Pierre Stambul : « L’Algérie n’appartient pas au clan qui collabore avec l’occupant israélien et c’est à son honneur »

mardi 29 décembre 2020

Le Méditerranéen : Le Maroc a reconnu l’État d’Israël. Dans quelle logique cette reconnaissance a eu lieu.

Pierre Stambul : Il faut revenir en arrière, sinon on ne comprend pas ce qui est à l’œuvre. Les Juifs maghrébins sont des autochtones, descendants de Berbères convertis au judaïsme, il y a près de 2000 ans et, pour certains, des descendants de Juifs espagnols accueillis au Maghreb après leur expulsion d’Espagne au XVe siècle. Vers 1950, les Juifs forment 5% de la population du Maroc et sont totalement insérés dans la population. Ils n’ont jamais subi de persécutions comme l’Europe chrétienne en a infligé aux Juifs. Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, le sultan du Maroc a refusé que ses « sujets juifs » portent l’étoile jaune. L’apparition du sionisme va modifier les choses. Le nouvel État d’Israël qui a expulsé de façon préméditée le peuple palestinien a besoin de nouveaux prolétaires. Le départ de la grande majorité des Juifs marocains vers Israël (et pour certains vers la France) va être organisé avec une complicité active entre le roi Hassan II et les dirigeants israéliens.

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L’émigration sera présentée comme la seule issue pour les Juifs dans le cadre de l’indépendance du Maroc. Les Juifs marocains qui refusent le sionisme et luttent pour la justice sociale au Maroc, vont être réprimés avec la même férocité subie par toutes les victimes de la dictature marocaine (je pense à Abraham Serfaty). Les Juifs marocains, comme en général les Juifs orientaux, vont subir en Israël, un racisme institutionnel, interne à la société juive Israélienne, d’une grande violence. Ils sont discriminés et sommés de cacher leur « arabité ». La complicité entre les dirigeants israéliens et Hassan II sera manifeste pendant la guerre des « six jours » (1967) où le roi donnera toutes les informations sur l’état des armées arabes à l’armée israélienne. En 1994, le Maroc sera, avec la Jordanie et l’Égypte, un des trois pays arabes à reconnaître Israël dans la suite des accords d’Oslo. Les relations commerciales et touristiques vont devenir très florissantes.
Les partisans du BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions contre l’État d’Israël) au Maroc vont être réprimés. Le Maroc gèlera ses relations avec Israël au moment de la répression de la deuxième Intifada. Mais la période a changé. Avec Trump, plusieurs pays arabes (Émirats, Bahreïn, Soudan) ont franchi le pas : ils exigent des Palestiniens une capitulation sur leurs revendications historiques, en particulier le droit au retour des réfugiés palestiniens. Certains ont essayé de donner une touche religieuse à cette demande de capitulation en estimant que Jérusalem n’était pas la ville sainte des trois religions monothéistes mais uniquement celle du judaïsme. Il était logique que la dynastie marocaine, qui réprime son propre peuple (voir les lourdes condamnations de certains animateurs du Hirak) fasse partie du camp des collaborateurs avec l’occupant sioniste.

En contrepartie, le président sortant américain a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental occupé. Comment qualifiez-vous ce troc ?
Pendant tout son mandat, Trump a utilisé des méthodes de gangster d’une grande brutalité et d’un grand cynisme. Le « deal du siècle » de Jared Kushner en est un bon exemple. Il dit en gros aux Palestiniens : « vous avez perdu comme avant vous les Amérindiens d’Amérique ou les Aborigènes d’Australie. On va vous donner quelques arpents de sable qu’on appellera État palestinien. On va transformer les derniers territoires qu’on ne vous aura pas volés en « zone franche » où les capitalistes pourront exploiter une main d’œuvre bon marché. » Un bon exemple du fait que ceux qui collaborent avec Israël se croient tout permis : le club de football du Bétar de Jérusalem, le plus raciste d’Israël, est racheté par un milliardaire émirati.

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