Palestine. Le dépassement du nationalisme étatique
Dans un ouvrage critique et engagé, plusieurs chercheurs, pour la plupart Palestiniens, s’interrogent sur la volonté de créer un État, cœur de la stratégie politique palestinienne depuis un siècle. En mettant en question ce nationalisme étatique et les renoncements qu’il a suscités, ils ouvrent de nouvelles pistes pour l’avenir de la Palestine.
Avec des auteurs en majorité palestiniens, Rethinking Statehood in Palestine : Self-Determination and Decolonization Beyond Partition vient de paraître aux États-Unis. Le livre propose des regards critiques, novateurs et convaincants sur la problématique israélo-palestinienne. Des travaux passionnants et qui ont de quoi nous changer de la France, où l’on s’acharne à l’université et ailleurs contre des chercheurs travaillant sur l’analyse du racisme structurel en Occident et les problématiques sud-méditerranéennes, excommuniés comme « islamo-gauchistes ».
L’idée maitresse de la dizaine de contributeurs de cet ouvrage est la remise en question de l’axiome moderne qui conditionne l’autodétermination et la libération de peuples colonisés à la création d’un état national, seule forme politique censée pouvoir à la fois représenter les citoyens et en défendre les intérêts. Les auteurs s’entendent pour suggérer que dans le cas de la Palestine, la réification de l’État est peut-être une forme de péché originel qui a surdéterminé pour les uns et les autres (sionistes d’abord, Palestiniens ensuite) l’avènement des désastres passés et de l’impasse actuelle.
Les Palestiniens ont, il est vrai, fixé il y a cent ans leur objectif de création d’un État indépendant sur des frontières établies par le système des mandats. Ils ont majoritairement adhéré à ce schéma pendant un demi-siècle, traversant la Nakba et leur assujettissement à différentes juridictions, avant que leur direction, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) n’accepte par réalisme un partage qui leur laissera à peine plus qu’un cinquième de la Palestine mandataire. Les accords d’Oslo incarnaient cette concession énorme qui illustrait bien l’importance primordiale accordée à la réalisation du rêve de l’État incarné, quels que soient les sacrifices, quel que soit le renoncement. Ce schéma fut accepté par l’ensemble des acteurs internationaux, exception faite d’Israël qui entendait bien et compte toujours parfaire son État national sur toute la Palestine mandataire.