JOURNAL DE BORD DE GAZA 33

dimanche 26 mai 2024

« J’espère que tous ces sacrifices ne partiront pas en fumée »

Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI.

Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi, sous la pression de l’armée israélienne. Réfugié depuis à Rafah, Rami voit désormais cette ville se vider à son tour et les déplacés reprendre la route de leur exil interne, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.

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Rafah, 20 mai 2024. Walid, le fils de Rami Abou Jamous, sur la charrette d’un vendeur ambulant. Rami Abou Jamous

Lundi 20 mai 2024.

Ce matin, pour la première fois, un marchand ambulant est venu en face de chez nous. Quand il y avait un million et demi de déplacés à Rafah, les commerçants n’avaient pas besoin de se déplacer, on allait au marché. Mais aujourd’hui, Rafah est vide, et ses marchands ambulants, surtout de fruits et légumes, font le tour de la ville avec leur charrette, tirée par un cheval ou un âne. Ces denrées, provenant des transporteurs privés, entrent par le terminal de Kerem Shalom, qui a été rouvert par les Israéliens. Et comme les gens ont très peu d’argent, les prix ont beaucoup baissé. Avant, on était arrivé à vingt fois, trente fois le prix normal. Aujourd’hui, on est à peu près à deux, voire trois fois le prix normal, c’est-à-dire celui d’avant la guerre.

Les commerçants ambulants annoncent les prix dans un haut-parleur : combien le kilo de concombres, de tomates…Walid y a tout de suite vu une occasion de jeu. Il est monté sur la charrette, il a pris le micro et il a commencé à son tour à annoncer les prix… en français ! « Dix shekels les concombres ! Dix shekels les momates [tomates] ! » Je parle souvent français avec lui, et à son âge — deux ans et demi — il apprend vite. Il s’amusait et j’étais content qu’il puisse vivre de ce moment de joie car ce matin, il y a eu des bombardements et surtout un drone qui nous survolait. Il était très proche. Comme il le fait toujours, Walid a dit : « Papa, papa, regarde le ciel ! Regarde le ciel  ! » Mais quand il a vu ce marchand ambulant, il a oublié le drone.

https://youtu.be/lq74kjcRe9c
Walid, deux ans et demi, le fils de Rami, s’amuse à donner les prix des légumes en français à Rafah, durant un petit mot de répit après les bombardements et les drones.

NOUS SERONS LES GRANDS PERDANTS

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Source  : ORIENT XXI