Il y a soixante-dix ans, le départ des juifs irakiens

lundi 3 mai 2021

Traduit de l’anglais par Sarra Grira.

Sept décennies après leur exode massif, le récit autour du départ des juifs irakiens reste encore à construire, y compris au sein de la communauté déplacée, afin de comprendre comment une existence millénaire en Mésopotamie est devenue impossible à l’aube du tourbillon historique qui a suivi la création de l’État d’Israël. La chute de l’Empire ottoman, le colonialisme britannique qui s’en est suivi et l’émergence de mouvements nationalistes juif et arabe ont exercé des pressions politiques internes et externes sur la communauté juive irakienne. Tiraillée de toutes parts, celle-ci a fini par être le dommage collatéral des zones idéologiques en guerre.

PNG - 726.3 ko Juifs irakiens dans un avion partant pour Israël, Archives de la famille Dangoor

La majorité des juifs d’Irak ont été déplacés au lendemain du partage de la Palestine décidé par les Nations unies, la création de l’État d’Israël et la Nakba. Entre 1950 et 1951, ce sont près de 120 000 juifs irakiens qui ont fini par quitter leur pays, la plupart pour Israël, durant une opération appelée tasqit al-jinsiya (la déchéance de nationalité), car renoncer à sa nationalité irakienne était une condition prérequise, afin de partir sans possibilité de retour. Cet exode, plus connu sous le nom de sant al-tasqit (l’année du tasqit) est relaté de manière conventionnelle comme la fin de l’exil babylonien et la réalisation de la promesse messianique du retour à Sion. Dans la tradition juive, Babylone est un lieu pour la diaspora, la condition ultime de l’exil telle qu’incarnée dans la phrase biblique : « Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. »

En convertissant des concepts religieux en un discours ethno-nationaliste, la notion sioniste d’aliya (immigration en Israël pour un juif) a eu pour effet de mystifier le mouvement transfrontalier épique entre les zones ennemies. En effet, l’intitulé très officiel choisi pour le transport aérien des juifs irakiens était « Opération Esdras et Néhémie », et qui invoque les noms des prophètes associés à l’épisode biblique du retour à Jérusalem et la reconstruction du Temple. Toutefois, ce qui est souvent présenté comme la « réunion des exilés » et le retour de « la diaspora » à Jérusalem a en réalité été une expérience complexe et douloureuse, et un trauma multigénérationnel qui a engendré un sentiment d’appartenance ambivalent pour les juifs déplacés du Proche-Orient.

Les affres du départ

Lire la suite de l’article ICI.