Cisjordanie : le cyclisme, sans le vouloir, devient un acte très politique
Pendant que l’équipe Israël Start-up Nation salit le Tour de France, avec l’ambition affichée de blanchir les crimes d’Israël, la réalité est tout autre en Cisjordanie occupée où le cyclisme, sans le vouloir, devient un acte très politique.
Malgré les nombreux obstacles auxquels sont confrontés ces cyclistes palestiniens amateurs, chaque semaine ils organisent des virées pour s’échapper de la ville et découvrir de nouveaux endroits.
Si vous vous plaignez parfois des voitures qui dépassent sur la piste cyclable, des voix de bus, des dos d’ânes quand vous êtes à vélo, pensez aux cyclistes palestiniens ! Routes fermées, checkpoints compliqués voire impossible à traverser, liberté de mouvement très restreinte, sans compter les attaques potentielles à proximité des colonies, une simple balade peut devenir un cauchemar pour les Palestiniens. Et le cyclisme - sans le vouloir - devient un acte intensément politique.
S’échapper de la ville, découvrir de nouveaux endroits, traverser les collines alentours, chaque semaine, Dennis Sobeh, 30 ans, cycliste amateur prend son vélo et arpente les routes palestiniennes depuis Ramallah. Mais mi-juillet, alors qu’il était avec quatre coéquipiers, au nord de la Cisjordanie, près du village de Turmus Ayya, une voiture s’arrête, leur demande d’où ils viennent ; puis ils voient arriver dans leur direction une quinzaine de colons en haut de la colline
« C’était dur de voir leur tête car ils étaient masqués. Mais les colons ont commencé à nous lancer des pierres depuis la colline. Et ils savent qu’ils peuvent le faire en toute impunité, donc ce n’est pas grave pour eux. »
Deux des cinq cyclistes se font battre avec des bâtons, et finissent à l’hôpital. Trois vélos sont cassés et un portable volé. L’armée israélienne a dû intervenir, emmener les cyclistes dans le village palestinien à proximité, continue Dennis
« On n’imaginait pas qu’en traversant uniquement la zone, on serait la cible d’attaques, et tout cela, parce que l’on est Palestiniens. On a dû fuir pour sauver notre peau. Et c’est une expérience traumatisante. Si on avait essayé de se défendre, ils nous auraient tiré dessus et nous aurait tués. C’est d’ailleurs ce que le garde de la colonie nous a dit. »
Mais ce n’est pas cet incident qui les empêchera de continuer, poursuit Dennis, car les obstacles sont nombreux en Cisjordanie. Traverser les checkpoints d’abord, même si les Palestiniens ont un permis qui leur autorise le passage. Il n’y a pas de règles claires pour les cyclistes. Et puis toutes les complications liées à l’occupation et « ces zones auxquels on n’a pas accès », détaille Mhammad Zarour 35 ans, passionné de VTT et créateur de la plateforme « Palestine Riders »
« Les changements dans les routes qui nous sont bloquées, les nouvelles colonies, je ne compte même plus le nombre d’obstacles auxquels on doit faire face. Et tout ça affecte l’ensemble de la communauté des cyclistes ici, car on ne veut pas cacher cette réalité. Tout le monde doit être au courant de ce qui peut arriver… »
Il y a aussi ces soucis de réparation. Quand il faut aller de l’autre côté du mur de matériel, quand il s’agit de faire venir des pièces de l’étranger ; sans le vouloir, le cyclisme devient un acte intensément politique, une manière de se reconnecter à la terre, Mais un sport qu’il est difficile de séparer du contexte palestinien, continue Mhammad.
« Je me rappelle qu’avant de devenir cycliste, j’étais loin de la politique. Je ne m’y intéressais pas… Puis j’ai commencé à m’engager quand tous ces incidents nous sont arrivés. Comme le reste de mes amis cyclistes ne se sentaient pas d’en parler, je me suis dit qu’il fallait bien que quelqu’un le fasse. »
Alors depuis deux ans et demi, il organise avec « Palestine Riders » des balades avec des Palestiniens, mais aussi des touristes et des expatriés. Sa manière à lui d’élever la voix et de pratiquer son sport comme il l’entend.
Alice Froussard
RFI