« J’avais l’impression d’arracher mon cœur de la terre » : témoignages de la fosse commune de l’hôpital Nasser

samedi 27 avril 2024

Alors que les équipes de la Défense civile continuent de déterrer des centaines de corps dans les fosses communes découvertes à l’hôpital Nasser, les Palestiniens affluent vers le complexe médical à la recherche de leurs proches disparus.
(Par Tareq S. HAJJAJ 25 AVRIL 2024)

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DES AGENTS DE SANTÉ PALESTINIENS DÉTERRENT DES CORPS DANS LA FOSSE COMMUNE PRÈS DE L’HÔPITAL NASSER, À KHAN YOUNIS, LE 21 AVRIL 2024. (PHOTO : OMAR ASHTAWY/APA IMAGES)

Les bulldozers creusent avec leurs langues d’acier entre les couches de sable et de terre. Les équipes de secours creusent le sol de l’autre côté de la grande cour avec de simples pelles. D’autres creusent avec leurs mains à la recherche de leurs familles. L’endroit est bondé.

Le complexe médical Nasser est devenu une vaste fosse commune, où l’armée israélienne a enterré les preuves d’un horrible massacre.

Au moins 13 000 personnes sont portées disparues dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre en octobre, et des personnes arrivent à la recherche de proches disparus. Même s’ils sont retrouvés morts, cela mettra au moins un terme à leur histoire.

Parmi les corps démembrés, les membres éparpillés et les têtes décapitées se trouvent un grand nombre de personnes à la recherche de famille ou simplement là pour observer. Certains ne peuvent pas le supporter et restent à l’écart, incapables d’imaginer le carnage.

Le charnier de l’hôpital Nasser est l’un des dizaines laissés par l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Les responsables de la Défense civile estiment qu’il reste encore beaucoup à trouver.

Ayman, 51 ans, sa femme Jamila, 44 ans, et leur fils Abdul Karim, 22 ans, ont insisté pour se rendre au complexe médical Nasser après que la Défense civile a annoncé que plus de deux cents corps avaient été retrouvés en une journée. La famille était là pour rechercher le frère cadet d’Abdul Karim, porté disparu à Khan Younis depuis plus de deux mois.

Une fois aux portes de l’enceinte, Jamila ne pouvait plus supporter la vue et l’odeur de la mort, alors elle est restée dehors avec son fils Abdul Karim, pendant qu’Ayman entrait pour inspecter les corps.

« Je ne pouvais pas supporter de faire un seul pas là-dedans », raconte Jamila à Mondoweiss à la porte du complexe. "C’est une scène qu’une personne ne peut supporter : un grand massacre, une grande bassine de sang, une fosse de corps enterrés, dépecés."

Les équipes de la Défense civile de l’hôpital Nasser affirment que les charniers découverts ici contiennent plus de 400 martyrs. Les corps avaient été enterrés au bulldozer, ce qui a démembré certains d’entre eux. Des parties du corps ont été mélangées aux déchets.

Ayman cherche son fils parmi les morceaux éparpillés de corps humains. Certains des corps en décomposition sont déjà des squelettes, alors il recherche des signes d’identification comme les vêtements que portait son fils la dernière fois qu’il est sorti.

« Il portait le pull en laine bleu. Je l’ai acheté pour lui. Je sais tout ce qu’il porte et je peux l’identifier grâce à ses vêtements  », dit Ayman, décrivant son fils alors qu’il fouille parmi les corps retirés du sable. "Je pourrais le reconnaître même s’il était un squelette."

Au cours des derniers jours, de nouvelles familles sont arrivées tandis que les gens continuent d’affluer vers le complexe. Chaque jour, les équipes de la Défense Civile annoncent la découverte de dizaines de nouveaux corps enterrés à l’intérieur et aux alentours du complexe. Certaines personnes qui arrivent vont et viennent plusieurs fois, comme Ayman et sa famille, sans connaître le sort de leur enfant disparu. D’autres parviennent à identifier leurs proches et à les emmener jusqu’à leur dernière demeure.

Alaa al-Arabashli, 43 ans, a identifié le corps de son fils Moaz, 19 ans, à l’hôpital Nasser. Malgré la douleur qu’il a endurée en récupérant le corps de son fils, en le soulevant de la terre et en l’enterreant de ses propres mains, cela a mis fin au sort de son fils disparu.

Il dit avoir retrouvé son fils après que les équipes de secours aient pu récupérer plus de 40 corps sur la tombe. Les équipes de la Défense Civile ont permis aux gens de les contrôler, et rien ne distinguait les corps, à l’exception des vêtements. Cela lui suffisait pour identifier son fils.

Certaines familles sont convoquées pour enterrer leurs enfants après que leurs proches les ont reconnus, et elles viennent avec des fleurs pour transporter leurs corps vers d’autres tombes. Les corps sont alignés parmi les gens dans l’espoir que quiconque viendra en reconnaîtra certains. Une fois identifiés, ils sont placés dans un nouveau sac en plastique recouvert d’un linceul blanc et enterrés à nouveau.

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Signes d’exécution de détenus

Les équipes de la Défense Civile présentes sur le site insistent sur le fait que l’armée israélienne a commis un massacre à l’intérieur de l’hôpital, qu’elle a voulu cacher en creusant ce charnier.

Le colonel Yamen Abu Suleiman, directeur de la défense civile à Khan Younis, a travaillé sur place ces quatre derniers jours. Il affirme que lui et ses collègues ont jusqu’à présent retrouvé plus de 300 corps, confirmant qu’un grand nombre d’entre eux présentaient des signes de torture et d’exécution.

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Source  : Mondoweiss