L’histoire inachevée du féminisme palestinien
Les femmes palestiniennes ont mené de front, dans l’histoire, leurs luttes contre l’oppression coloniale et le patriarcat. Forte de cet héritage, la jeune génération de militantes s’inscrit désormais dans une démarche intersectionnelle et inclusive radicale.
En Palestine, le 8 mars est une journée de lutte. Surtout depuis 1978, quand elle a été choisie comme date de création des comités de travail des femmes, à l’initiative d’un groupe de jeunes militantes qui s’était donné pour objectif d’organiser la participation politique des femmes de toutes origines et classes sociales, dans les villes comme dans les campagnes. Elle l’est à nouveau en 1988, au cœur de la première Intifada, quand plus de cent manifestations dévoilent le visage féministe de la plus grande révolte populaire gravée dans la mémoire de la région.
Elle l’est encore en 1984 quand les détenues politiques la choisissent pour finir une grève de onze mois, au terme de laquelle elles ont obtenu des conditions moins dégradantes pour leur réclusion, démontrant par là à leurs camarades masculins qu’elles n’ont aucunement besoin de protection pour mener leur résistance. Et enfin en 2016, quand les forces d’occupation israéliennes choisissent justement cette date pour arrêter Manal Tamimi, militante des comités populaires de résistance non violente, leader des protestations qui tous les vendredis animent le village de Nabi Saleh en Cisjordanie et rassemblent des femmes de tous âges contre la violence de l’armée.
Une date fortement symbolique donc, présente dans les archives de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), entre ses affiches, ses manifestes historiques et les bulletins de l’Union générale des femmes palestiniennes ; sur les photos en noir et blanc des manifestations du passé – des femmes tenant dans une main leurs chaussures et dans l’autre des pierres –, mais aussi dans les slogans qui résonnent encore dans les rues et sur les places. « Pas de patrie libre sans libération des femmes », crie aujourd’hui une nouvelle génération de militantes qui tentent de redéfinir les paramètres de la bataille anticoloniale et nationaliste, tout en revendiquant fermement une continuité avec la généalogie de celles qui les ont précédées.