La police britannique rouvre l’enquête sur le meurtre du célèbre caricaturiste palestinien, Naji al-Ali, créateur de Handala
La police britannique a décidé de rouvrir l’enquête sur l’assassinat de l’un des plus célèbres caricaturistes du monde arabe, Naji al-Ali, trente ans après sa mort.
Le 22 juillet 1987, à 17 h, l’un des plus célèbres caricaturistes du monde arabe, le Palestinien Naji al-Ali s’effondre sur le trottoir d’Ives Street dans le quartier londonien de Chelsea. Il vient d’être mortellement blessé, touché à bout portant à la tempe par un tireur dont l’identité n’a jamais été découverte. Le dessinateur décèdera le 29 août 1987, après être resté un mois dans le coma.
Trente ans plus tard, jour pour jour, la police britannique a décidé de rouvrir l’enquête. Elle a vieilli, pour l’occasion, le portrait-robot d’un suspect vu sur les lieux du crime. Les enquêteurs n’ont pas précisé si de nouveaux éléments justifiaient la réouverture de l’affaire. “Les choses changent beaucoup en trente ans ; des allégeances ont pu évoluer et des personnes qui n’avaient pas envie de parler à l’époque sont peut-être prêtes à fournir maintenant des informations cruciales”, a déclaré Dean Haydon, le patron de l’unité de contre-terrorisme de la police de Londres dans un communiqué.
La reconstitution (en Anglais) du meurtre de Naji al-Ali © Metropolitan Police
La piste de l’agent double
Cette déclaration quelque peu cryptique fait référence à la sensibilité du dossier de Naji al-Ali. Très populaire dans le monde arabe, le dessinateur n’hésitait pas à critiquer les puissants de la région qu’ils soient israéliens, palestiniens, iraniens ou originaires d’autres pays. “Des gens alors très impliqués sur la scène politique arabe – et qui le sont moins aujourd’hui – peuvent détenir des informations qu’ils n’ont pas voulu partager à l’époque”, a précisé Osama al-Ali, le fils du caricaturiste, interrogé par le site qatari d’information Al-Jazira. “Il reste beaucoup de questions sans réponse qui nous empêchent de finir de faire notre deuil et nous espérons que la réouverture de l’enquête nous permettra de comprendre ce qui s’est réellement passé”, a souligné Osama al-Ali dans un vidéo mise en ligne par la police britannique.
Les circonstances exactes du meurtre n’ont jamais pu être établies. Les enquêteurs britanniques avaient arrêté un étudiant palestinien chez qui ils avaient trouvé une cache d’armes. Ils le pensaient lié à l’OLP, ce que l’organisation du leader palestinien Yasser Arafat avait nié. Le suspect avait ensuite affirmé être un agent double qui travaillait à la fois pour l’OLP et pour le Mossad (le service de renseignement israélien). Le refus des espions israéliens de collaborer à l’enquête avait alors provoqué l’ire de la Première ministre Margaret Thatcher, qui avait ordonné l’arrêt temporaire des activités du Mossad à Londres.
Le symbole Handala
Naji al-Ali s’était fait des ennemis hauts placés avec ses caricatures au fil des ans. Un mois avant son assassinat, un haut responsable de l’OLP l’avait appelé pour lui conseiller de “changer d’attitude, sinon on [allait] s’occuper de [lui]”, a raconté la BBC. Il a reçu plus de 100 menaces de mort durant sa carrière, avait affirmé un porte-parole d’Al-Qabas, le journal du Koweït, pour lequel le caricaturiste travaillait avant son décès.
Cette “attitude” est ce qui l’a rendu célèbre et vaut à ses dessins d’être encore aujourd’hui reproduits sur des murs dans les Territoires palestiniens. Sa liberté de ton a permis à ses dessins “d’être repris dans des journaux proches des Frères musulmans et aussi d’être accrochés dans des bars communistes à Beyrouth”, explique Jonathan Guyer, un expert de la bande-dessinée dans le monde arabe à Harvard, interrogé par le New York Times.
Son œuvre la plus célèbre, qui est aussi devenue une signature pour bon nombre de ses dessins, est la caricature d’un enfant réfugié palestinien baptisé Handala. Naji al-Ali avait expliqué que ce petit garçon le représentait, lui, lorsqu’il avait dû quitter son pays d’origine et qu’il ne le ferait grandir que lorsqu’il pourrait y retourner. Avec le temps Handala est devenu un symbole de la cause palestinienne et il a aussi été adopté dans d’autres pays, notamment en Iran par les militants du mouvement Vert, lors du soulèvement après les élections de 2009.
source : France 24
[*notre article du 14 décembre 2016*]
« Qui ne pleure pas ne voit pas » Victor Hugo, Les Misérables – chapitre XVI
Retour de Palestine, mes amis m’ont dit : « Alors ? ». J’ai répondu : « C’était merveilleux, j’ai fait un vrai voyage ! ». Et je réalisai que dans beaucoup de voyages antérieurs j’avais été « radieusement distraite de l’humain ». Déjà mes compagnons de voyage ont écrit leurs témoignages, évoquant la dignité des Palestiniens, leur courage, leur lucidité, nos raisons d’aller les voir, de les écouter et de raconter. Dans la lecture que j’en ai faite, j’ai partagé leur indignation, leur admiration, j’ai entendu leurs cris de colère, mais surtout senti leur sympathie. Comme moi, émus jusqu’aux larmes, ils ont vu.
Je vais non pas rédiger un témoignage mais évoquer ma rencontre avec Handala, que je ne connaissais pas. Ce petit bonhomme humoristique est né à l’âge de 10 ans et ne vieillit pas. C’est un enfant palestinien dont la conscience s’épanouit à l’échelle d’une nation, la Palestine, puis de l’humanité toute entière. Je pense à Gavroche, 10 ans lui aussi, que Victor Hugo fait mourir sur les barricades, rue de la Chanvrerie à Paris le 6 juin 1832. Deux légendes dont l’existence est un défi à l’éternité.
En Palestine Handala est partout.
Au Nord d’Hébron, dans le grand atelier de céramique Hebron Glass & Céramique Factory, les artisans l’ont multiplié sur leurs carreaux de céramique bleue, noire, rouge. Il est debout, de dos, pieds nus (c’est un petit réfugié), le cheveu hirsute (il est en colère), les mains croisées, poings serrés qui disent « NON » à l’occupation israélienne, brandissant souvent sa clé, symbole du « Droit au retour » dans le pays natal ; parfois il élève une bougie dont la lumière, cernant la « Free Palestine » tente de dissiper les ténèbres israéliennes.
À Naplouse, que ni les bombes ni les tanks n’ont épargnée, Handala tague les façades des maisons démolies, farandole impertinente et vengeresse du petit personnage, sous les posters très graves des nombreux Martyrs de la Révolution.
À Qalandia, sur les restes des 11 maisons démolies en juillet 2016, Handala est encore là, près des drapeaux palestiniens plantés ferme sur les tas de pierres avec lesquelles les victimes reconstruiront leurs logis ; elles nous l’ont dit avec gravité.
Je l’ai laissé, ineffaçable victoire de la dérision, sur le « Mur de séparation » et je l’ai aussi ramené avec moi en France, je l’ai présenté et j’ai raconté son histoire.
Que me reste-t-il à dire ? – Un rêve : Handala, revenu sur sa terre natale, a grandi : il vient à la rencontre de ses hôtes et leur ouvre la porte de sa maison reconstruite, à Hébron ou à Beit Sahour, à Jéricho ou à Sabastiya, à Jénine ou Tulkarem, et pourquoi pas à Sahjra, en Galilée, où est né son créateur, le célèbre caricaturiste palestinien Naji Al Ali, mystérieusement assassiné à Londres en 1987 ?
Suzanne FOLLIET
source : mille et une vagues