L’embarras du « camp de la paix » sur l’apartheid israélien

vendredi 6 mai 2022

Alors que, à quelques jours de la fin du ramadan, la situation reste tendue à Jérusalem autour de l’esplanade des mosquées, la qualification d’apartheid pour désigner le régime d’oppression des Palestiniens fait désormais l’objet d’un consensus croissant au sein des organisations de défense des droits humains dans le monde. Mais une partie des pacifistes israéliens opposés à la colonisation demeure rétive à l’usage de ce terme.

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« Nous avons de nombreux problèmes à résoudre. Mais entre “un pays à problèmes”, et définir Israël comme un État d’apartheid, il y a un grand écart ». Cette réaction au rapport publié le 1er février 2022 par Amnesty International qui accuse à son tour Israël de pratiquer l’apartheid ne provient pas du chef de la diplomatie israélienne Yaïr Lapid, mais de Issawi Frej, ministre arabe de la coopération régionale appartenant au Meretz (gauche sioniste). Il estime en outre qu’une telle allégation est incohérente avec sa propre présence au gouvernement.

Ce positionnement d’un membre de l’aile gauche de la coalition actuellement au pouvoir la plus sensible, en principe, au sort des Palestiniens ne saurait s’expliquer par la seule solidarité gouvernementale. Il est révélateur de la forte aversion que suscite le cadre analytique de l’apartheid pour décrire la réalité israélo-palestinienne au sein de que l’on nomme couramment le « camp de la paix » israélien. Si plusieurs personnalités et organisations ont apporté leur soutien à Amnesty, d’autres réactions ont mis en évidence l’ampleur du fossé qui sépare une frange « progressiste » du consensus qui se dessine de façon croissante chez les défenseurs des droits humains au sujet de l’apartheid israélien.

Des doutes grandissants à gauche

Au sein de la société civile, la réaction plus significative est sans doute celle de Molly Malekar, la directrice de l’antenne israélienne d’Amnesty International, qui s’est désolidarisée du rapport trois semaines après sa publication. « Un coup de poing dans le ventre, a-t-elle commenté, qui ne ferait pas avancer les choses et pourrait même les aggraver ». Ilan Rozenkier, le président de la branche française de l’organisation anti-occupation La Paix maintenant, s’est quant à lui fendu d’un éditorial au vitriol contre « une charge outrancière » basée selon lui sur un argumentaire biaisé et injuste. Contactée, la maison-mère basée à Tel-Aviv précise ne pas être liée à cette prise de position, mais se refuse à tout autre commentaire sur un sujet manifestement polémique.

Ce malaise a de quoi interpeller, car la permanence de l’occupation et la dérive ethnocratique des années Nétanyahou ont en effet vu fleurir les accusations d’apartheid hors des rangs antisionistes auxquels elles étaient jusque-là limitées. Le vote de la loi sur l’État-nation du peuple juif de 2018, puis le projet d’annexion d’une partie de la Cisjordanie dans la foulée de la publication du « plan de paix » de Donald Trump y ont grandement contribué. « Jusqu’il y a un an, il n’y avait pas de discussion sur l’application de la catégorie d’apartheid à Israël. Aujourd’hui, bien que cette dernière soit encore largement rejetée, la discussion est partout », note Eitan Bronstein de l’ONG israélienne De-Colonizer. Un débat intitulé « de l’occupation à l’apartheid » avait même été organisé dans l’enceinte de la Knesset en juillet 2021 par les élus Mossi Raz (sioniste de gauche) et Aida Touma-Sliman (communiste).

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