LA VIE A KALENDIYA... Conversation à Ramallah, capitale de la Cisjordanie

vendredi 18 novembre 2016

Autour d’une délicieuse citronnade agrémentée de feuilles de menthe fraîches, dans un café à Ramallah, au mois d’octobre dernier, quand la nuit commençait à tomber, Dominique, et Delphine qui travaille en Palestine depuis plusieurs années en tant qu’interprète, m’ont raconté leur visite de Kalendiya. A partir de ce court récit, nous avons interrogé ce que signifient une tribu et un village qui désignent les organisations sociales palestiniennes.
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Que diriez-vous, si a 58 ans on vous détruisait votre maison ? Nous a demandé cet habitant de Kalendiya, village situé à quelques kilomètres de Jérusalem. Il nous a accueillis devant sa demeure en ruines. Onze maisons, trente trois logements, ont ainsi été détruits, le 25 juillet 2016, sur ordre de l’Etat d’Israël qui voulait gagner du terrain pour étendre une de ses nouvelles colonies.

Quelques temps avant cette destruction massive, comme chaque fois qu’une telle opération est décidée par l’administration israélienne, les propriétaires, qui logent ici depuis des générations, avaient reçu une lettre leur stipulant qu’ils devaient détruire leurs habitations eux-mêmes. En cas de refus, ils doivent s’acquitter d’une contravention, et s’ils refusent de la payer ils sont envoyés en prison. Ce n’est qu’un sursis, car tôt ou tard, les bulldozers débarquent et accomplissent leur sinistre office sous les yeux de la population.

A Kalendiya, The Wall , immense muraille de hautes plaques en béton, dessine des circonvolutions de séparation entre les maisons des colons et celles des palestiniens, afin d’exclure ou d’inclure dans le projet du Grand Jérusalem. Le mur rend inaccessible aux « arabes d’Israel » l’accès aux écoles, aux commerces et aux services administratifs.

A Kalendiya, il y a plus exactement deux murs au milieu desquels serpente une route réservée aux colons.

Nous sommes passés par le tunnel, seul moyen d’accès d’un village palestinien à l’autre, qui franchit par en dessous la colonie qui gagne du terrain en plein ciel. Quand nous sommes sortis du tunnel, nous avons marché cent mètres et sommes tombés sur le mur. La route qui conduit à Jérusalem s’arrête là.

Dans les villages, les palestiniens sont enclavés, emmurés vivants disent certains.

Un village de Palestine. Tribu ?
Un village de Palestine est généralement habité, depuis des siècles, par deux, voire trois familles. On les désigne souvent par le mot de tribu qui signifie un groupe social et politique fondé sur une parenté ethnique, qui renvoie par la construction des représentations sociales des sociétés qui se disent évoluées, à une organisation primitive, archaïque, quasi sauvage.

L’imaginaire social, étant échafaudé à partir de données culturelles finalement admises, parce que jamais contestées ni vérifiées, distille ainsi une violence symbolique qui, selon la définition de Pierre Bourdieu, trouve son fondement dans la légitimisation des schèmes de classement inhérents à la hiérarchisation des groupes sociaux.

C’est à ce titre que nous avons cherché à remplacer le mot de tribu par celui de dynasties, ou par celui de grandes familles au sens noble du terme. Le mot même de village est certainement devenu inapproprié pour désigner des regroupements d’habitations qui ne sont plus de simples maisonnettes à terrasses, comme on pourrait se l’imaginer, mais des immeubles à plusieurs étages.

Dans les camps de réfugiés des populations spoliées de leur terre, qui ont pour certains l’aspect d’une agglomération très pauvre de constructions en béton, voire de bidonvilles, les familles entassées continuent d’être harcelées et terrorisées par l’armée israélienne. Des femmes, diplômées ou non, se sont organisées en associations, en ateliers collectifs, certaines sont professeurs de math et enseignent hors du ghetto. Elles accueillent les groupes de visiteurs tout en choyant, inquiètes, les enfants qu’elles scolarisent.

La figure du palestinien
Le taux de chômage est important. Il a pour seul avantage de libérer du temps que de nombreux jeunes palestiniens occupent à suivre des études supérieures. Dotés pour certains de doctorat en mathématiques ou en urbanisme, restés trop longtemps sans emploi, ils rejoignent la longue file d’attente de ceux qui, comme eux , chaque matin , attendent le bon vouloir d’un colon qui achètera, à bas prix, leur force de travail. Cette file d’attente, composée de centaines d’hommes parqués, agglutinés, dans le couloir étroit et grillagé d’un check point, juste avant que le soleil commence à se lever, nous l’avions vue dans le reportage réalisé par un étudiant de l’Université Dar al Kalima.

La figure du palestinien, farouche, lanceur de pierres, qui abandonne ses enfants aux pires exactions, tueur armé d’un couteau de cuisine contre de pauvres israéliens qui ne demandent que le retour en leur Terre promise, est un leurre entretenu par des médias occidentaux.

Que feriez-vous si, a 58 ans, on détruisait votre maison ? Si on venait construire un mur sous vos fenêtres ? Si on empêchait vos enfants d’aller à l’école ? Si on captait votre eau ? Si on vous humiliait sans cesse ? Si vous étiez laissés sans protection par les institutions publiques de votre pays ?

La nuit a fini par tomber
La nuit a fini par tomber sur Ramallah, la capitale de la Cisjordanie- Palestine, la silencieuse.

Sur les hauteurs de la ville, les hôtels de luxe, les restaurants chics, les villas bourgeoises, les tours des immeubles modernes, le grand théâtre, la multitude de banques, ont éteint partiellement leurs lumières. Les marchands qui vendent l’eau mise en bouteille par Coca - Cola sous le nom Arwa vitality for life et traduit en arabe -dans un pays où les colons captent les sources des villages-, ont tiré leur volet.

La police locale qui ne parle pas anglais fait ses rondes en voiture. De jeunes adolescents tranquillisent les touristes qui dans l’obscurité des éclairages publics, aux alentours des grands et beaux quartiers, cherchent leur quatre étoiles « don’t be afraid it’s just the police. ».

Au petit matin, chaque jour, trois hommes armés, vêtus de treillis kakis, stationnent leur véhicule blanc sans drapeau apparent, campent devant notre hôtel, puis disparaissent.

source:Mille et une Vagues
Post Scriptum :
Le logo qui illustre l’article est une photo qui a été prise par Dominique Jacque
mont-Bertrand lors de la rencontre avec la "Campagne contre le mur", à Ramallah


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