Henning Mankell, mort d’un écrivain, d’un homme engagé pour la Palestine
Henning Mankell est mort à l’âge de 67 ans dans la nuit de dimanche à lundi. Outre le fait qu’il était un grand écrivain suédois, avec son commissaire Kurt Walander et plein d’autres romans, il était un grand défenseur des Palestiniens.
En 2010 il faisait, avec une dizaine de suédois membre d’un des bateaux de la Flotille de la Liberté et il avait raconté la fin de son voyage : « Ce qui me travaille beaucoup, c’est la stupidité israélienne. S’ils avaient voulu nous stopper sans perdre la face, ils n’avaient qu’à détruire les hélices ou les gouvernails et remorquer les navires vers le large. Mais s’engager consciemment dans une confrontation violente et tuer des gens, cela me dépasse", ajoute-t-il. Puis il raconte ce qui s’est passé à bord. "J’étais de quart de minuit à trois heures. C’était calme. Je suis allé me coucher, mais je n’ai pas eu le temps de m’endormir car quelqu’un est venu me dire qu’il se passait quelque chose. Nous avons vu des hélicoptères qui larguaient des hommes et nous avons entendu des rafales. Il était alors 4h30. À 4h35, ils ont pris notre navire à l’abordage. Nous étions réunis sur la passerelle, et ils nous ont dit de descendre à l’intérieur du bateau. Il y en a peut-être quelques-uns qui ont pris un peu leur temps et ils se sont immédiatement fait tirer dessus avec des pistolets type Taser. Un autre a reçu une balle en caoutchouc", explique-t-il. "Au bout d’un moment, un soldat cagoulé est venu nous dire qu’ils avaient découvert des armes. Et ce parfait crétin est arrivé avec mon rasoir et un cutter qu’il avait trouvé dans la cuisine. Puis il a déclaré qu’il devait nous emmener avec lui, car nous étions des ’terroristes ».
Déjà en juin 2009, lors du Palestine Festival of Literature, il avait témoigné : « La cérémonie d’ouverture devait se tenir au Théâtre National Palestinien à Jérusalem. Nous venions juste de nous rassembler quand des soldats et des policiers Israéliens lourdement armés sont arrivés et ont annoncé qu’ils allaient interrompre la cérémonie. Quand nous avons demandé pourquoi, ils ont répondu : vous êtes un risque pour la sécurité. »
Et il avait continué : « Prétendre que nous posions à ce moment une menace terroriste réelle pour Israël est absolument dépourvu de sens. Mais en même temps, ils avaient raison : nous représentons une menace quand nous venons en Israël et exprimons ouvertement nos points de vue sur l’oppression de la population palestinienne par Israël. Elle peut se comparer à la menace que moi-même ainsi que des milliers d’autres avaient autrefois représenté pour le système d’apartheid en Afrique du Sud. Les mots sont dangereux. »
Les organisateurs du festival avait transférer toute la cérémonie d’ouverture au Centre Culturel Français. Avec son épouse, Henning Mankel il avait profité pour voyager et témoigner longuement de ce qu’il avait observé en Palestine, par exemple : « En Cisjordanie, l’aggravation est une affaire de degré. Le pire de tout, c’était à Hébron. Au milieu d’une ville peuplée de 40 000 Palestiniens, 400 colons Juifs ont confisqué une partie du centre de la ville. Les colons sont brutaux et n’hésitent pas à attaquer leurs voisins Palestiniens. Pourquoi ne pas uriner sur eux depuis les fenêtres des étages supérieurs ? Nous avons vu des documents où des femmes colons et leurs enfants donnent des coups de pied et frappent une femme Palestinienne. Les soldats Israéliens qui voyaient ce qui se passait ne faisaient rien pour les en empêcher. C’est la raison pour laquelle il y a des gens à Hébron qui, au nom de la solidarité, se portent volontaires pour suivre des enfants palestiniens sur le chemin de l’école et du retour à la maison. 1500 soldats Israéliens protègent ces 400 colons, nuit et jour ! Chaque colon est protégé en permanence par 4 ou 5 gardes du corps. »
Ce n’est là qu’un extrait de son texte qu’il termine ainsi : « L’Etat d’Israël ne peut s’attendre qu’à être vaincu, comme toutes les puissances occupantes. Les Israéliens détruisent les vies. Mais ils ne détruisent pas les rêves. La chute de ce scandaleux système d’apartheid est la seule chose concevable, car elle est impérative. La question n’est donc pas si mais quand elle se produira. Et comment ! »
Yves Goaër