COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE DE SALAH...

jeudi 15 juin 2023

COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE DE SALAH HAMOURI ET ELSA LEFORT
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Salah Hamouri, est un avocat franco-palestinien de 38 ans, Denise, sa maman est française et Hassan son papa est palestinien. En 2005, il est arrêté par les services de sécurité israéliens qui le suspectent d’avoir voulu assassiner le rabbin Ovadia Yosef, et pour son soutien au Front populaire de libération de la Palestine.
En 2008, après trois ans de détention administrative, il accepte une procédure de plaidoyer de marchandage afin de pouvoir réduire sa peine de 14 ans à 7 ans. Il sort de prison en 2011, dans le cadre d’une libération de prisonniers en échange du soldat Gilad Shalit, kidnappé par le Hamas.
Après sa sortie de prison, il fait des études de droit et devient avocat au barreau palestinien.
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Il est à nouveau placé en détention administrative en 2017, libéré 13 mois plus tard, sans aucune charge émise contre lui, puis est de nouveau incarcéré en mars 2022, sans accusation formelle. La détention administrative est un pouvoir arbitraire dont est doté le Shin Beth (renseignement intérieur) et les autorités israéliennes en usent et abusent.
Le 18 décembre 2022, contre son gré, il est extrait de prison et expulsé dans un avion pour être déporté en France. Israël révoque son permis de résident, l’empêchant de rester dans sa ville.
Elsa Lefort est son épouse depuis 2014.
En 2016, afin qu’Elsa, enceinte, ne puisse pas accoucher à Jérusalem, pour priver son futur enfant de tout statut légal de résident, les autorités israéliennes l’ont expulsée vers la France.
Elsa est la fille du député Jean-Claude Lefort, ancien député du Val de Marne, qui défend la cause palestinienne, mais aussi le Rwanda ou les Roms.

Elsa et Salah étaient présents samedi 10 juin à Marseille dans les locaux de la bourse du travail. Ils ont apporté un témoignage poignant et d’une grande dignité.

Salah a évoqué les terribles conditions de détention des prisonniers palestiniens en Israël.
Parmi les prisonniers politiques, il y a aussi des enfants. Des enfants en prison. Un jeune de 16 ans est enfermé 23h sur 24, il a droit à 1h de promenade, on lui laisse le choix d’avoir soit les mains, soit les pieds liés.
Il y a aussi des Femmes, actuellement elles sont 40.
Quand une femme enceinte est en prison, elle va accoucher dans un hôpital prison, et elle accouche avec 1 main et 1 pied, attachés. Elle garde ensuite son bébé en prison avec elle pendant 2 ans.
Différentes formes de torture sont une pratique quotidienne.
Aujourd’hui, il y a 1000 prisonniers malades, qui ne reçoivent pour seul soin que de l’aspirine. 29 prisonniers atteints de cancer restent sans soin. Un des prisonniers atteint de cancer est incarcéré depuis 37 ans, il lui reste 2 ans à purger, mais sa libération pour être soigné lui a été refusée. Le ministre actuel a déclaré qu’il doit mourir en prison.
Tous les soins dentaires ont été annulés, les familles doivent payer si des soins sont nécessaires.
Même la mort n’accorde pas la libération. Lorsque les prisonniers décèdent, les corps ne sont pas rendus à la famille, l’autorité israélienne garde les corps morts jusqu’à la fin prévue de la détention.
Salah en réponse à une question sur l’espoir envers une justice internationale évoque la disproportion de traitement entre l’Ukraine et la Palestine. Le dossier ukrainien a reçu un écho favorable en quelques mois alors que la Palestine attend depuis contre 75 ans. Seul un mouvement de solidarité international pourra avoir une incidence
Elsa Lefort, témoigne en insistant sur les punitions collectives imposées aux familles avec la volonté de les contraindre à partir. Avec des arrestations arbitraires lors d’évènements familiaux, comme des mariages, pour leur envoyer un message : « ne soyez pas trop heureux ». Elle témoigne de l’acharnement continu qu’a subi Salah jusqu’à sa déportation. Le soutien apporté par les comités était important pour lui, mais aussi pour tous les autres prisonniers. En France, il n’est pas facile de militer en faveur de la Palestine, mais il ne faut pas lâcher, ici ce n’est rien par rapport à là-bas.
Salah explique que la Naqba n’est pas terminée, la volonté des Israéliens est de continuer à chasser les Palestiniens.
Jérusalem a été occupée en 2 temps. En 1948, les Palestiniens ont été soit tués soit expulsés. Après 1967, ceux qui sont restés n’avaient pas droit à la nationalité, pour voyager il leur fallait un laisser passer. En 1995 une loi « centre de vie » restreignait l’obtention des cartes de résidence. En 2018 le défaut « d’allégeance » donne pouvoir au ministre de l’intérieur de révoquer le statut de résident. La construction du mur à fait partir 150000 palestiniens derrière le mur. La colonisation de Jérusalem continue. Les projets de Téléphérique et de tramway aggravent la situation. Il y a un projet de destruction de 2 grands quartiers arabes, pour un lieu en l’honneur de David.
Salah souhaite préciser que même si la situation des prisonniers renvoie une image très sombre, il est hors de question que les Israéliens brisent leur volonté. La Résistance doit continuer, et il faut rendre utile le temps passé en prison… On change de méthode mais on continue. La vie des prisonniers politiques est très organisée avec des élections discrètes, des comités élus de sécurité interne. C’est un combat permanent entre l’être humain et le temps, qui contrôle qui ? Si tu arrives à gérer le temps, tu peux rendre les années de prison utiles. On organise des cours de philo, d’histoire, d’idéologie, la lecture est très importante, il faut lire deux à 3 livres par mois. On a des modèles devant soi qui ont tenu et qui donnent l’énergie pour continuer. C’est un combat pour la dignité.
La Grève de la faim est un moyen stratégique pour résister. Ce n’est pas facile de prendre cette décision, avec le risque de perdre des amis. C’est difficile de coordonner l’action entre 10 et 20 prisons, d’élaborer une communication extérieure, d’apprendre aux jeunes à gérer la grève de la faim. La préparation peut durer un ou 2 ans. Les grévistes sont souvent mis à l’isolement total avec des pressions pour arrêter : Réveil la nuit dès que tu dors. Fouille de chambre vide. Arrivée avec un menu qui te propose un repas venu de l’extérieur, un burger. Distribution de tracts expliquant que tu vas devenir aveugle ou sourd. Transfert de prisonniers pendant la grève avec 15h de trajet mains et pieds menottés. Les gardiens ont un jour installé de grands ventilateurs après avoir ouvert les fenêtres, ils ont amené des prisonniers de droit commun israéliens pour faire un barbecue, afin que les ventilateurs envoient l’odeur dans les cellules. Ils sont allés jusqu’à intuber les prisonniers pour leur faire absorber de force du lait. Pour deux d’entre eux le lait est n’est pas allé dans l’estomac mais dans les poumons, ils sont morts.
A une question du public qui s’interrogeait sur l’enjeu de ces grèves de la faim par rapport aux risques, Salah, précise que pendant les grèves de la faim, il y a une pression internationale et un soutien du peuple palestinien. Grâce aux grèves de la faim on a gagné des améliorations des conditions de détention. C’est la pression extérieure qui permet d’améliorer.
A la question « Quoi faire en France ? » Salah insiste sur la nécessité de délégitimer l’occupation face au lobby pro israélien. Le mouvement de solidarité internationale fait partie du combat. A Marseille par exemple on peut demander l’annulation du jumelage avec Haïfa. Bien sûr il y a le boycott.
Il faut aussi se rendre en Palestine et aller visiter les Palestiniens.

A une question sur les destructions de maison, Salah explique que c’est dans la logique sioniste de déraciner les populations, 500 villages effacés en 48. La destruction de maisons fait partie de leur stratégie. Depuis début 2023, 138 maisons ont été détruites. Soit, tu détruis ta maison toi-même soit tu payes les frais de destruction.
A une question sur l’espoir que peut ou non susciter la nouvelle place de la Chine dans les équilibres internationaux, Salah répond que nous ne sommes plus dans monde d’un seul bloc. On peut bénéficier de ce changement avec l’intervention chinoise.
A une question sur les relations des Palestiniens avec le mouvement anticolonial, Salah précise qu’être Anticolonial, c’est aussi reconnaitre le droit au retour. Il y a quelques relations mais ils sont de moins en moins nombreux. Les Manifestations à la suite des lois israéliennes qui menacent la cour suprême expriment un conflit inter Israël entre 2 sionismes. Les Palestiniens ne sont pas concernés, droite ou gauche en Israël ne change pas grand-chose.
A une question à propos des accords d’Abraham, Salah répond qu’il n’y a rien de nouveau, les accords sécuritaires passés sous la table, ont existé avant 48. Il n’y a rien à attendre des régimes réactionnaires arabes. S’ils s’imaginent qu’Israël va les défendre, ils sont dans l’illusion totale. Maintenant c’est très clair, on sait qui sont les alliés des Palestiniens et qui ne le sont pas. Mais on a aussi vu des ripostes populaires, notamment pendant le mondial de football, où le drapeau palestinien a été très présent.
A une question sur l’espoir que pourrait apporter la fin de l’ère du pétrole (enjeu crucial de la région), Salah explique qu’au pétrole succède le gaz.
Israël est la base armée des forces occidentales dans la région. Les Palestiniens servent de laboratoire pour les questions sécuritaires, tout ce qui est testé sur les Palestiniens peut être exporté. La question palestinienne influence le monde : exemple Pegasus. Pour préparer les J.O. le responsable national de la gendarmerie française est allé chercher conseil en Israël.
Elsa rappelle une triste anecdote à Salah, pendant une grève de la fin, des négociations avaient été entamées et puis pendant quelques jours les instances israéliennes de la prison avaient disparu. A leur retour, ils ont justifié leur absence et cette interruption des négociations car ils étaient à Marseille, pour former le personnel de la prison des Baumettes….

Nous étions très nombreux à assister à cette conférence qui s’est tenue sous l’impulsion du collectif Palestine en Résistance et grâce au soutien de l’UD CGT13 que nous ne pouvons que remercier de cette belle initiative.
Le témoignage était poignant de la sincérité du vécu… mais bien sûr… les forces d’opposition à cette juste cause diront toujours que ce n’est pas vrai…
Christine Vandrame (à partir de notes prises pendant la réunion)

Découvrez aussi l’article de la Marseillaise sur cette soirée

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