A Gaza, une artiste fait de la destruction une oeuvre d’art
Un mur éventré de nouveau debout, une colonne de tuiles dressée au milieu de béton et de tiges métalliques : dans la bande de Gaza, une artiste néerlandaise met la guerre en ordre.
La maison Shaath, du nom du propriétaire, a été en bonne partie détruite dans un bombardement d’artillerie israélien lors de la guerre de l’été 2014. Mais elle revit aujourd’hui grâce à Marjan Teeuwen, 52 ans, qui travaille d’ordinaire dans des bâtisses en passe d’être détruites pour y faire naître des expositions temporaires, notamment aux Pays-Bas, en Russie ou en Afrique du Sud.
"Venir à Gaza marque une nouvelle étape. Pour la première fois, je travaille dans un immeuble qui a déjà été détruit par la guerre", raconte-t-elle.
"La guerre, c’est le chaos total (...) On voit ici l’endroit où est entrée la bombe", poursuit-elle. "J’ai donc mis toutes les pièces, les petites pierres et les ordures en ordre".
Il a fallu trois mois à Marjan Teewen pour monter cette exposition avec la collaboration d’artistes palestiniens et du Croissant Rouge.
La maison "a été bombardée, ce qui est négatif, mais je pense avoir réussi à en faire quelque chose de positif. Pour l’instant, il n’y a plus de chaos", se félicite l’artiste.
A commencer par le mur : des briques de pierres non scellées par du ciment posées les unes au dessus des autres et d’où s’échappent des raies de lumières.
Un enchevêtrement de tuiles et de gravats compose la principale colonne de la maison dont les lignes imitent celles d’un serpent. Planchers renversés, murs cassés ou délibérément désarticulés, "tout est sur le point" de vaciller, résume le guide de l’exposition.
- "Célébrer l’art" -
Plus de 120.000 maisons ont été partiellement ou totalement détruites pendant le conflit de l’été 2014 entre le Hamas et Israël, qui a coûté la vie à 2.251 Palestiniens et 73 Israéliens, selon l’agence des Nations unies en charge des réfugiés palestiniens (UNRWA).
Prés de 71.000 maisons ont été réparées et 57.000 attendent toujours d’être rafistolées ou reconstruites, selon Chris Gunness, son porte-parole.
"Mon message s’adresse aux Palestiniens afin qu’ils viennent visiter cet endroit et admirent sa beauté", dit Marjan Teeuwen, vêtue de noir dans le froid de l’hiver.
Pour son assistant Mohamed Abu Dagga, cette oeuvre "doit envoyer un message au monde" sur la souffrance des habitants de la bande de Gaza. "Malgré le blocus et les guerres, le peuple palestinien aime célébrer l’art, la beauté et la vie", assure-t-il.
Le petit territoire, gouverné par le Hamas islamiste et où s’entassent 1,9 million de Palestiniens, a été le théâtre de trois guerres en six ans. Il est également soumis depuis une décennie à un sévère blocus israélien tandis que l’Egypte — unique ouverture de Gaza sur le monde non contrôlée par l’Etat hébreu— tient sa frontière fermée en quasi-permanence.
Après avoir été montrée au public, la maison Shaath sera démolie. Sur ses décombres, Abou Ahmed Shaath bâtira sa nouvelle maison.
source : le Point
Marjan Teeuwen
Marjan Teeuwen a commencé son parcours par la peinture jusqu’à la découverte de son concept de « piled spaces » (espaces empilés). Sur ce thème elle expérimente divers médias : elle dessine, construit des installations et fait des photographies et des vidéos basées sur ces interventions architecturales. Au début ses installations étaient limitées à la surface de sa maison et de son studio, mais maintenant ses installations nécessitent plusieurs mois de constructions dans des immeubles et des usines avec une importante équipe d’étudiants et des techniciens.
Les photographies de Marjan Teeuwen « Archief 2 » et « Archief 3 » représentent vues du haut des pièces à première vue entièrement empilées de livres, mais il s’agit en fait de matériaux de chantier qui, par un effet d’optique, créent un nombre infini de mise en abîmes.
source : http://www.collectionsocietegenerale.com/fr/oeuvres/6131-archief_2.html