Contester l’apartheid climatique d’Israël en Palestine

samedi 12 mars 2022

Par sa participation à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) de 2021 et à d’autres forums internationaux, l’Autorité palestinienne (AP) continue de promouvoir une approche du changement climatique centrée sur l’État qui, en fin de compte, bloque la justice climatique et environnementale légitime en Palestine. En effet, les dirigeants palestiniens ont réduit la lutte de libération palestinienne - par essence une lutte pour la justice climatique et environnementale - à un projet de construction d’un État qui a échoué depuis les accords d’Oslo de 1993.

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La justice est rarement abordée dans ces conventions et forums internationaux, laissant les Palestiniens confinés dans la logique des donateurs internationaux qui cherchent à gérer l’occupation au lieu de faire pression sur Israël pour y mettre fin. La normalisation et la dépolitisation de l’apartheid climatique israélien caractérisent l’approche actuelle des problèmes climatiques et environnementaux de la Palestine, et doivent être contrées par les Palestiniens et les défenseurs internationaux de la justice climatique.

Normalisation et dépolitisation de l’apartheid climatique

En Palestine, le cadre de la consolidation de la paix a façonné des programmes de coopération qui dépolitisent les questions environnementales et climatiques et, par conséquent, ne parviennent pas à perturber les pratiques coloniales d’Israël. En effet, des initiatives financées par des donateurs comme EcoPeace et l’Arava Institute utilisent depuis des années des slogans tels que "l’environnement ne connaît pas de frontières" et "rassembler les gens". Fondamentalement, ces initiatives ne servent qu’à ignorer ce qui est clairement une situation d’apartheid climatique, et à promouvoir le changement climatique comme un autre domaine où la coopération et le dialogue sont la réponse au lieu d’un changement politique radical.

Les organisations environnementales palestiniennes et leurs alliés critiquent depuis longtemps ces initiatives qui normalisent et légitiment l’occupation israélienne sous couvert de développement durable, de renforcement de la confiance et d’écologisation de l’environnement. Ils ont souligné qu’en normalisant et en dépolitisant le changement climatique, ces initiatives promeuvent l’idée que les problèmes environnementaux peuvent être résolus uniquement par la technologie et les incitations basées sur le marché.

Le changement climatique, cependant, n’est pas un phénomène naturel ; il est aggravé par des décisions politiques et économiques. Dans le cas de la Palestine, les effets du changement climatique sont influencés et exacerbés par le colonialisme israélien et le vol des ressources naturelles. Mais plutôt que de soutenir les Palestiniens dans leur lutte pour garantir leurs droits à l’eau, par exemple, l’UE et d’autres donateurs internationaux ont, pendant des décennies, mis l’accent sur le potentiel des solutions techniques pour augmenter la disponibilité de l’eau et résoudre la "pénurie d’eau" en Palestine.

Dans le cadre des mécanismes actuels de financement de la lutte contre le changement climatique, ce discours néfaste prévaut. Par exemple, le Fonds vert pour le climat, un mécanisme financier multilatéral de la CCNUCC, soutient actuellement un projet de cinq ans visant à augmenter la disponibilité de l’eau pour l’agriculture durable à Gaza grâce à l’utilisation des eaux usées traitées. Il s’agit d’une autre solution technique qui ignore et normalise la réalité politique à laquelle Gaza est confrontée en raison du blocus et du siège paralysants d’Israël, qui l’isolent du reste de la Palestine en termes de ressources naturelles et de continuité géographique.

Ces pratiques affectent également les Arabes en dehors de la Cisjordanie et de Gaza. En ratifiant l’Accord de Paris, Israël s’est engagé à réduire de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre de 2005 d’ici 2030, et entend atteindre cet objectif en développant des projets d’énergie verte dans le plateau du Golan occupé et dans le désert du Naqab, entre autres. Les résidents syriens du Golan (Jawlanis) voient leur accès à la terre et à l’eau menacé par un projet israélien de développement d’un projet éolien à grande échelle sur ce qui reste des terres agricoles des Jawlanis. Et à partir de janvier 2022, Israël déracine les Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres dans le Naqab dans le cadre d’un projet visant à aplanir les dunes et à planter des arbres. Ce blanchiment écologique perpétue la dépolitisation et la normalisation de ce qui est fondamentalement le nettoyage ethnique des Palestiniens par Israël.

Recommandations

« L’Intifada de l’Unité » de 2021 a apporté un regain d’efforts parmi les Palestiniens pour défier leur fragmentation forcée. De même, l’environnement palestinien transcende les frontières géopolitiques, et donc, le changement climatique en Palestine doit être compris comme une réalité intrinsèquement politique définie par des décennies de colonialisme israélien et de vol des ressources naturelles.

Repolitiser le climat et l’environnement, et remettre en question les discours sur la construction de la paix et la collaboration sont des étapes cruciales pour centrer la justice climatique dans la mobilisation populaire palestinienne. Pour ce faire :

- La communauté des donateurs devrait cesser de soutenir les projets de normalisation verte qui ignorent la réalité politique et les disparités de pouvoir entre Palestiniens et Israéliens.

- Les dirigeants palestiniens et la communauté des donateurs devraient plutôt investir dans le plaidoyer basé sur la justice des organisations de la société civile palestinienne, telles que PENGON et Al Haq, qui sensibilisent et mobilisent pour une justice environnementale, hydrique et climatique intersectionnelle.

- Les défenseurs palestiniens de la justice climatique doivent remettre en question les approches techno-managériales des forums internationaux tels que la COP et ses mécanismes de financement du climat.

- Les activistes locaux et internationaux du changement climatique devraient se concentrer sur la lutte contre les injustices climatiques et environnementales historiques en Palestine afin de tenir Israël pour responsable de son vol des ressources naturelles des Palestiniens.

- Les dirigeants palestiniens et la communauté internationale devraient soutenir la mobilisation des ressources locales, nationales et internationales pour faire pression sur Israël afin qu’il reconnaisse et s’engage à respecter les droits des Palestiniens à l’eau et à la terre.

Traduction : AFPS