Colonisation en Israël : Homesh, l’avant-poste de la droite israélienne en Palestine

dimanche 3 juillet 2022

L’ex-colonie, créée en 1978 en plein cœur des Territoires palestiniens et désengagée officiellement en 2005, opère toujours illégalement. Une situation qui crispe les habitants et mène parfois à des incidents mortels.

par Samuel Forey, correspondant à Jérusalem
publié le 25 juin 2022 à 11h19

Quelques sentiers imperceptibles grimpent à travers un taillis d’ombellifères, d’anis et de fenouil sauvage, de pins et de cyprès. Soudain, un tuyau – l’évacuation d’une douche de fortune, construite entre deux arbres. Un chemin se dessine. Il mène à un carrefour où se croisent une piste et le souvenir d’une route goudronnée. En hauteur, deux hamacs vides, aux couleurs éclatantes, se balancent doucement dans la brise. Une Mitsubishi Lancer hors d’âge surgit en trombe, remplie de « jeunes des collines » – ces adolescents, réputés d’extrême droite, qui s’installent dans les avant-postes en Cisjordanie occupée, résistent aux évacuations de l’armée et harcèlent les Palestiniens.

On avance encore un peu. Le reste d’une place accueille une grande tente kaki sous laquelle se trouve une bibliothèque remplie d’ouvrages religieux. C’est la yeshiva de Homesh, poste avancé de la colonisation israélienne qui opère illégalement depuis quinze ans, sur les lieux d’une ancienne implantation évacuée en 2005. Menahem Ben Shachar, 45 ans et tout juste grand-père, papillotes immaculées, la peau rougie par le soleil sous son Stetson, en est l’un des responsables. « Cette yeshiva est là pour réparer ce qui a été fait lors du désengagement, ni légal, ni légitime, ni juste. La Terre d’Israël appartient au peuple d’Israël et attendait son retour depuis deux mille ans », dit-il, en faisant référence au terme biblique pour le territoire comprenant aujourd’hui l’Etat hébreu et la Palestine. Au loin, l’appel à la prière résonne comme un ruisseau d’eau claire – il y a des villages palestiniens tout autour. Pour Menahem, Homesh est une histoire de famille : sa sœur habitait ici, avant. « C’était une communauté très sympathique, qui mélangeait religieux et laïques », se rappelle-t-il.

L’ex-colonie est située sur un sommet, à 700 mètres d’altitude, d’où la vue porte sur toute la plaine côtière, vers l’ouest, et les monts de Galilée, au nord. En contrebas passe la route 60, qui traverse toute la Cisjordanie. Homesh est à mi-chemin entre Naplouse et Jénine – comme un coin enfoncé au cœur des Territoires palestiniens.

Double trahison

Sur cette position stratégique, l’histoire récente semble bégayer. L’armée israélienne y crée un avant-poste en 1978, sur des terres confisquées aux propriétaires palestiniens du village voisin, Burqa, localité aux vénérables maisons de pierre datant de l’époque ottomane. Deux ans plus tard, ils le cèdent à des civils qui y installent une colonie – au mépris du droit international. La moitié des habitants quittent la communauté pendant la deuxième Intifada, au début des années 2000. Des juifs religieux les remplacent. En 2005, Ariel Sharon, alors Premier ministre, procède à un « plan de désengagement » – 21 colonies à Gaza et 4 en Cisjordanie – soutenu par la communauté internationale. L’événement suscite un émoi immense dans la communauté sioniste religieuse, qui se sent doublement trahie : par l’armée, qui les évacue de force, et par le reste de la population israélienne, qui soutient l’initiative de Sharon. Les terres, appartenant à des Palestiniens, sont toutes restituées… sauf à Homesh.

L’état-major ne révoque pas l’ordre de saisie des terres, contrairement aux autres colonies, selon l’ONG israélienne Yesh Din. Peut-être à cause de la présence des colons sur place dès 2005, qui espèrent revenir sur le retrait des colonies, en commençant ici – le mouvement s’appelle « Homesh d’abord ». Ils peignent le château d’eau qui couronne le sommet de la colline en orange, la couleur du mouvement antidésengagement, tandis que les Palestiniens, eux, ne peuvent pas retourner sur leurs terres. C’est le début d’une longue bataille judiciaire entre le conseil local de Burqa, assisté de l’ONG israélienne Yesh Din, et l’Etat israélien.

Pendant quatorze ans, les sionistes religieux fréquentent le site, notamment depuis la colonie de Shavei Shomron, à dix kilomètres par la route. Ils harcèlent les propriétaires légitimes des lieux par des jets de pierres sur les villageois, la destruction de cultures, le vol de bétail, sans que les militaires interviennent – ou que ceux-ci empêchent les Palestiniens de répliquer. C’est le mode opératoire classique dit « violence des colons », pratiquée notamment par les jeunes des collines. Par trois fois, la Cour suprême israélienne donne raison aux résidents de Burqa – sans que la situation ne change. Il semble y avoir une conjonction entre des intérêts militaires et les ambitions d’une communauté sioniste religieuse de plus en plus indépendante.

Intouchable

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