Simon Assoun – Darmanin et les Juifs : une histoire républicaine

lundi 12 avril 2021

Gérald Darmanin a fait paraître il y a quelques semaines un livre intitulé Le séparatisme islamiste – Manifeste pour la laïcité. Entre autre horreurs, il y défend notamment la politique « d’intégration » menée par le régime napoléonien à l’égard des Juifs en France et propose de l’appliquer aujourd’hui aux musulmans, sans que cela ait provoqué l’émoi de grand monde. Seulement cette politique était non seulement profondément antisémite – elle a interdit les prénoms hébraïques et placé l’église juive sous tutelle, mais s’appuyait également sur une vision nationaliste qui faisait des Juifs un corps étranger au reste du peuple. Simon Assoun, militant juif décolonial, propose ici de relire l’affaire Darmanin à la lumière de l’antisémitisme consubstantiel de la formation des États-nations occidentaux mais aussi d’esquisser des pistes pour une politique d’émancipation juive aujourd’hui – résolument opposée à l’islamophobie, cet autre contemporain de l’antisémitisme.

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Dans son livre contre le « séparatisme islamiste », le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin revendique la politique napoléonienne à l’égard des Juifs français comme un modèle à appliquer aux musulmans français aujourd’hui. La publication de certains passages sur le compte Twitter de la journaliste Sarah Benichou puis celle d’articles sur le site de Mediapart12 auront permis de troubler quelque peu le silence médiatique autour de la teneur antisémite de ces propos. Pour le ministre de l’Intérieur, la politique napoléonienne à l’égard des Juifs était un succès, même si, concède-t-il, certaines mesures pouvaient être difficilement supportables pour ces derniers. Naturellement, Gérald Darmanin a pu trouver dans la Licra un soutien fidèle, quoique maladroit.

En effet, dans un communiqué embarrassant3, la Licra a cru bon de citer l’historien Pierre Birnbaum pour défendre le ministre de l’Intérieur. Dans une interview accordée au site Arrêt sur image, l’historien a pourtant rappelé le caractère réactionnaire de la politique napoléonienne à l’égard des Juifs. Répondant aux questions du journaliste Daniel Schneidermann, il oppose cette période à celle de la Révolution, laquelle a selon lui « accordé la citoyenneté aux Juifs sans rien leur demander. » L’historien, nostalgique du « rôle intégrateur de l’État »4, énonce là une idée que ni Darmanin, ni la Licra ne repousserait. Et pour cause, bien plus que la période napoléonienne, la Révolution et la République sont parmi les fondements idéologiques de la construction de l’État-nation en France, et dans laquelle s’inscrit le pouvoir actuel. N’est énoncé rien de plus que l’idée que ce pouvoir se fait de lui-même et de sa propre histoire, idée dont l’hégémonie est garantie par ses appareils idéologiques.

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