Maintien de l’ordre : quand le gouvernement français demande conseil à Israël

samedi 15 juillet 2023

Devant une commission des parlementaires de la Knesset, le chef de la police israélienne a révélé avoir reçu un fax du ministère de l’Intérieur français pour un partage d’expérience sur la gestion des manifestations.
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C’est décidément une sale habitude des gouvernements français. Dès que les banlieues et la jeunesse se révoltent et expriment leur colère, le ministère de l’Intérieur se tourne vers Israël. La Place Beauvau aurait aimé plus de discrétion, mais le chef adjoint de la division des opérations de la police israélienne, Shimon Nahmani, a été auditionné, dimanche, par le comité de sécurité nationale de la Knesset, le Parlement israélien.

Une audition placée sous le thème : « Arrestations violentes de manifestants » et qui avait été réclamée par plusieurs députés israéliens de l’opposition. Ces derniers étaient sans doute préoccupés par les manifestations qui secouent le pays depuis des mois et qui s’opposent à la réforme du système judiciaire.

C’est alors que Shimon Nahmani a annoncé que « la commission de police israélienne a reçu un fax de la police française pour s’informer sur la façon de gérer la crise à laquelle ils font face ». On peut ainsi l’entendre sur la vidéo retranscrivant la réunion et consultable sur le site de la Knesset. Le journal israélien en hébreu Israel Hayom a repris l’information.

Les autorités françaises se sont bien gardées d’en parler
Le commissaire de police israélien Yaakov « Kobi » Shabtaï a ordonné aux chefs du Directorat des opérations, du Directorat des renseignements militaires et des relations extérieures « d’étudier ce qui a conduit aux manifestations et à la réaction extrême des manifestants français, quels étaient les ordres de la police, comment elle a agi avant l’événement qui a conduit au soulèvement urbain, et ce qui, pendant l’événement, a conduit à de violentes émeutes à travers la France », indique un communiqué de la police. Que l’extrémiste de droite Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale, responsable de la police, s’intéresse à ces questions, ne manque
pas d’inquiéter.

Les autorités françaises se sont bien gardées de communiquer sur la question. D’ailleurs, tout est présenté, via les agences d’information, comme relevant d’une initiative israélienne. «  Les forces israéliennes anticipent une intensification probable de la protestation en Israël et veulent se tenir prêtes à tous les scénarios », écrit même le site I24News, peu susceptible de critiques vis-à-vis d’Israël. Plus étonnant, l’Agence France Presse ne mentionne pas le fax français reçu par la police
israélienne.

Déjà en 2005...

Ce n’est pas la première fois que la France prend les conseils d’Israël en matière de répression. En décembre 2005, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Gideon Ezra, accompagné du chef de la police, Moshe Karadi, s’était rendu à Paris à l’invitation du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. Comme l’écrivait alors le Jerusalem Post, «  Karadi et Nehemia (un autre policier - NDLR) sont à Paris pour faire profiter leurs homologues français de leur expérience pour réprimer efficacement les
émeutes ».

Le quotidien Haaretz notait : « Il se dit que la partie française est vivement intéressée par le savoir-faire israélien en la matière. » Un savoir-faire essentiellement utilisé dans la répression des Palestiniens, mais qui intéresse toujours la France.

Pierre Barbancey
Publié le Mardi 4 juillet 2023 dans l’Humanité

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