Clarification : Différence entre Cour internationale de justice et Cour pénale internationale

samedi 13 janvier 2024

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Israël accusée de « génocide  » devant la CIJ (Cour Internationale de Justice) : la justice internationale est « susceptible d’agir »

Mais quelles différences entre la CIJ et la CPI (Cour Pénale Internationale) ? :

Professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles, François Dubuisson analyse les enjeux de la plainte déposée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ). L’organe judiciaire de l’ONU tient des audiences jeudi 11 et vendredi 12 janvier à La Haye (Pays-Bas), suite à une requête de Pretoria sur des faits de « génocide  » qui serait commis par Israël lors de ses opérations militaires dans la bande de Gaza.

L’Afrique du Sud a lancé une requête auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ), l’organe de l’ONU qui juge les différends entre États, pour dénoncer ce qu’elle estime être le caractère « génocidaire  » de l’invasion israélienne à Gaza.

Par : Nicolas Falez (Journaliste RFI)

RFI : La Cour internationale de Justice (CIJ) est l’organe judiciaire principal des Nations Unies. Quand s’est-elle déjà penchée sur le conflit israélo-palestinien ?

François Dubuisson : La CIJ règle les litiges entre États et peut rendre des avis lorsqu’on lui pose une question juridique.

Dans le passé, elle a déjà été consultée sur la légalité du mur construit par Israël en territoire palestinien. Elle en avait constaté l’illégalité. Depuis plusieurs mois, elle est saisie d’une seconde demande d’avis qui porte de manière beaucoup plus générale sur la nature de l’occupation israélienne du territoire palestinien. Les audiences doivent se tenir en février.

Après les attaques du Hamas le 7 octobre et le début de la guerre à Gaza, l’Afrique du Sud a saisi la CIJ, lui demandant de se prononcer sur d’éventuels faits « de génocide ». C’est une première ?

Oui, c’est la première fois qu’une procédure inter-étatique incrimine Israël devant la CIJ.

La procédure est basée sur la Convention de 1948 sur le génocide.

Les plaidoiries porteront uniquement sur celle qualification : est-ce que les opérations militaires menées par Israël dans la Bande de Gaza, les difficultés d’accès à l’aide humanitaire, les conséquences pour la population palestinienne entrent dans la qualification de « génocide » ?

Comment vont se dérouler les deux jours d’audience de cette semaine à La Haye ? Et quelle sera la suite ?

À ce stade de la procédure, il s’agit d’une demande de mesures conservatoires par l’Afrique du Sud. C’est une sorte de référé en urgence où l’Afrique du Sud demande à la Cour d’édicter des mesures s’imposant à Israël pour éviter tout risque de préjudice irréparable.

La Cour pourrait les annoncer très rapidement, demandant à Israël de s’abstenir d’une série d’actes ou lui demandant de laisser passer davantage d’aide humanitaire pour prévenir un potentiel génocide.

Ce n’est pas à ce stade que la Cour se prononcera pour dire si oui ou non
ce que fait Israël relève du génocide.

L’étape suivante sera-t-elle celle de l’examen sur le fond ?

Oui, l’analyse définitive des actes commis par Israël va probablement prendre plusieurs années. Un temps assez long, c’est pour cela qu’il y a un intérêt à des mesures conservatoires, pour essayer d’avoir une prise sur ce qui se déroule actuellement.

Quels sont les moyens de rendre obligatoires les mesures qui pourraient être édictées par la CIJ ?

Elles seraient obligatoires, mais cela ne veut pas dire qu’Israël s’y conformerait.

Mais des mesures conservatoires constitueraient un levier pour les autres États. En effet, au titre de la Convention sur le génocide, l’ensemble des États-parties ont des obligations de prévention du génocide.

Donc, si la Cour dit qu’un certain nombre de mesures doivent être prises pour empêcher un génocide, cela peut inciter des États à accroître leur pression sur Israël.

Parallèlement à cette procédure devant la Cour internationale de justice (CIJ), la Cour
pénale internationale (CPI) a commencé à se pencher sur les évènements du 7 octobre 2023 et ceux de la guerre qui a suivi.

Qu’est-ce qui distingue ces deux procédures ?

Et ne risquent elles pas de s’enliser ou d’échouer au risque de saper encore plus la crédibilité de la justice internationale ?

La CPI est compétente pour juger des individus, contrairement à la CIJ.

Comme Israël n’est pas parti à la Cour pénale internationale, elle n’a pas d’obligation de coopération. Et la CPI ne peut mener des procès que lorsque les accusés sont présents à La Haye. Elle ne peut pas les juger en leur absence.

C’est vrai qu’il y a une question de crédibilité : la CPI a souvent été critiquée pour s’intéresser surtout aux conflits en Afrique et peu aux responsabilités des États occidentaux.

On voit néanmoins que deux cours internationales (CIJ et CPI) sont susceptibles d’être compétentes et d’agir, même si cela va prendre un certain temps. Elles sont susceptibles d’avoir une prise sur le conflit israélo-palestinien, ce qui n’est pas si fréquent.

Source : RFI [->https://www.rfi.fr/fr/moyen-o...]