Plusieurs organisations chrétiennes établies en Palestine adressent une lettre ouverte
« Il n’y a toujours pas de justice sur notre territoire », déplore ainsi la Coalition nationale des organisations chrétiennes de Palestine dans une lettre ouverte adressée au Conseil œcuménique des Églises (COE) et au mouvement œcuménique, et ce, à l’occasion d’une concertation sur la paix dans le monde organisée le 20 juin dernier.
À l’heure actuelle en Palestine, la discrimination et les inégalités, l’occupation militaire et l’oppression systématique sont la règle, précise la lettre : « Aujourd’hui, nous sommes dans une impasse. Malgré toutes les promesses et des sommets à n’en plus finir, malgré les résolutions des Nations Unies et les appels de responsables politiques et religieux, les Palestiniens aspirent toujours à leur liberté et à leur indépendance et demeurent en quête de justice et d’égalité. »
La Coalition a fait part de ses préoccupations quant aux « attaques systématiques d’Israël contre la résistance créative palestinienne », dénonçant la montée de l’extrémisme religieux et le lourd tribut payé par les minorités religieuses.
Dans cette lettre, la Coalition a tenu à remercier les Églises pour leurs efforts en faveur des réfugiés et visant à mettre fin aux conflits dans la région. « Nous vous remercions également pour votre soutien aux chrétiens persécutés dans des pays comme l’Irak et la Syrie », précise la lettre.
Les chrétiens de Palestine ont plus que jamais besoin du mouvement œcuménique, soulignent les auteurs de cette lettre. « Nous avons besoin de femmes et d’hommes courageux qui sont prêts à se tenir en première ligne. Le temps n’est pas aux chrétiens adeptes d’une diplomatie futile. »
À travers cette lettre, la Coalition exhorte les Églises à reconnaître Israël comme un État d’apartheid ; à condamner la Déclaration Balfour comme étant injuste ; à adopter une position théologique claire contre toute théologie ou tout groupe chrétien qui justifie l’occupation et les privilèges d’une nation par rapport à une autre sur une base ethnique ou au nom d’une alliance ; à combattre l’extrémisme religieux ; à réexaminer leurs rapports avec leurs partenaires de dialogue et à les interpeller ; à mener des campagnes pour inciter les responsables d’Églises et les pèlerins à venir visiter Bethléem et d’autres villes palestiniennes ; à défendre le droit des chrétiens palestiniens de résister de façon créative et non violente à l’occupation ; à créer des groupes de lobbying pour défendre les chrétiens palestiniens ; et à créer au sein du COE un programme stratégique en vue de prôner et de développer des initiatives efficaces en faveur de la justice et de la paix en Palestine et en Israël.
Les organisations chrétiennes ont exprimé leur inquiétude vis-à-vis de la situation préoccupante des Palestiniens : « Nous sommes au bord d’un effondrement catastrophique », indique la lettre. « Ce pourrait être notre dernière chance de parvenir à une paix juste. En tant que communauté chrétienne palestinienne, ce pourrait être notre dernière chance de sauver la présence chrétienne sur ce territoire. »
Les dirigeants du COE apporteront cette lettre lors de la prochaine réunion de son Comité exécutif, qui se déroulera en novembre à Amman (Jordanie). Le COE a également invité ses Églises membres et ses partenaires du monde entier à lire et partager cette lettre comme un témoignage local sur la situation de la Palestine aujourd’hui.
[*Témoignages de cinq personnes lors de la consultation à Bethléem*]
Nora Carmi, membre de la société civile en charge des questions de justice et de paix
La lettre ouverte adressée par la Coalition nationale des organisations chrétiennes de Palestine au COE et au mouvement œcuménique est un appel honnête et sincère exhortant les hommes et les femmes de conscience à agir avant qu’un effondrement catastrophique ne survienne. Cette lettre rappelle à l’Église sa longue tradition prophétique et à ses membres qu’ils sont des témoins fidèles devant « Apprendre à faire le bien, rechercher la justice et défendre l’opprimé » (Ésaïe 1:17). Aujourd’hui, même si nous avons atteint le « moment de l’impossible », l’occasion nous est donnée d’adopter neuf mesures audacieuses qui permettront de sauver la présence chrétienne sur ce territoire et de parvenir à une paix juste. Cette obéissance coûteuse au Christ nécessite le courage de reconnaître Israël comme un État d’apartheid, de condamner la Déclaration Balfour, d’adopter une position théologique ferme et claire, de combattre l’extrémisme religieux, d’interpeller les partenaires de dialogue, d’inviter les fidèles à participer à un pèlerinage de justice, de défendre le droit de résister à l’occupation et aux injustices, de créer des groupes de lobbying pour défendre les chrétiens palestiniens et de développer des initiatives efficaces en faveur de la justice et de la paix en Palestine et en Israël.
Ensemble, nous pouvons changer les choses !
Rifat Kassis, auteur du document « Kairos Palestine » :
Il s’agit d’un document inédit, d’un moyen de communication. La Coalition nationale des organisations chrétiennes de Palestine (NCCOP) regroupe un certain nombre d’organisations chrétiennes palestiniennes réputées et bien représentées. Ces dernières ont décidé de se réunir afin d’informer ouvertement leurs frères et sœurs au sein du mouvement œcuménique et du COE de notre propre situation. L’objectif de cette Coalition vise également à démontrer que la situation en Palestine est plus qu’urgente. Nous sommes au bord d’un effondrement catastrophique, et ce pourrait être notre dernière chance de sauver la présence chrétienne dans notre région. Nous, chrétiens de Palestine, espérons que notre lettre sera prise au sérieux par nos frères et sœurs à travers le monde, mais aussi par les dirigeants du COE. Par ailleurs, nous prions pour qu’ils fassent tout leur possible pour rendre justice à notre peuple qui souffre depuis un siècle.
Nidal Abu Zuluf, responsable de la Joint Advocacy Initiative, établie par les associations chrétiennes YMCA de Jérusalem-Est/YWCA de Palestine :
C’est un autre moment Kairos qui a conduit les membres de la NCCOP à rédiger cette lettre. C’est l’urgence de la situation et du désespoir des Palestiniens qui a amené ces membres à faire preuve d’une certaine clarté et ainsi à appeler ouvertement les choses par leur nom. Sans oublier notre espoir que le COE et l’ensemble du mouvement œcuménique soient réceptifs et agissent sans plus attendre. Je pense que l’heure est venue d’être franc, de jouer un rôle prophétique et d’agir. L’heure est venue de faire preuve de créativité afin de résister de manière efficace à cette occupation et à cette oppression.
Les mesures que nous avons prises en quelques jours seulement sont très encourageantes. Depuis toujours, je suis convaincu de la puissance du mouvement œcuménique et de sa capacité à apporter des changements et à avoir un véritable impact sur la vie des individus. Je suis absolument persuadé que cette lettre suscitera davantage de débats et qu’elle permettra de mettre en œuvre une stratégie de solidarité avec les Palestiniens au sein du COE et d’autres mouvements œcuméniques.
Mira Rizeq, Secrétaire générale de l’association chrétienne YWCA de Palestine :
La Coalition nationale des organisations chrétiennes de Palestine (NCCOP) a publié une lettre ouverte historique, et ce, à l’occasion de la consultation « 50 ans d’occupation ; la réponse œcuménique » organisée par le Conseil œcuménique des Églises à Beit Sahour. Cette lettre souligne l’urgence de la situation en Palestine occupée et lance un appel à l’action. La NCCOP se demande si les Palestiniens ont atteint le « moment de l’impossible, parce que tout avait été construit dès le départ – il y a un siècle – sur des prémisses injustes ? ». Les Palestiniens exhortent le COE, les Églises à travers le monde et le mouvement œcuménique à « faire tomber les murs » de la peur et des artifices, à regarder la vérité en face, à lever le voile sur les réalités et à adopter une position audacieuse en faveur d’une paix juste.
Alors qu’Israël poursuit son oppression et ses violations et continue de réduire l’espace de liberté d’expression et d’action proactive, la communauté palestinienne espère que le COE et les Églises du monde entier diffuseront le plus largement possible cette lettre, et ce, afin de sensibiliser leurs membres, assemblées générales, partenaires et autres parties prenantes, mais également pour élaborer ensemble, au cours des deux prochains jours, un plan d’action qui nous rapprochera tous du désir de paix du peuple palestinien.
Rania Murra, directrice de l’Arab Educational Institute (Institut d’éducation arabe) et membre du conseil d’administration international de Pax Christi International :
Après plus de 50 ans d’occupation, je pense qu’il est urgent d’être unis et de renforcer la voix prophétique des Églises.
Il s’agit selon moi d’un appel fort, qui démontre notre unité en tant que chrétiens palestiniens. Aussi, j’exhorte les Églises locales et internationales, la société civile et les organisations de défense des droits de l’Homme à soutenir cet appel, non seulement en tant que déclaration, mais aussi en tant que stratégie d’action destinée à mettre fin à l’occupation et à engager les Palestiniens sur le chemin de la sécurité, de la prospérité, de la justice et de la paix.
En tant que mère de trois adolescents, les réactions positives et la position ferme de certains représentants d’Églises internationales m’ont personnellement donné envie d’espérer contre toute espérance. J’ai besoin que vous adoptiez une position ferme et des mesures fortes pour permettre à la bougie de l’espoir de s’allumer dans le cœur et l’esprit de mes enfants et les encourager à rester sur leurs terres, à faire preuve de sumud (ténacité) et à ne jamais perdre espoir.
En tant que membre du conseil d’administration international de Pax Christi International, je tiens à dire que notre mouvement catholique pour la paix craint qu’après 50 ans d’occupation, les Palestiniens aient atteint le « moment de l’impossible ». La mise en œuvre d’une solution pacifique nécessite un certain nombre d’opportunités. En ce qui concerne la prochaine action œcuménique, cette lettre rédigée par les organisations chrétiennes de Palestine revêt une importance capitale. Comme l’a demandé le vice-président de la NCCOP et le Secrétaire général du COE lors de la conférence, nous partagerons le message avec notre réseau et les responsables de l’Église catholique.
Pour plus d’informations :
La nuée de témoins de l’espérance - Message d’introduction du Pasteur Olav Fykse Tveit lors de la consultation de Bethléem sur les 50 ans d’occupation
Message de bienvenue de l’ancien patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah, le 20 juin 2017
Campagne « Seek #JusticeAndPeace in the Holy Land » (#JusticeEtPaix en Terre sainte)
LE COE au côté des Églises du Moyen-Orient
source : conseil œcuménique des églises
images : falasteenyia