique aux enfants, encouragement au bénévolat, solidarité sociale, etc.), l’adaptation de l’économie au contexte du blocus (recherche de l’autonomie alimentaire, etc.), le rôle essentiel de l’éducation et de la culture dans la résistance pacifique, la place éminente des femmes dans ce combat pour la vie.

Etre non-violent à Gaza est d’abord un témoignage écrit par l’observateur palestinien francophone, qui vit et travaille sur place, qui poursuit son combat par l’éducation et la promotion des principes de la non-violence, notamment auprès des jeunes générations.

Mancalternativa : Permettez- nous une question plus personnelle : quels sont vos poètes français préférés et pourquoi ?

Ziad Medoukh : Victor Hugo, Albert Camus, Jean –Paul Sartre. J’aime beaucoup la littérature engagée, et les auteurs militants pour des causes justes, je préfère l’écriture qui touche et qui sensibilise les gens à des causes et des événements nationaux et internationaux qui demandent une réflexion permanente sur notre monde, sur sur notre vie et notre avenir..

Ces auteurs représentent la révolution, la lutte contre l’injustice, la mobilisation et le changement pour un monde meilleur, un monde de justice, de paix et d’égalité.

Pour nos lecteurs, ce poème de Ziad Medoukh
Hommage à une personne digne de Gaza
Rien de plus beau qu’un baiser sur le front
D’une personne digne
Une personne qui donne et qui donne
Hommage à toi mon père
Merci à toi mon oncle
Respect à toi le volontaire
Que tu sois ouvrier, travailleur ou simple agent municipal
Mon baisser doux sur ton front est un bonheur
Submergé dans la dignité !
Il reflète ton beau sourire
Et ta force sans faille
C’est un remède à ta fatigue
Il montre la noblesse de ton âme
Et la bonté de ton cœur
Toi qui verse ton sang avant ta sueur
Pour ta ville et pour ton pays
Toi le magnifique hymne d’espérance
Tu défies les conditions difficiles
Tu souffres au quotidien
Souvent, tu travailles sans être payé
Tu le fais pour l’amour de ton pays
Moi et mon peuple, nous sommes fiers de toi,
De ton travail
Et de tes efforts pour nous,
Et pour la société.
Tu es le héros de la ville
Ta fonction est un honneur
Pour toi, ta famille et ta patrie.
Tes sacrifices pour Gaza sont considérables
Tu es le symbole de la dignité
Avec volonté et détermination,
Avec courage et persévérance
Toi l’humaniste par excellence
La vie est respect, reconnaissance
Mais surtout Education
Et en Palestine, le travail est une résistance !

Source : Manca Alternativa