En Palestine, des jeunes font le choix de la résistance pacifique

jeudi 1er mars 2018

Dans les territoires palestiniens, la résistance pacifique est de plus en plus populaire auprès des jeunes.

Des associations leur enseignent à ne pas réagir par la violence

« En arrivant, j’étais démunie. Grâce à l’association, je suis devenue plus forte. » La ligne grésille mais au bout du fil la voix de Sundus Azza ne tremble pas. À 24 ans, la jeune femme compte huit années de bénévolat au sein de « Youth against settlements » (« Les jeunes contre la colonisation »).

Créée en 2007 par Issa Amro, 37 ans, visage bien connu de la nouvelle génération de résistants palestiniens, l’association accueille filles et garçons dès l’âge de 12 ans pour les former à la résistance pacifique.

Depuis une quinzaine d’années, un nombre croissant d’organisations, israéliennes comme palestiniennes, promeuvent cet état d’esprit afin de rompre avec la tradition de violences qui s’est exprimée notamment lors des deux Intifada. Peut-être l’une des raisons pour lesquelles, deux mois après la décision de Donald Trump de déclarer Jérusalem capitale d’Israël, le 6 décembre, l’explosion attendue n’a pas eu lieu.

Les plus jeunes réceptifs à la résistance pacifique

Enfant d’Hébron, au sud de la Cisjordanie, Issa Amro n’a que 23 ans quand il décide de devenir activiste. « À l’époque j’étudiais à l’université polytechnique d’Hébron. Comme elle était située en zone militaire, l’armée israélienne a décidé de la fermer. C’est à partir de là que j’ai décidé d’agir », explique-t-il depuis le jardin de sa maison, siège de l’association.

Issa Amro vit à H2, la partie d’Hebron contrôlée par l’armée israélienne. 600 soldats s’y relaient jour et nuit pour assurer la sécurité des 800 colons qui y vivent, rendant les conditions de vie presque insupportables pour les 1 800 Palestiniens de la zone. De l’autre côté des checkpoints, à H1, plus de 100 000 personnes vivent sous le contrôle de l’autorité palestinienne.

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Les vertus du dialogue à Neve Shalom

« Hébron est un microcosme de la colonisation en Cisjordanie », juge Issa Amro. Pour lui, la création d’une association enseignant la résistance pacifique à la jeunesse allait de soi. « Les enfants sont plus réceptifs que les adultes, moins marqués par la situation ».

Filmer les injustices au lieu de lancer des pierres

Chaque nouveau jeune qui rejoint Youth against settlements reçoit des cours d’anglais, des leçons pour apprendre à réagir calmement face aux soldats israéliens. Tous apprennent aussi à se servir de manière systématique de leur téléphone portable ou de leur appareil photo.

En cas de conflit ou de situation qu’ils jugent injuste, ils sont encouragés à filmer. « Ici, tout le monde ou presque est sur les réseaux sociaux. Les images sont une véritable arme car si je suis victime d’une injustice, je filme la scène et je la poste sur Facebook », explique Sundus Azza, dans un anglais parfait, avant de poursuivre : « Utiliser ses mains pour résister, c’est faire usage de la violence et donc faire le jeu des colons ».

Quand on est né dans une zone comme H2, où checkpoints et soldats en arme sont omniprésents, la maîtrise de soi constitue un défi. Parfois, certains jeunes craquent. « Si un enfant vient nous voir en disant qu’il a lancé des pierres sur un soldat, on repart de zéro. Il faut que les jeunes soient convaincus qu’il existe d’autres solutions, explique Issa Amro. La non-violence n’est pas juste une tactique, c’est aussi une culture. »

« La violence ne mène nulle part »

Cours de communication, films, marches pacifiques… Comme d’autres associations, Youth against settlements préconise la prise de distance et la réflexion plutôt que la réaction immédiate.

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Le 31 janvier, pour l’anniversaire d’Ahed Tamimi, jeune fille de 17 ans emprisonnée depuis le 19 décembre après avoir giflé un soldat israélien, elle a organisé une fête. Un événement plus que symbolique. « Continuer à vivre de façon normale malgré la situation, c’est aussi une forme de résistance », indique Issa Amro.

Pour beaucoup de jeunes engagés dans la résistance pacifique, vivre normalement c’est aussi apprendre à vivre avec les souvenirs du passé. En 2000, lors de la seconde Intifada, la plupart n’étaient que des enfants. Sundus n’avait pas dix ans mais n’a pas oublié le bruit des roquettes. « Aujourd’hui, dit-elle, si j’ai choisi la résistance pacifique, c’est parce que je suis convaincue que la violence ne mène nulle part. »

Les deux Intifadas

La première intifada (« soulèvement » en arabe) a éclaté en 1987 après la mort de quatre ouvriers palestiniens, dont la voiture avait été heurtée par un camion israélien. Achevée avec les accords d’Oslo, en 1993, elle a fait environ 1 100 morts côté palestinien et 160 côté israélien.

La seconde intifada a débuté en 2000 après la visite d’Ariel Sharon, alors chef de l’opposition, à l’esplanade des mosquées. Achevée en 2005, elle a fait environ 3 000 morts côté palestinien et 1 000 côté israélien.

Depuis l’automne 2015, des attaques aux couteaux perpétrées par de jeunes Palestiniens ont fait près de 300 morts. Un Israélien est ainsi mort poignardé, lundi 5 février, par un Palestinien à un arrêt de bus à l’entrée de la colonie d’Ariel.

Salomé Parent, à Hébron
Source : la Croix

Lire aussi :
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