Taysir Batniji aux Rencontres d’Arles, du 02/07/2018 au 23/11/2018.
Taysir Batniji, artiste palestinien expose aux Rencontres de la photographie d’Arles. Il est l’invité du grand entretien de 8h20 présenté par Laëtitia Gayet, sur France Inter
Taysir Batniji, artiste palestinien originaire de la bande de Gaza, expose aux Rencontres de la photographie d’Arles la série "Gaza to America, Home Away From Home". Il livre, à travers son oeuvre, une réflexion sur les notions d’identité et d’exil.
Vivant entre la France et la Palestine (où il n’a pas pu retourner depuis 2006) depuis son arrivée en Europe en 1993, il dit "vivre entre ces deux pays, ces deux géographies, ces deux cultures : mon travail est vraiment l’expression de cette situation d’entre-deux". Dans son projet photographique, il explique : "J’ai voulu à travers ce projet retracer l’histoire de mes cousins, la trajectoire que chacun a fait depuis Gaza jusqu’aux USA, comment chacun vit cette situation au quotidien, étant de culture arabe et de religion musulmane même s’ils ne sont pas tous pratiquants, comment ils se considèrent aujourd’hui".
"Ils se considèrent comme Palestiniens, mais aujourd’hui ils sont aussi Américains : c’est vraiment une double existence".
Taysir Batniji : "Dans mon projet photographique, j’ai voulu retracer l’histoire de mes cousins, suivre le chemin que chacun a fait depuis Gaza jusqu’aux Etats-Unis".
Les cousins de Taysir Batniji vivent dans un monde de paradoxes : "ils restent informés, lisent la presse arabe, leur cuisine est presque à 100% parlestiniennes" et en même temps, note le photographe, "ils vivent dans des gated communities, des zones fermées, qu’ils ont choisi parce qu’il y a le confort, la sécurité, c’est un phénomène très à la mode aux Etats-Unis (...). C’est paradoxal, à Gaza on vit un enfermement imposé, là on a choisi de s’enfermer aussi, mais pour des raisons opposées".
Taysir Batniji : "Les "gated communities" où vivent mes cousins aux Etats-Unis sont paradoxales : à Gaza on vit un enfermement imposé, là on a choisi de s’enfermer mais pour des raisons opposées, pour le confort et la tranquillité".
Taysir Batniji voit-il son travail comme politique ? "C’est une situation délicate : quoique vous fassiez en tant qu’artiste, si vous vous présentez comme Palestinien vous êtes regardé à travers ce prisme. C’est aussi délicat, au sens où je me demande souvent si je ne suis pas en train d’exploiter une cause pour en faire un projet artistique", explique-t-il. Ainsi, "à chaque fois que je lance un projet, il est toujours question pour moi de cherche un moyen d’aller au-delà du discours politique, au-delà des clichés et pour déjouer l’image de la Palestine, qui limite les Palestiniens à deux positions, agresseurs ou victimes". Il reconnait toutefois qu’avec les années, le regard porté sur son travail a changé : "Heureusement, beaucoup d’institutions et de personnes s’intéressent à mon travail parce qu’il y a une dimension pas seulement politique mais aussi artistique, conceptuelle, esthétique".
Taysir Batniji : "Quoi que vous fassiez en tant qu’artiste, si vous vous présentez comme Palestinien vous êtes regardé à travers ce prisme".
"L’immigration est un sujet difficile", explique Taysir Batniji, interrogé sur la question par une auditrice : "Émigrer, c’est choisir de quitter son pays, quand on est obligé de le faire personne ne le fait en étant heureux". "C’est toujours mieux de pouvoir rester où on est, car une fois que vous partez, vous n’êtes plus la même personne, vous ne voyez plus les choses de la même façon, vous ne pouvez pas revenir en arrière", explique-t-il. Lui qui n’a pas pu revenir à Gaza depuis 2006 en raison du siège qui en bloque en partie les entrées, il explique que pour lui l’idéal serait, même s’il n’a pas l’intention de retourner s’y installer, "d’avoir dans [sa] tête l’idée qu’on peut y aller quand on le souhaite".
Taysir Batniji : "L’idéal pour moi serait d’avoir en tête l’idée que si on veut retourner à Gaza, on peut le faire".
France Inter (@franceinter) August 3, 2018
Troisième lauréat du programme Immersion, une commande photographique franco-américaine, Taysir Batniji s’est rendu aux États-Unis, à la rencontre de cousins qu’il connaissait à peine. Au-delà du portrait intime et singulier de sa diaspora familiale, son projet soulève des questionnements universels liés à l’exil et à la construction des identités. Un livre d’artiste et une exposition à l’Aperture Gallery, à New York, retracent sa résidence atypique effectuée sous le parrainage de Sam Stourdzé, directeur des Rencontres d’Arles.
Entre janvier et juillet 2017, le photographe franco-palestinien Taysir Batniji (Palestine, 1966) a partagé le quotidien de ses "cousins d’Amérique" qui résident en Californie et en Floride depuis plusieurs dizaines d’années. Hébergé chez eux, il a cherché à les révéler à travers leur lieu de vie et les objets qui leur appartiennent, les a photographiés et a recueilli leurs histoires. Il s’est également plongé dans ses propres souvenirs en dessinant de mémoire le domicile familial de Gaza. L’ensemble, visible dans l’exposition et la publication qui l’accompagne, suscite nombre d’interrogations passionnantes : que signifie partager une histoire commune ? Comment le rapport au passé et les sentiments d’appartenance évoluent-ils lorsque l’on fait le choix d’une nouvelle vie, d’une nouvelle maison ? Taysir Batniji, qui habite en France depuis 1995, a ainsi pu poursuivre des réflexions situées au cœur de sa pratique sur les situations d’entre-deux culturel et géographique.
Avec Immersion, un programme annuel de résidences croisées, d’expositions et de publications dédiées aux photographes, la Fondation d’entreprise Hermès soutient la photographie contemporaine en permettant la création, l’exposition et la publication de nouvelles œuvres. Le programme est alternativement ouvert à un photographe basé en France, parrainé par un professionnel français et souhaitant créer une œuvre inédite aux États-Unis, puis, l’année suivante, à un photographe basé aux États-Unis, parrainé par un professionnel anglophone et souhaitant créer une œuvre inédite en France.
Informations pratiques
Exposition Taysir Batniji, Home Away from Home, du 15/03/2018 au 10/05/2018
Aperture Gallery, New York
aperture.org
source : Institut culturel franco-palestinien
La série Home Away from Home est présentée dans le cadre d’une exposition personnelle de Taysir Batniji aux Rencontres d’Arles, du 02/07/2018 au 23/11/2018. Cette exposition s’inscrit au sein d’un cycle thématique spécifique à cette édition des Rencontres.
[*Taysir Batniji -Gaza to America, home away from home
Chapelle Saint-Martin-du-Méjan
2 juillet - 23 septembre
10H00 - 19H30 - 10 euros*]
En librairie : Taysir Batniji, Home Away from Home, coédition Aperture / Fondation d’entreprise Hermès, 2018
*Lire aussi l’interview de Taysir Batniji, 2013
* en 2016 Taysir BATNIJI était au FRAC à Marseille
* Voir les illustrations de Taysir Batnij