Israël-Palestine : mort d’une combattante du droit
L’avocate israélo-allemande Felicia Langer, qui vient de mourir à Tubingen, en Allemagne, à l’âge de 87 ans, victime d’un cancer, était une combattante de la justice et du droit, qui avait consacré la majeure parie de sa carrière professionnelle à la défense des Palestiniens.
Née en Pologne en 1930, Felicia Langer avait trouvé refuge, avec ses parents, en URSS avant l’invasion de la Pologne par les nazis. Après la fin de la guerre, Felicia Langer et sa mère – son père était mort pendant leur exil – étaient rentrées en Pologne, pour découvrir que la quasi-totalité de leur famille avait été exterminée par les nazis.
Après avoir épousé un survivant des camps nazis, Mieciu Langer, elle avait choisi, avec son mari d’émigrer dans le jeune Etat d’Israël où elle avait entrepris des études de droit à l’Université hébraïque de Jérusalem. Alors qu’elle venait d’obtenir son diplôme d’avocat, ce sont la guerre des Six jours, en 1967 et l’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par l’armée israélienne qui ont décidé de l’orientation de sa vie et de son engagement politique et professionnel.
Révoltée par le sort qu’infligeait aux Palestiniens l’armée d’occupation, Felicia Langer a ouvert de premier cabinet d’avocat spécialisé dans la défense des Palestiniens et des objecteurs de conscience israéliens devant les tribunaux de l’Etat juif.
Pendant près de vingt ans, elle a inlassablement combattu la torture par les policiers du Shin Bet, l’expulsion des militants nationalistes palestiniens, les arrestations arbitraires, les démolitions punitives de maisons palestiniennes. Et dénoncé sans relâche le mépris du droit manifesté par les autorités israéliennes face aux Palestiniens. Devant les tribunaux et face à ses compatriotes, comme vice-présidente de la Ligue israélienne des Droits de l’Homme.
En 1979, lorsque le gouvernement israélien avait décidé d’exiler le maire de Naplouse, Bassam Shakaa, figure importante du nationalisme palestinien, qui refusait de quitter ses fonctions, pour être remplacé par un maire désigné par Israël, c’est la démarche de Felicia Langer devant la Cour suprême qui avait conduit à l’annulation de l’ordre d’expulsion. Six mois plus tard, Bassam Shakaa perdait l’usage de ses jambes dans l’explosion d’une bombe placée sous sa voiture par un groupe d’extrémistes juifs.
Pionnière, au sein du barreau israélien, dans la défense des droits des Palestiniens, elle fut aussi, rappelle Gideon Levy, dans Haaretz, la première, en 1990 à fermer son cabinet et à quitter Israël pour protester contre l’impossibilité de faire respecter les principes du droit par les tribunaux civils et militaire. Mais aussi par lassitude devant l’ostracisme, les insultes et les menaces dont elle était la cible, de la part de certains de ses compatriotes et de l’appareil d’Etat. « J’ai quitté Israël, expliquait-elle en 2002 à un documentariste qui l’interrogeait sur les raisons de son exil, parce que je ne pouvais plus aider les victimes palestiniennes avec le système juridique tel qu’il existe et le mépris pour le droit international qui était supposé protéger le peuple palestinien que je défendais. Je ne pouvais agir. J’étais dans une situation désespérée ». « Je ne pouvais plus être la feuille de vigne du système », confie-t-elle alors au Washington Post.
Devenue professeur d’université en Allemagne, elle poursuit son combat pour le respect du droit international, dénonçant dans ses articles, ses conférences, ses interventions publiques, la manière inacceptable dont l’Etat d’Israël s’est affranchi de ce droit. Membre du comité de parrainage du Tribunal Russel sur la Palestine, elle est au centre d’une violente polémique lorsque le Conseil central des Juifs d‘Allemagne reproche au gouvernement fédéral d’avoir décerne une prestigieuse décoration à une personne qui a « systématiquement diabolisé Israël ».
« Félicia Langer était un exemple de courage, de dévouement et d’engagement, vient d’écrire le députe Dov Khenin, du parti communiste israélo-arabe Hadash, auquel elle avait appartenu. Elle considérait comme l’un des objectifs de son existence la contribution à l’édification d’un pont au-dessus de l’abîme de haine entre les peuples ».
Source : Le blog de René Backmann - Médiapart