Pillages, racisme, expulsions... La conquête de la Palestine racontée par les combattants

dimanche 24 octobre 2021

Nombre d’histoires de la première guerre israélo-arabe (1948-1950) ont été écrites. Mais c’est sans doute la première où un historien fait parler, à travers leurs lettres, les combattants des deux camps. Ce courrier montre les divisions interarabes et jette une ombre sur le comportement des soldats israéliens, leur brutalité et leur racisme, non seulement envers les Arabes mais à l’égard des juifs marocains et irakiens venus combattre pour Israël.

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Dear Palestine, l’ouvrage de Shay Hazkani, historien israélien de l’université du Maryland, constitue une des toutes premières études sociales de la guerre qui, entre 1947 et 1949, opposa d’un côté les milices armées du yichouv (la communauté juive dans la Palestine mandataire britannique) puis l’armée de l’État d’Israël après sa création, le 15 mai 1948, et de l’autre les milices palestiniennes et surtout des groupements armés mobilisés dans les pays environnants, puis les armées arabes (essentiellement l’égyptienne et la jordanienne).

Dans ce livre, le lecteur apprendra peu du déroulé évènementiel de cette guerre. Mais il apprendra beaucoup de ce que masquent souvent les récits chronologiques et factuels des guerres : à savoir le contexte socioculturel dans lequel baignent leurs protagonistes. Pour le dévoiler, l’auteur privilégie deux sources majeures : d’une part la formation des troupes et les argumentaires (propagande incluse) des états-majors de chaque camp, de l’autre le regard porté par les combattants sur cette guerre et ce qu’il dit de sa réalité. Hazkani le fait en partie en s’appuyant sur les discours des responsables militaires, mais surtout — c’est la principale originalité du livre — sur les lettres des soldats à leurs familles, telles qu’elles ont été préservées après la lecture de la censure dans diverses archives militaires. Celles-ci sont souvent plus riches du côté israélien, mais l’auteur parvient malgré tout à mener une étude relativement équilibrée entre les deux camps.

Volontaires de l’étranger

Il consacre une place importante aux recrues auxquelles les chefs militaires ont fait appel hors de leur pays. D’un côté les Volontaires de l’étranger (dont l’acronyme hébraïque était Mahal), de jeunes juifs qui s’engagèrent en Europe, aux États-Unis et aussi au Maroc pour aider militairement l’État d’Israël émergent, puis constitué. On verra que ce groupe offre un regard sur la guerre souvent différent de celui des « sabras », les jeunes nés et éduqués dans le yichouv. De l’autre, diverses milices de recrues arabes enrôlées en Syrie, en Transjordanie, en Irak et au Liban pour soutenir les Palestiniens. Il privilégie, en particulier, la plus active, l’Armée de libération arabe (ALA, en arabe Armée arabe du Salut), commandée par Fawzi Al-Kaoudji. Là encore, le regard sur la guerre et son environnement porté par ces recrues est souvent inattendu.

L’étude des lettres comme l’analyse des discours des responsables militaires fait ressortir une évidence. Au-delà du rapport des forces militaire, l’unité et la clarté des objectifs étaient du côté israélien, la désunion et la confusion du côté palestinien – hormis l’idée maitresse du refus d’une partition de la Palestine, jugée soit injuste soit profondément inégale (les juifs, 31 % de la population à l’époque, se voyant allouer 54 % du territoire palestinien). Quelles que soient leurs dissensions internes, les forces sionistes entendaient toutes ériger un État duquel seraient exclus le plus grand nombre possible de ses résidents palestiniens (le plan de partition prévoyait que l’« État juif » inclurait… 45 % de Palestiniens !) Hazkani montre combien la direction politique et militaire de l’État juif était déterminée, avant même qu’il ait été déclaré, à le « nettoyer » le plus possible sur le plan ethnique, et aussi combien cette ambition était acceptée par la grande majorité de ses troupes.

Divisions entre Arabes et Palestiniens

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