Jérusalem : forte pression fiscale sur les biens des Eglises
La municipalité de Jérusalem réclame le paiement d’impôts par les Eglises sur leurs biens fonciers non cultuels. Le Patriarcat grec-orthodoxe dénonce une tentative de « vider » la ville des institutions chrétiennes.
La municipalité de Jérusalem cherche à combler son déficit budgétaire. Or, la ville a peu de recettes fiscales car une partie importante de la population de la ville n’est pas imposable, dont un tiers est composée de Juifs ultra-orthodoxes et un autre tiers d’Arabes palestiniens. C’est pour cela, d’après la presse israélienne, que la ville entend récupérer les dettes foncières accumulées ces dernières années sur les biens et les actifs commerciaux des Eglises chrétiennes. Les biens de l’Onu sont aussi concernés. La mairie estime avoir été privée de cette manne et voudrait infliger des amendes pour un montant d’environ 200 millions de dollars (650 millions de shekels) concernant 887 biens immobiliers appartenant donc aux Eglises et aux organes unisiens dont l’UNRWA, a indiqué le quotidien israélien Israel Hayom, vendredi 2 février 2018. Une décision qui intervient près de deux mois après l’annonce par Donald Trump de la reconnaissance de Jérusalem en tant que capitale israélienne.
Photo : Les lieux d’accueil de pèlerins chrétiens dans le viseur de la municipalité israélienne de Jérusalem © Djampa / Wikimedia Commons
La mairie invoque un avis juridique - récent - de Gabriel Hallevy, expert en droit international, qui stipule que les biens immobiliers ne sont pas définis au niveau légal comme des lieux de cultes et de prière et ne peuvent donc plus prétendre comme ces derniers à des exemptions d’impôt. Dans la décision municipale, seuls sont concernés les biens destinés à des activités commerciales et autres activités non religieuses comme l’hôtellerie, la restauration, les ventes de souvenirs ou les activités d’artisanat par exemple….
Jusque là, pourtant, pour des raisons historiques Israël libérait les Eglises de cette taxation. Pour autant, selon Gabriel Hallevy la position de l’Etat hébreu est sans fondement. Il estime d’autre part que les accords entre l’Etat et les Eglises ne s’appliquent pas à la municipalité de Jérusalem. La notification juridique conclut également que la municipalité est obligée par la loi de recouvrer ces dettes.
Pour l’heure et concrètement, le Times of Israel dit que la mairie a placé « un privilège (ndlr : priorité de paiement sur les autres créanciers) sur les comptes bancaires des Eglises, et a dit que ce n’était que la première étape, et que d’autres allaient suivre », précise le média. Ce dernier indique en détail que la semaine dernière, la municipalité a condamné l’Eglise catholique à des amendes de près de 12 millions de shekels (3,49 millions de dollars), l’Eglise anglicane à plus de 7 millions de shekels (environ 2,1 millions de dollars), l’Eglise arménienne à 2 millions de shekels et l’Eglise grecque orthodoxe à environ 500 000 shekels (166 000 dollars).
« Grande conspiration »
L’archevêque palestinien Atallah Hanna du Patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem a dénoncé auprès du Times of Israel la décision prise par la municipalité de Jérusalem. Israël, a-t-il déclaré, n’a pas le droit d’intervenir dans les affaires des Eglises. D’autre part, le métropolite a déclaré que cette initiative avait pour objectif de « vider » Jérusalem des institutions chrétiennes. Pour lui, Jérusalem est actuellement la cible d’une « grande conspiration ». Et le prélat orthodoxe d’expliquer : « les Eglises se trouvaient à Jérusalem avant qu’Israël ne soit établi et elles ont toujours été exemptées du paiement d’impôts, notamment sous la gouvernance de la Jordanie et sous le mandat britannique. » L’archevêque estime que « dorénavant, les autorités d’occupation tentent de changer cette réalité parce qu’elles veulent étendre leur contrôle sur Jérusalem et affaiblir et marginaliser la présence des chrétiens en particulier et des Arabes et musulmans en général, dans la ville. Nous n’abandonnerons pas devant ces décisions injustes et suspectes. Nous ne collaborerons pas à cette décision israélienne et nous ne succomberons pas à la pression et au chantage israéliens », a-t-il ajouté dans les mêmes colonnes.
Pour mémoire, en septembre dernier, les 13 patriarches et chefs des Eglises chrétiennes de Jérusalem avaient, dans un communiqué conjoint, ouvertement accusé Israël de vouloir « affaiblir la présence chrétienne en Terre sainte » craignant de voir limiter les droits des Eglises sur leurs propriétés.
Même son de cloche, rapporte l’agence de presse palestinienne Wafa, chez l’Autorité palestinienne qui a déclaré, à travers la voix de son porte-parole Youssef Al-Mahmoud, que « les autorités israéliennes ciblent la ville de Jérusalem occupée et imposent plus de restrictions afin d’exiler les palestiniens de leurs terres et de renforcer la colonisation à l’intérieur de la ville sainte. » La très grande majorité des chrétiens de Jérusalem étant d’origine arabe.
Double pression
En mettant la pression sur les Eglises, la municipalité veut mettre la pression sur l’Etat. Nir Barkat, son maire israélien, considère que « les dommages financiers causés au fil des ans à Jérusalem par la politique de l’Etat s’élèvent à près d’un milliard de shekels (300 millions de dollars) » ne voulant plus que les habitants de Jérusalem financent les services municipaux pour les Eglises et l’Onu. Sont évoqués la collecte des ordures, l’aménagement paysager et l’entretien des routes.
Ainsi, pour Nir Barkat, deux solutions s’imposent. Soit l’Etat veut que la situation actuelle perdure (préservation de l’accord avec les Eglises) et dans ce cas-là la ville veut être dédommagée par l’Etat lui-même. Soit la ville percevra les impôts conformément à la loi refusant d’être empêchée, par l’Etat, de collecter les impôts qu’elle estime devoir percevoir. La ville est prête à comparaître devant la Haute Cour de justice. Si besoin est. Selon le Times of Israel, le bureau du Premier ministre ainsi que les ministères des Finances, de l’Intérieur et des Affaires étrangères aurait été prévenu il y a environ deux semaines.
Pour mémoire, le Saint-Siège et Israël planchent depuis plusieurs années (concrètement depuis 1999) sur la « signature » d’un document final au sujet des questions juridiques et financières de l’Eglise catholique en Israël. Revenant régulièrement comme un serpent de mer, elles concernent la reconnaissance des droits juridiques et patrimoniaux des congrégations catholiques et la question des exonérations fiscales dont bénéficiait l’Eglise au moment de la création de l’Etat d’Israël en 1948 comme la question fiscale et du paiement (ou non) des taxes municipales et des impôts fonciers concernant les propriétés d’Eglise, mais aussi les taxes des maisons d’accueil de pèlerins, comme aussi les subventions aux écoles et aux hôpitaux. A coup sûr, la décision de Nir Barkat va à l’encontre de l’esprit de ces négociations… Plus grave, le met à mal. Reste à savoir comment va réagir l’Etat.
[*Notre article de septembre 2017*]
Jérusalem à vendre : le combat des chrétiens contre le transfert de terres de l’Église à des colons
Bonjour,
Comme vous le savez sans doute, le New Impérial et le Pétra, ont été vendus illégalement (pots de vin), par l’Eglise grecque orthodoxe, propriétaire, à des colons extrémistes. Cette vente vient d’être validée. Les colons demandent l’expulsion de ces deux hôtels (voir la P.J.) Pour le New Impérial, la famille Dajani en est la gérante de ce lieu depuis des générations. Connaissant bien Walid Dajani, depuis 2003, je lui ai téléphoné hier pour lui témoigner ma solidarité, lu demander ce que nous pouvons faire pour dénoncer cette nouvelle injustice. Voici ce qu’il m’a répondu :
"Rien. Il n’y a plus que le prière. Je ne vois rien d’autre. La prière, la prière, la prière. Il faut prier"
Walid a ajouté :"Nous avons fait appel. Cela va prendre 1 an , an et demi. Et après ?"
Fasse le Ciel et/ou la Terre exploser ce gouvernement d’Israël, fachiste, rapidement.
Avec mon amitié Denise
info@newimperial.com
L’Église grecque orthodoxe, qui a vendu des terres à des groupes israéliens d’extrême droite dans l’Est de la ville, fait face à la colère des Palestiniens.
Les chrétiens palestiniens se sont engagés à combattre la vente de terres de l’Église à Jérusalem-Est à des colons israéliens, au cœur d’un différend qui agite l’Église grecque orthodoxe.
Des membres de l’Église ont expliqué à Middle East Eye que des actions de protestation et, si nécessaire, une occupation des sites, représentaient les dernières options à leur disposition pour empêcher la poursuite du transfert de trois propriétés situées dans la vieille ville de Jérusalem-Est, après qu’un tribunal a statué que la vente était légale.
Un tribunal de district de Jérusalem a statué la semaine dernière que la transaction controversée conclue en 2004, qui avait fait l’objet d’allégations de corruption et de fraude, était légale. Ateret Cohanim, un groupe de colons israéliens d’extrême droite qui vise à créer une majorité juive dans la vieille ville, est l’acheteur des trois propriétés. L’implication de ce groupe a suscité une vive colère des Palestiniens à l’annonce de la transaction, en 2005.
Le patriarche actuel, Théophile III, a cherché à se distancier de cette transaction, conclue sous le règne de son prédécesseur Irénée Ier. Ce dernier a été démis de ses fonctions et rétrogradé au rang de moine lorsque la transaction a été révélée en 2005.
Dans une annonce publiée dans le journal palestinien Al-Quds, le patriarche Théophile III a condamné la décision du tribunal et s’est engagé à faire appel de celle-ci. Il a affirmé vouloir « [mettre en œuvre] tous les efforts et tous les moyens juridiques et financiers pour annuler cette transaction ».
Des allégations de domination grecque
Mais l’annonce n’a pas permis d’apaiser les fidèles en colère de l’Église, dont la majorité sont des Arabes palestiniens, mécontents de la domination grecque sur leur église.
« Toutes les Églises orthodoxes dans le monde sont nationales », indique à MEE Alif Sabbagh, membre du Conseil central orthodoxe en Israël.
« L’église bulgare, par exemple, est sous autorité bulgare, l’Église grecque en Grèce est sous autorité grecque. C’est la même chose en Russie, en Roumanie... sauf chez nous, où notre Église est sous autorité grecque. »
Les détracteurs de Théophile III se réfèrent également à d’autres ventes de terres récemment divulguées, qui forment des preuves à charge contre le patriarche. Au cours des derniers mois, les chrétiens arabes ont organisé des sit-in et des marches contre lui, brandissant des pancartes l’accusaint d’être « indigne ». « Cet homme [Théophile III] est venu vendre et abandonner nos propriétés », accuse Sabbagh.
En juillet, quatorze institutions orthodoxes locales ont décidé de boycotter Théophile III et le synode de l’Église.
« Tous les conseils et les comités ont proclamé un boycott complet du patriarche à tous les niveaux et à toutes les occasions, qu’elles soient privées ou publiques », précise Sabbagh.
Suite à la décision du tribunal, Sabbagh a soutenu que les chrétiens devaient se mobiliser et agir pour empêcher les colons de s’emparer les propriétés.
« Le seul moyen de changer les choses serait d’agir et de d’organiser des protestations », soutient-il. « Nous devons mobiliser les gens, les jeunes, contre cela. »
« Ceux qui vendent nos propriétés et nos œuvres orthodoxes ne représentent pas l’Église » explique à MEE le père Atallah Hanna, archevêque de Sebastia, un village proche de Naplouse, en Cisjordanie occupée, également l’un des rares archevêques palestiniens de l’Église. « Nous sommes totalement opposés à cette transaction suspecte et nous la refusons. Celle-ci aura des conséquences très dangereuses pour la nature de la vieille ville. »
Deux des propriétés vendues à Ateret Cohanim sont situées dans le secteur de la porte de Jaffa, l’entrée principale du quartier chrétien de la vieille ville. Ces deux biens, les hôtels Imperial et Petra, sont de grandes propriétés bien situées et permettraient à Ateret Cohanim d’étendre considérablement ses activités dans la vieille ville. Le groupe devrait maintenant déposer des ordres d’expulsion contre les locataires actuels.
« Contester la transaction n’est pas suffisant, nous devons agir contre celle-ci. Nous devons empêcher physiquement les colons de prendre les hôtels », affirme Hanna, qui a appelé les chrétiens à occuper les sites, si nécessaire.
Le patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem n’a pas répondu aux demandes de commentaires qui lui ont été formulées.
Des chrétiens palestiniens protestent contre le patriarche Irénée Ier suite à la vente de terres de l’Église à des colons israéliens, en avril 2005 (AFP)
Des groupes secrets de promoteurs inquiètent en Israël
La vente des propriétés, révélée initialement en 2005, s’est embourbée dans la controverse et des allégations de corruption et de fraude. Le patriarche en poste a affirmé que cela avait été fait à son insu, et a accusé un conseiller financier grec insaisissable, Nikos Papadimas, d’avoir falsifié sa signature et accepté des pots-de-vin d’Ateret Cohanim.
Papadimas, qui était basé à Jérusalem, est parti sans prévenir en 2005 après l’annonce de la transaction.
Il a réapparu en 2013, lorsqu’il a été arrêté à l’aéroport d’Athènes en vertu d’un mandat d’arrêt international.
Irénée Ier a fait les frais de l’indignation et a été contraint de quitter son poste, alors que les patriarches sont en temps normal nommés à vie. Irénée Ier a nié catégoriquement toute implication dans l’affaire, affirmant avoir été piégé par ses adversaires, et continue de soutenir qu’il est le patriarche légitime.
Depuis, Irénée Ier est enfermé dans un appartement dans un des bâtiments du patriarcat et n’a qu’un contact limité avec le monde extérieur. Il prétend que ses rivaux au sein de l’Église, en particulier Théophile III, lui ont interdit de recevoir des invités, et il refuse de partir dans la mesure où il pense qu’il ne sera pas autorisé à rentrer.
Théophile III et le patriarcat soutiennent que l’isolement d’Irénée Ier est volontaire et qu’il a refusé de reconnaître les procédures légitimes qui l’ont fait quitter son poste.
Le principal contact d’Irénée Ier avec le monde extérieur est une livraison quotidienne de nourriture apportée par un musulman palestinien et hissée jusqu’à sa fenêtre dans un sac en plastique.
Des médias israéliens ont rapporté que selon des initiés proches du patriarche, l’Église – qui est le deuxième plus grand propriétaire de terres en Israël, possédant même le terrain qui se trouve sous le parlement israélien, la Knesset – subit d’énormes pressions de la part des autorités israéliennes pour qu’elle vende ses biens immobiliers.
Une grande partie des terres est déjà administrée par le Fonds national juif, qui les a louées dans les années 1950. Les initiés au sein de l’Église ont déclaré que l’Église ne conservait que peu de contrôle réel sur l’immobilier. Le Fonds national juif est une organisation sioniste créée en 1901 pour acheter des terres en vue de la colonisation juive de la Palestine.
D’autres transactions foncières impliquant l’Église et de mystérieux acheteurs ont également été révélées récemment, discréditant les affirmations de l’Église qui se déclare contre la vente de ses terres.
L’Église a vendu des propriétés et de vastes étendues de terre à des investisseurs privés à Jérusalem-Ouest, Jaffa – près de Tel Aviv – et Césarée sur la côte méditerranéenne, souvent en secret et sans consultation des locataires actuels qui craignent d’être expulsés à la fin de leur bail.
Dans une des transactions, l’identité de l’acheteur n’a pas été dévoilée, ce qui inquiète en Israël.
« Nous pourrions toujours découvrir que des pays comme l’Iran et le Qatar pourraient se trouver derrière ces groupes secrets de promoteurs, ce qui serait contraire à toute la philosophie sioniste », a affirmé Rachel Azaria, députée israélienne, lors d’une réunion de commission de la Knesset en juillet.
L’ancienne adjointe au maire de Jérusalem rédige actuellement un texte de loi en vertu duquel les ventes de terres de l’Église devraient être approuvées par une commission de la Knesset et les acheteurs devraient être des citoyens d’Israël ou des sociétés israéliennes.
Avec l’aide de Lubna Masarwa
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation