Gaza : la justice administrative saisie de plusieurs demandes de suspension des ventes d’armes françaises à Israël

jeudi 18 avril 2024

Six mois après le déclenchement de l’offensive israélienne contre Gaza qui a déjà fait plus de 33 000 morts (dont plusieurs milliers d’enfants) et 75 000 blessés, et alors que plusieurs pays ont d’ores et déjà suspendu leurs ventes de matériels militaires à Tel-Aviv : plusieurs associations et organisations non gouvernementales (ONG), considérant que ces armes « pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre », ont engagé devant le Tribunal administratif de Paris trois procédures d’urgence exigeant que le gouvernement français renonce enfin à ce commerce mortifère.

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L’association ASER (Action sécurité éthique républicaines), après avoir vainement demandé au Premier ministre Gabriel Attal – qui n’a pas répondu – l’arrêt des exportations d’armes françaises vers Israël, a déposé un référé-suspension demandant donc la suspension d’une licence d’exportation de matériels de catégorie ML3 – c’est-à-dire des munitions, et des éléments de munitions.

L’ONG Amnesty International France, rejointe par la Ligue des droits de l’homme, qui s’est associée à cette requête, dépose quant à elle un référé-liberté demandant la suspension des licences d’exportation de matériels dits « de conduite de tir », et d’imagerie.

Enfin, un collectif d’associations et de syndicats dont Attac France, l’Association France-Palestine Solidarité et l’Union syndicale Solidaires, élargissant le champ, demande, par le moyen, là encore, d’un référé-liberté, la suspension de toutes les licences d’exportation de matériels de guerre et de biens dits «  à double usage » – pouvant indifféremment être employés à des fins civiles ou militaires – à destination de Tel-Aviv.

Ces trois démarches distinctes mais concertées, effectuées «  dans un contexte de très graves violations du droit international humanitaire justifiant une urgence dans la réponse de la justice  », ont pour objectif, expliquent leurs auteurs, de «  faire respecter les engagements internationaux de la France ».

Complice d’un génocide

Ils rappellent, dans un communiqué commun, que la Cour internationale de justice (CIJ) – la plus haute juridiction de l’Organisation des Nations unies (ONU) –, saisie par l’Afrique du Sud, a évoqué, dans une décision rendue le 26 janvier 2024, un « risque plausible de génocide à Gaza » - puis qu’elle a ensuite constaté, le 28 mars, qu’en dépit de cette sévère mise en garde, la situation continuait de se détériorer dans ce minuscule territoire ravagé par les bombardements et la famine.

Sous la pression, notamment, d’organisations non gouvernementales, de nombreux pays ont d’ores et déjà réagi : la Belgique, par exemple, a annoncé la suspension temporaire de deux licences d’exportation de poudre vers Israël. Le Canada, l’Espagne et l’Italie ont eux aussi suspendu temporairement – et partiellement – leurs transferts d’armes vers l’État hébreu.

Mais lorsque la demande du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU exigeant un arrêt total des ventes d’armes à Israël a été soumise au vote, le 5 avril dernier : la France a préféré s’abstenir.

Or, expliquent les associations et ONG qui ont saisi le Tribunal administratif de Paris : « Il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires français soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza. »

Par conséquent : la France, signataire notamment de la Convention des Nations unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et du Traité international sur le commerce des armes – qui lui fait obligation de contrôler l’usage qui est fait des matériels militaires qu’elle exporte –, viole ses engagements internationaux en continuant à livrer des armes à Tel-Aviv, et « risque  » ainsi « de devenir complice  » des crimes perpétrés à Gaza « et d’un possible génocide ».

Cette dernière précision est d’autant plus lourde de sens, que la CIJ s’est penchée, les 8 et 9 avril derniers, sur une plainte du Nicaragua, qui accuse l’Allemagne de se rendre complice, en livrant des armes à Israël, d’un « plausible  » génocide, et qui demande à la juridiction onusienne d’ordonner un embargo sur les armes allemandes à destination de l’État hébreu : le Tribunal administratif de Paris, saisi en référé, a en principe quarante-huit heures pour dire si la France devra suspendre les exportations qui l’exposent à la même glaçante accusation.

Source  : BLAST
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