LE COMITÉ ISRAÉLIEN CONTRE LES DÉMOLITIONS DE MAISONS (ICAHD) CONDAMNE LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME ISRAÉLIENNE OUVRANT DROIT AU TRANSFERT FORCÉ DE PALESTINIENS DE LEURS MASISONS ET DE LEURS TERRES DANS LA RÉGION CISJORDANIENNE DE MASAFER YATTA

mardi 17 mai 2022

8 MAI 2022
Traduction SF pour l’UJFP.

Le 5 mai, la Cour Suprême d’Israël a rejeté à bas bruit, presque furtivement, la demande des habitants de huit villages palestiniens du secteur de Masafer Yatta dans le sud de la Cisjordanie contre leur éviction de leurs maisons et des pâturages réclamés par l’armée israélienne comme zone de tir. La décision a été annoncée par le juge David Mintz qui vit lui-même dans une colonie illégale de Cisjordanie. Jusqu’à 8000 habitants, dont plus d’un millier d’enfants, font face à un déplacement imminent. Immédiatement après la décision, des colons ont installé une maison mobile sur cette terre, indiquant clairement une motivation politique plutôt que militaire dans l’expulsion de la population locale et la saisie de sa terre.

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Ce n’est pas la première fois, et de loin, que la saisie de terres pout des objectifs militaires a servi de prétexte à expulser des habitants d’une zone de manière à libérer la terre pour une colonie israélienne. Bien qu’une population civile vivant sous occupation soit protégée en droit international (les Règles de la Haye, la Quatrième Convention de Genève et la Loi de Conflit Armé, entre autres), Israël a toujours exploité une faille : le droit de la Puissance Occupante de prendre temporairement possession de terres privées si c’est pour « des besoins militaires essentiels et urgents ». Jusqu’en 1979 l’armée prenait simplement le contrôle de la terre expropriée, expulsait ses habitants et la livrait à des colons israéliens.

C’était une telle violation éhontée du droit international qu’en 1980, la Cour Suprême d’Israël d’alors décida que la terre ne pouvait être prise à des Palestiniens et donnée directement à des colons. Il fallait qu’il y ait un processus intermédiaire de « légalisation ». Aussi, le gouvernement israélien a inventé le concept de « Terre d’État ». Refusant d’honorer les actes notariés de l’ère britannique en possession des Palestiniens, elle déclara simplement que 72% de la Cisjordanie n’avait pas de titres de propriété légaux et que donc elle revenait à l’État israélien en tant que « Terre d’État ». Celle politique « d’israélisation » de la terre de Cisjordanie représente une grave violation de la Quatrième Convention de Genève qui définit une occupation comme une situation militaire temporaire et donc interdit toute action de la part de la Puissance Occupante qui pérennise son contrôle ou des changements du statu quo. Il est interdit à une Puissance Occupante d’exproprier de la terre, de transférer de force une population hors de son espace de vie (une action qui constitue un crime de guerre), de démolir les maisons, les infrastructures et les fermes et d’installer sa propre population civile sur un territoire occupé.

L’affaire de 1980, donc, a instauré un processus en deux étapes pour exproprier « légalement » de la terre palestinienne et la donner à des colons. L’armée prend le contrôle de la terre sous prétexte d’une « nécessité militaire urgente et immédiate » comme cela s’est passé dans le cas de Masafer Yatta, se débarrasse de ses habitants, puis se retire tandis que le gouvernement fait valoir sa revendication de Terre d’État, ouvrant ainsi la voie à une colonie israélienne permanente. Dans ce cas spécifique, Ariel Sharon, qui était alors à la tête du Comité du gouvernement pour les colonies, a admis en 1981 lors d’une réunion – tenue juste quelques mois après la déclaration de Masafer Yatta zone de tir – que les zones de tir des collines au Sud de Hebron étaient nécessaires pour garantir que la zone reste aux mains d’Israéliens. Au début des années 2000, l’armée a émis des ordres d’évacuation de la population palestinienne, provoquant alors la lutte juridique de 20 ans qui s’est terminée de façon aussi ignominieuse au plus noir de la nuit, cette semaine.

Ce processus de déplacement est d’autant plus facile lorsqu’il s’agit de populations nomades comme les Bédouins de la vallée du Jourdain ou de la région du Néguev/Nakab au sud d’Israël ou des pasteurs de Masafer Yatta, qui se déplacent de leurs villages (qui ont des noms et des bâtiments permanents) selon un rythme saisonnier pour exploiter de nouveaux pâturages. Ces communautés ne possèdent pas d’actes notariés. Ce sont des paysans et éleveurs vivant dans ce secteur depuis des siècles, mais le simple fait qu’ils déplacent leurs troupeaux à certaines saisons les disqualifie face à la politique israélienne s’ils se disent résidents permanents. Ils se retrouvent ainsi sans aucun statut juridique, ce qui permet à la Cour Suprême d’Israël de nier que leur déplacement soit un transfert de force. C’est clairement une manipulation du droit international, fallacieuse et dictée par ses intérêts propres dans l’intention d’opérer un nettoyage ethnique d’une région qu’Israël chercher à repeupler avec ses propres colons, puisque l’interdiction de transfert forcé n’a rien à voir avec la propriété de la terre ou les modes de vie des gens déplacés. C’est leur présence même sur la terre occupée qui les protège du déplacement en droit international.

Une façon pour Israël d’échapper à ses responsabilités en droit international est simplement de déclarer qu’il est inapplicable. Israël est signataire de la Quatrième Convention de Genève mais nie son applicabilité puisque, selon les arguments juridiques alambiqués d’Israël, il n’y a pas d’occupation, uniquement des « territoires contestés ». Ce concept non juridique a permis à Israël d’échapper aux exigences du droit international. Il ne tient qu’à l’accord des États Unis pour déconnecter les négociations du « processus de paix » d’Oslo du droit international de manière à optimiser la capacité d’Israël à élever unilatéralement son pouvoir dans les négociations, minorant effectivement la capacité des Palestiniens à affirmer leurs droits juridiques. Le soutien qu’Israël reçoit automatiquement des « États-Unis et de la Grande Bretagne au Conseil de Sécurité de l’ONU qui est l’organe responsable de l’application du droit international, ôte à Israël toute crainte de sanctions ou de répercussions juridiques pour ses violations flagrantes des droits humains. C’est ce qui permet aux tribunaux et au gouvernement israéliens de s’engager dans les manœuvres cyniques, cruelles et ouvertement illégales à l’oeuvre dans la décision sur Masafer Yatta.

Au moment où la communauté internationale condamne la Russie pour ses violations flagrantes des droits humains en Ukraine et avertit que le mépris de la Russie pour le droit international menace l’ensemble de l’ordre mondial, le fait que les États-Unis et une grande partie de l’Europe apportent un soutien vigoureux aux violations tout aussi flagrantes d’Israël met en évidence non seulement l’hypocrisie mais une volonté des puissances mondiales d’écarter le droit international lorsque cela convient à leurs besoins politiques. C’est précisément ce qu’ils ont fait en permettant à Israël de violer le droit international en toute impunité. Non seulement cela porte atteinte à toute tentative de faire respecter un ordre international fondé sur le droit et la justice, cela le détruit. Garantir sélectivement l’impunité à certains pays comme Israël et aux puissances de l’OTAN tout en militarisant le droit international contre quiconque est visé par la volonté d’attaque de ces pays, a des implications qui nous mettent tous en péril.

Le Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons (ICAHD) se joint à d’autres organisations pour les droits humains israéliennes, palestiniennes et internationales dans la condamnation de la décision illégale de la Cour Suprême d’Israël qui permet le transfert forcé de toute une population palestinienne de ses maisons dans une zone où elle vit depuis des siècles. Nous appelons à la poursuite des représentants officiels d’Israël responsables de l’exécution de ce transfert forcé s’il a lieu. Plus largement, ICAHD condamne la tentative d’Israël d’invalider le droit international applicable à l’occupation, à l’apartheid et aux droits des Palestiniens dans le but de poursuivre sa politique illégale d’expropriation des terres, de déplacement et d’annexion, de facto ou de jure, du Territoire Occupé.

Puisque les Palestiniens ont épuisé leurs moyens légaux dans le système judiciaire israélien qui a prouvé être un simple facilitateur de la politique d’occupation d’Israël, ICAHD appelle les tribunaux nationaux de chaque pays à poursuivre les violations israéliennes du droit international, dont certaines se montent à des crimes de guerre et à des crimes contre l’humanité, sue la base du principe de la compétence universelle. Nous appelons aussi la Cour Pénale Internationale à inclure les actions actuelles d’Israël à Masafer Yatta dans son enquête en cours sur les crimes de guerre commis dans l’État de Palestine, dans le but de traduire en justice les auteurs de ce crime de transfert forcé, y compris les juges de la Cour Suprême qui l’ont autorisé.

Enfin, ICAHD en appelle à la communauté internationale pour qu’elle prenne des mesures immédiates pour mettre fin au régime israélien de colonisation, d’apartheid et d’occupation et négocier effectivement un accord juste et durable qui restaurera les Palestiniens dans leurs droits nationaux fondamentaux. C’est ce qu’un État de droit exige vraiment.

Le communiqué originel en anglais sur le site de ICAHD



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