La division de la mosquée Al-Aqsa mettra définitivement le feu aux poudres

jeudi 13 juillet 2023

Amit Halevi, membre du Likoud, le parti de Benjamin Netanyahu, a proposé de diviser la mosquée Al-Aqsa entre juifs et musulmans. Ces projets ne peuvent plus être considérés comme des fantasmes extrémistes, mais représentent de plus en plus le courant politique israélien dominant.

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En début de semaine, un député israélien a publiquement suggéré que la mosquée Al-Aqsa soit divisée entre les musulmans et les juifs, confirmant ainsi les craintes exprimées depuis longtemps par les Palestiniens quant aux objectifs futurs d’Israël en matière de contrôle du lieu saint.

Ce plan a été proposé par Amit Halevi, membre du Likoud, le parti au pouvoir du Premier ministre Benjamin Netanyahu, lors d’une interview accordée à un journal israélien.

M. Halevi a suggéré que le lieu saint soit divisé en deux parties : 30 % pour le culte musulman et 70 %, y compris la zone où se trouve le Dôme du Rocher, pour le culte et le contrôle juifs.

« S’ils y prient, cela ne fait pas de l’ensemble du mont du Temple un lieu saint pour les musulmans », a déclaré M. Halevi, en utilisant le terme juif de mont du Temple pour désigner Al-Aqsa, a rapporté Middle East Eye. « Ce n’était pas le cas et ce ne le sera pas. »

Depuis des décennies, les Palestiniens tirent la sonnette d’alarme face aux efforts d’Israël pour exercer un contrôle accru sur le complexe de la mosquée Al-Aqsa, qui est le troisième site le plus sacré de l’islam et le site le plus sacré de la religion juive.

Ces dernières années, les raids de la police israélienne dans l’enceinte sont devenus plus fréquents et plus violents. Les incursions de colons et le culte juif sur le site – interdit dans le cadre du « statu quo » – sont de plus en plus fréquents, tandis que l’accès des Palestiniens au site est progressivement restreint.

Pendant la Pâque de cette année, qui a coïncidé avec le mois sacré musulman du Ramadan, des groupes de colons ont offert des récompenses en espèces à tout juif qui sacrifierait un animal dans l’enceinte ou qui se ferait arrêter en essayant de le faire, ce qui a encore plus provoqué les Palestiniens qui, au même moment, subissaient des attaques de la part des forces israéliennes.

Tous ces changements de fait sur le terrain, associés aux récentes tournées incendiaires de ministres fascistes comme Itamar Ben-Gvir, qui a ouvertement déclaré « c’est nous qui commandons ici » à l’intérieur de l’enceinte, laissent entrevoir un avenir dans lequel la proposition de Halevi ne semble pas si éloignée du champ des possibles.

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Affrontement à Jérusalem [al-Qods] entre Palestiniens et forces israéliennes d’occupation – Juillet 2017 – Photo : Faiz Abu Rmeleh/ActiveStills.org

Après l’élection d’un gouvernement de droite dure en 2022, les voix des nationalistes religieux juifs comme Ben-Gvir, qui occupent certains des postes les plus élevés du nouveau gouvernement, sont devenues plus importantes.

Cela signifie que les voix qui réclament un contrôle juif sur le site, voire la destruction de la mosquée, ne sont plus celles d’extrémistes marginaux, mais celles de politiciens classiques occupant des postes clés au sein du nouveau gouvernement.

Ces ministres de premier plan soutiennent et légitiment les groupes sionistes purs et durs, tels que les Fidèles du Mont du Temple, qui cherchent à s’emparer de la mosquée d’Aqsa et à construire le troisième temple à sa place.

En outre, de nombreuses personnalités de la société et de la politique israéliennes souhaitent que l’identité musulmane et palestinienne du site soit remplacée par une identité juive. Et lentement mais sûrement, en changeant les faits sur le terrain et en introduisant des plans comme celui de Halevi dans la conscience générale, cette réalité est en train de prendre forme.

Des déclarations comme celles de Halevi ne peuvent plus être considérées comme de simples idées et des fantasmes extrémistes, mais doivent être prises au pied de la lettre : Al-Aqsa est attaquée.

En quoi consiste le plan de division ?

En plus de défendre l’idée que l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, qui s’étend sur environ 35 hectares à l’intérieur des murs de la vieille ville de Jérusalem, soit divisée en sites de culte musulman et juif, Halevi a également exposé les plans d’un contrôle israélien total sur le site – à la fois sur les sections musulmanes et juives ainsi imposées.

Dans son interview, Halevi a également appelé à élargir et à faciliter l’accès des juifs au site et a imaginé que l’administration jordanienne d’Al-Aqsa soit révoquée, a rapporté Middle East Eye. Il s’agit d’un accord international très fragile, dont Israël est signataire, qui reconnaît la tutelle jordanienne sur le site et qui a été de plus en plus menacé et violé par Israël au cours des dernières années.

Selon cet accord, le site est placé sous l’autorité administrative du Waqf islamique de Jérusalem, contrôlé par la Jordanie. Le statu quo autorise également les visites non musulmanes, mais pas le culte non musulman.

Si, sur le papier, la Jordanie reste la gardienne du site, Israël en contrôle déjà totalement l’accès, avec des points de contrôle à toutes les portes, tenus par des agents armés de la police des frontières israélienne, qui décident de qui entre et qui sort. Ce contrôle se traduit également par des invasions israéliennes fréquentes sur le site et à l’intérieur de la mosquée, ainsi que par la facilitation des attaques dans l’enceinte des colons et des ministres du gouvernement israélien.

Pour l’essentiel, il y a « statu quo » sur le papier et le statu quo réel qu’Israël applique sur le terrain depuis des décennies. On peut donc se demander si la proposition de Halevi de révoquer la tutelle jordanienne constituerait un changement aussi radical ou si elle ne ferait qu’officialiser le contrôle de facto exercé par Israël sur le site.

Quoi qu’il en soit, les Palestiniens ont tout à y perdre.

Un contrôle israélien total signifierait encore plus de restrictions sur l’accès des Palestiniens au lieu saint, qui, en plus d’être un espace religieux sacré, est également un symbole politique de l’identité palestinienne de Jérusalem.

C’est pourquoi diviser Al-Aqsa et en prendre le contrôle ne menacerait pas seulement l’identité religieuse du site – qui est sacré pour 1,8 milliard de musulmans dans le monde – mais aussi l’existence déjà très contrainte des Palestiniens à Jérusalem.
Israël pourrait-il vraiment diviser la mosquée Al-Aqsa ?

La partie la plus explosive et la plus révélatrice de l’interview de M. Halevi a été celle où il a suggéré que l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa, qui s’étend au total sur environ 35 hectares à l’intérieur des murs de la vieille ville de Jérusalem, soit divisée de manière inégale, 70 % étant alloués au culte juif.

La proposition de diviser le site, qui est destiné uniquement au culte musulman selon les accords internationaux (dont Israël est signataire), et d’en remettre la plus grande partie aux fidèles juifs, bien que choquante, n’a pas semblé surprenante.

Ce plan rappelle de nombreuses divisions similaires dans l’histoire moderne de la Palestine – pensons au plan de partage de la Palestine par les Nations unies en 1947, qui a donné plus de 50 % de la Palestine à un État juif, ou plus récemment à la division par Israël des lieux saints en Palestine, comme la mosquée Ibrahimi à Hébron et le tombeau de Rachel à Bethléem.

En 1994, après le massacre de 29 fidèles musulmans palestiniens par un colon juif américain à Hébron, Israël a divisé la mosquée Ibrahimi (où le prophète Abraham, sa femme Sarah et leur enfants sont censés être enterrés) sous le prétexte de « problèmes de sécurité ».

La mosquée, qui était à l’époque un lieu de culte exclusivement musulman, a été soudainement divisée en une mosquée (40 %) et une synagogue (60 %), avec des entrées séparées pour les deux.

Aujourd’hui, la mosquée Ibrahimi est une zone fortement militarisée – pour les Palestiniens. Pour accéder à la mosquée, les Palestiniens doivent passer par un certain nombre de points de contrôle militaires israéliens, notamment des barrières métalliques, des tourniquets électroniques et des contrôles biométriques. Les fidèles sont également surveillés en permanence par un réseau de caméras.

Il en va de même pour la tombe de Rachel, qui est censée être l’endroit où Rachel, l’épouse de Jacob, est décédée.

Lieu saint pour les juifs, les musulmans et les chrétiens, le site a été complètement fermé aux Palestiniens et aux habitants de Bethléem en 2002 lorsqu’Israël a construit le mur de séparation autour du tombeau, l’annexant de fait et le transformant en un site désormais accessible principalement aux fidèles juifs, ou à ceux qui peuvent y accéder de l’autre côté du mur.

La zone autour du tombeau a également été transformée en base militaire permanente et en commandement central de l’armée israélienne au cœur de la ville de Bethléem, d’où les forces israéliennes tirent régulièrement sur les Palestiniens et les tuent.

Le fait qu’Israël ait une expérience éprouvée de la division et de la conquête des terres et des lieux saints palestiniens, au vu et au su de la communauté internationale, a naturellement rendu les déclarations de M. Halevi extrêmement préoccupantes pour les Palestiniens.

Si Israël a déjà si bien réussi à diviser et à s’approprier les lieux saints palestiniens, qu’est-ce qui l’empêcherait de faire de même avec l’enceinte d’Al-Aqsa, qui est considérée comme le lieu le plus sacré du judaïsme ?

Depuis la création de l’État, Israël s’efforce de contrôler entièrement Jérusalem et le complexe de la mosquée Al-Aqsa, bien que la ville soit illégalement occupée et que le droit international stipule que la puissance occupante n’a aucune souveraineté sur ce territoire et ne peut donc pas y apporter de modifications permanentes.

Pendant l’occupation de la ville en 1967, Israël a complètement détruit un quartier palestinien entier, le quartier marocain, pour l’étendre à ce qui est aujourd’hui la place du Mur occidental, afin de faciliter l’accès des fidèles juifs au Mur occidental qui borde l’enceinte d’Al-Aqsa.

En 2003, Israël a définitivement fermé l’une des portes de l’enceinte, Bab al-Rahma.

Une autre porte, la porte marocaine, Bab al-Magharib, a également été entièrement reprise par les forces armées israéliennes, est totalement interdite aux Palestiniens et est utilisée pour faciliter l’entrée des colons juifs dans l’enceinte.

Ces dernières années, Israël a établi une tour de guet militaire permanente et une base à l’extérieur de la porte de Damas, l’entrée du quartier musulman, et a tenté en 2017 – mais sans succès en raison de la désobéissance civile populaire palestinienne – d’installer des détecteurs de métaux aux portes de la mosquée.

Si l’on se fie à l’histoire, la seule réaction au projet israélien sera très probablement celle des Palestiniens eux-mêmes, tandis que la communauté internationale se contentera de déclarations conciliantes et d’appels au « calme » et au maintien du ainsi-nommé « statu quo ».

JPEG - 12.4 ko Auteur : Yumna Patel
Yumna Patel est directrice de l’information sur la Palestine pour la publication américaine Mondoweiss. Elle est basée à Bethléem, en Cisjordanie occupée et fait des reportages sur le territoire depuis plusieurs années.
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