« JUDAÏSME CONTRE SIONISME »

dimanche 9 juillet 2023

C’est l’été, le temps de lire et de penser, le temps. de se former pour mieux comprendre le monde et s’engager pour le changer, Jean Marie Beaumier de l’Association des Chrétiens de la Méditerranée, nous a fait parvenir cet article exigeant... et passionnent. Merci Jean Marie

Conférence proposée par l’Association Culture et Paix (ACP) en association avec le Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC) et l’Union juive française pour la paix (UJFP)

PNG - 141.8 ko

Intervenants :
Daniel Lévyne, fils d’Emmanuel Lévyne, membre de l’UJFP ’Union Juive Française pour la Paix)
Gabriel Hagaï, rabbin orthodoxe, enseignant-chercheur, philologue, poète
Dominique Natanson, directeur des Editions de l’échelle du temple, éditeur de Judaïsme contre sionisme (2022), membre de la coordination nationale de l’UJFP
Modération : Béatrice Orès, responsable du site internet de l’UJFP.
(Retranscription intégrale d’après un enregistrement audio de Laurent Baudoin)
ץֶרֶ֣אְבּ םֶ֖תיִיֱה םיִ֥רֵג־יִֽכּ rו֔ ֹמָכּ ֙וn ָ֥תְּבַהָאְו םֶ֗כְתִּא רָ֣גַּה ׀רֵ֣גַּה םֶ֜כָל הֶ֨יְהִי ֩םֶכִּמ חָ֣רְזֶאְכּ םִיָ֑רְצִמ
« L’étranger qui séjourne parmi vous sera pour vous comme un des vôtres ; tu l’aimeras comme toi-même ; car vous avez été étrangers dans le pays d’Égypte. » (Lévitique 19-34)

Dominique Natanson, éditeur de Judaïsme contre sionisme :
Même si, comme beaucoup d’adhérents de l’UJFP, je ne suis pas très religieux, j’ai
tenu à rééditer le livre d’Emmanuel Lévyne (paru la première fois en 1969) qui est
essentiellement basé sur la Thora et le Talmud.
Emmanuel Lévyne a été marqué par l’arrestation de son père à Paris pendant la
Shoah. A la question « comment peut-on vivre après Auschwitz ? », il donne une réponse qui n’est pas principalement politique, mais d’abord spirituelle. Après la mort de six millions de nos frères et sœurs, nous nous sentions seulement le droit de vivre spirituellement, pour accomplir une œuvre de caractère messianique. Tout le débat sur le sionisme porte donc sur la nature du messianisme juif.

Comment ce messianisme, qui date de plusieurs siècles, peut-il se transformer en
un militarisme, un colonialisme, un système de domination et d’apartheid ?

Pour Emmanuel Lévyne, le sionisme politique opère un détournement du messianisme et il pense qu’un messianisme autre que le nationalisme est possible. Il rappelle que selon le Talmud des rabbins, « Dieu a fait une charité à Israël en le dispersant parmi les nations ». La diaspora a une raison et un sens, la protection des juifs passe par cette dispersion. La question du messianisme est de savoir comment on peut réunir les juifs, parce que dans le messianisme, s’il y a bien l’idée qu’il y aura un retour sur la terre d’Israël, la question est de savoir qui peut en décider et comment ? Pour Emmanuel Lévyne, il y a l’exigence d’un miracle, qui ne peut pas être des avions F16 et le financement américain. « Avant que le jour de l’Eternel arrive, je vous enverrai le prophète Elie, il ramènera le cœur des pères à leurs enfants et le cœur des enfants à leurs pères ». Cette attente séculaire du retour à Sion ne peut pas se résoudre dans le sionisme politique de Theodor Herzl. Tout doit venir du divin, le retour à Sion dépend uniquement de l’action de Dieu. Il y a donc une vacuité du sionisme politique, car, comme le dit la Thora, « ceux qui travaillent à bâtir la maison sans Dieu travaillent en vain ». Pour Lévyne, comme pour beaucoup de rabbins qu’il a traduits de l’hébreu – surtout des rabbins polonais de la fin du XIXe et du début du XXe s. –, le sionisme est une hérésie de la patience.
Pour faire venir la délivrance, il faut croire en Dieu et observer ses préceptes, alors que les sionistes disent qu’il faut croire en Herzl…

Derrière cela il y a une question : qu’est-ce que Sion ? Qu’est-ce que le retour à
Sion ? Sur ce point Lévyne constate un appauvrissement désolant de la pensée juive
millénaire, parce que pour les sionistes, Sion c’est l’Etat juif, l’Etat d’Israël. Pour Lévyne, c’est une fausse conception de Sion. Dans la pensée des rabbins, Sion est un concept essentiellement spirituel. Vous qui avez l’habitude du dialogue islamo-chrétien, vous connaissez les questions du même ordre qui se posent à propos du jihad, qui a été instrumentalisé sous sa forme politique et littérale par des groupes sectaires qui ne comprennent rien à l’islam ; il y a un jihad intérieur et spirituel qui est d’un autre ordre. Pour Lévyne, la question du judaïsme est l’élévation de l’homme par la spiritualité, au point que tout homme ou tout lieu qui se signale par sa piété est appelé Sion.

Il y a aussi le problème de la terre. Là encore, il s’agit de savoir ce que les textes
veulent dire par la promesse de la terre. Pour Lévyne, Dieu a donné la terre
symboliquement. La signification littérale du mot « Sion » est signe, symbole et non réalité.
Pendant des siècles, fait-il remarquer, les juifs ont vécu comme des anarchistes, sans Etat, sans souverain, sans police, sans armée et c’est dans cet esprit qu’ils ont vécu l’attente de la terre donnée. L’hébraïsme est un anarchisme. Etre sioniste, au contraire, c’est vivre dans les symboles et non pas dans la spiritualité de ces symboles, c’est être un juif ignorant. L’étude de la Thora, qui fonde le judaïsme, ne peut pas s’appauvrir au point de devenir cette poussière de l’impérialisme. La Thora attend un autre type de recherches et non pas des interprétations littérales insensées, comme il en fleurit aujourd’hui en Israël avec ces archéologues fous qui essaient de prouver toutes sortes de choses absurdes, extrêmement éloignées de la spiritualité juive.

Il y enfin pour lui la question très importante de la violence et de la guerre pour
conquérir la terre d’Israël.
Lévyne reprend de nombreux textes, par exemple ceux du prophète Michée s’adressant aux chefs de la maison de Jacob et aux princes de la maison d’Israël : « Vous qui avez en horreur la justice et qui pervertissez tout ce qui est droit – on dirait une description des dirigeants israéliens ! –, vous qui bâtissez Sion avec le sang et Jérusalem avec iniquité. Ils osent s’appuyer sur l’Eternel, ils disent : l’Eternel n’est-il pas au milieu de nous, le malheur ne nous atteindra pas. Et c’est pourquoi, à cause de vous, Sion sera labouré comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de pierres, la montagne du temple une colline couverte de bois. » Et aussi : « La délivrance du peuple juif ne peut pas venir par des moyens humains, par l’argent, par les armes. » Cette délivrance doit être spirituelle. « C’est gratuitement que vous avez été livrés et ce n’est pas avec de l’argent que
vous serez délivrés, ni par la violence ni par l’armée mais seulement par l’esprit de l’Eternel ».

C’est l’étude du sens profond de ces textes qui a conduit Emmanuel Lévyne à rejeter le sionisme. Ce n’est pas le sort des Palestiniens qui l’occupe en premier lieu. Il en parle bien sûr, mais ce n’est pas le centre de son analyse, contrairement à beaucoup d’entre nous ; ce qui le préoccupe avant tout, c’est le sort des juifs. Dans son livre, Emmanuel Lévyne s’adresse avant tout aux juifs, car son antisionisme repose principalement sur la Thora, le Talmud et les principes majeurs du judaïsme. Il se préoccupe principalement de ce que pensent les juifs de ces questions et il les interpelle au moyen d’échanges épistolaires, de tribunes de presse dont il publie les réactions des lecteurs, etc. ; c’est ce qui fait l’originalité
de son livre par rapport à d’autres textes qui traitent du sionisme davantage à travers la question palestinienne.

Quel est le point de vue de l’éditeur militant sur ce livre ? Pourquoi rééditer un
livre de 1969 ?

Pour moi, il y a eu trois points déterminants : un moment, un personnage,
une vérité.

Le moment, c’est autour de 1969, après la guerre des six jours. En 1967, beaucoup de militants juifs croient que le peuple juif va de nouveau être exterminé. Des jeunes vont donc s’embarquer pour défendre Israël. Là, ils découvrent les kibboutz, l’armée, etc. Leur premier réflexe est de resserrer les rangs autour d’Israël menacé. C’est aussi le moment où le drame de la Shoah apparaît. Avant 1967, presque personne ne parlait de la déportation juive (on n’était pas saturé de livres sur la Shoah comme aujourd’hui), c’est seulement après 1967 qu’on commence vraiment à en parler. C’est aussi une période d’événements révolutionnaires (mort de Che Guevara, révolte de mai 68, etc.). La majorité de la communauté juive va alors devenir sioniste, ce qui n’était pas le cas jusque là. Par exemple, avant 1967, des associations sionistes, non sionistes ou même antisionistes cohabitaient au
sein du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives), un organisme issu de la
Résistance, alors qu’aujourd’hui le CRIF s’est rallié à l’extrême-droite israélienne et même à l’ultra droite française du Rassemblement National.

Le personnage marquant, c’est Emmanuel Lévyne, qui fait un choix tout différent.
Penseur juif peu reconnu par ses pairs, il continue de se battre pour préserver l’héritage spirituel juif autour de la revue progressiste Tsédek. Il est de plus en plus rejeté par ses pairs à cause de ce mouvement inverse de la communauté juive française vers le sionisme – à l’exception de jeunes juifs qui rejoignent l’idéal révolutionnaire qu’incarne par exemple la LCR (Ligue communiste révolutionnaire).
Il y a enfin une vérité profonde, celle de tous ceux qui s’inquiètent de voir
l’héritage séculaire de milliers de juifs qui ont réfléchi, étudié les textes religieux, inventé la dialectique, se transformer en un nationalisme, un militarisme, un colonialisme et un esprit de domination, avec notamment ce marchandage sordide entre un Ben Gourion athée et des rabbins qu’il achète en leur offrant des places importantes dans l’Etat d’Israël. Sur ce point, Emmanuel Lévyne écrit des choses très profondes.

Daniel Lévyne, fils d’Emmanuel Lévyne, ancien professeur de mathématiques,
membre de l’UJFP :

Emmanuel Lévyne (1928-1989) est né de parents juifs ashkénazes, c’est-à-dire
originaires de l’Europe de l’Est. Son père, bien connu dans la communauté juive d’avant guerre, écrivait régulièrement dans des revues juives ; arrêté par les Allemands en février 1944, il mourra au camp d’Auschwitz. Après la guerre, Emmanuel Lévyne fréquente de jeunes juifs qui avaient échappé aux rafles. En juillet 1947, avec sa fiancée de l’époque, il participe à l’aventure de l’Exodus, ce bateau qui devait transporter des rescapés juifs des camps nazis depuis le port de Sète jusqu’en Palestine mandataire. C’était un rafiot pourri, prévu à l’origine pour promener des touristes sur le fleuve Mississipi aux États-Unis. Les rescapés étaient enfermés à fond de cale dans des conditions qui rappelaient celles des camps. L’Exodus, arraisonné par les Britanniques, fut contraint de retourner à Sète, mais l’organisation sioniste interdit aux passagers de débarquer, les contraignant à reprendre le chemin des camps en Allemagne. Mais Emmanuel Lévyne, pris d’une crise nerveuse, fut
débarqué avec sa fiancée. Par la suite, il témoigna de cette manipulation de l’organisation sioniste qui visait à apitoyer l’opinion publique internationale afin qu’elle accepte la création de l’Etat juif…
Après un passage au séminaire israélite – il voulait devenir rabbin mais cela n’a pas
marché – Emmanuel Lévyne créa en 1955 la revue Tsedek (qui dura jusqu’en 1986), ce qui marqua sa première rupture avec la communauté juive organisée.
Une autre rupture eut lieu en 1967. Dans un courrier des lecteurs du journal Le
Monde, Il expliqua qu’au départ la plupart des rabbins s’étaient opposés au sionisme
politique car ils estimaient que le sionisme remplaçait la foi en Dieu par la foi en un Etat qui devenait par essence contraire aux valeurs juives. En 1969 il publia à Paris la première édition de son livre Judaïsme contre sionisme qui fut vite épuisée. Il avait autour de lui un petit cercle d’amis intéressés par sa vision de la Kabbale, la mystique juive (des chrétiens, des juifs, certains marxistes révolutionnaires, etc.). Il publia plusieurs ouvrages sur la Kabbale.

Je résumerais la pensée d’Emmanuel Lévyne par le sous-titre de sa revue Tsédek :
« vérité, justice, paix ». J’ai découvert plus tard que ce triptyque figure dans les Pirké Avot, ces paroles des pères qui font partie de la Michna, la loi juive orale. Dans les Pirké Avot, il est écrit que le monde tient grâce à une poignée de justes qui appliquent ces trois principes : vérité, justice, paix. Autrement dit, les sionistes, bien qu’à l’origine athées pour la plupart, ont une interprétation littérale du récit biblique : ils voudraient refaire la conquête sanglante de Canaan1, retrouver la terre promise du Nil à l’Euphrate, en oubliant que le Talmud interdit de mettre fin à l’exil par la violence des armes (« Ni par la puissance, ni par la force mais par mon esprit, dit l’Eternel »).

Autre fait significatif rappelé dans le livre de mon père, c’est que lors du siège de Jérusalem par les Romains en l’an 70, un sage s’était opposé aux zélotes, les jusqu’auboutistes juifs, et s’était rendu aux Romains. Il rencontra le général
romain Vespasien et lui prédit qu’il serait bientôt empereur. En récompense Vespasien lui demanda ce qu’il voulait, alors le sage répondit : je veux juste créer une école pour divulguer la Thora. C’est ainsi qu’a débuté le judaïsme rabbinique, par une trahison envers les nationalistes juifs de l’époque. Bien avant (en 587 avant J.-C.), le prophète Jérémie avait eu la même position lors du siège de Jérusalem par les Assyriens.

Aujourd’hui c’est le silence des prophètes, leur voix est inaudible, couverte par les odieuses vociférations de ces soi-disant religieux au pouvoir en Israël qui appellent au meurtre des Arabes. Nous avons donc besoin de toutes les bonnes volontés pour porter une parole exigeant la justice et l’égalité ici et là-bas, et pour nous rassembler contre la menace fasciste.

Rabbin Gabriel Hagaï, rabbin orthodoxe franco-israélien, maître initiateur dans une tradition mystique non dualiste du judaïsme sépharade, conférencier, linguiste, philosophe, poète ; formé à Jérusalem et à Boston, actuellement enseignant-chercheur et chargé de cours dans différentes écoles, dont l’Institut catholique de Paris.

Dans mon antisionisme, il n’y a nulle volonté de nier le droit à quiconque, juif ou
non juif, Israélien ou Palestinien, de vivre en Terre sainte,
le centre de notre géographie sacrée. Ce que je souhaite, c’est une refonte totale de l’organisation politique en Israël Palestine qui soit basée sur la justice, c’est-à-dire la création d’un nouvel Etat inclusif où tous, citoyens hébréophones et arabophones, vivraient à égalité avec les mêmes droits, bref la disparition du sionisme lui-même, ce cancer du Moyen-Orient.

Depuis la parution du livre d’Emmanuel Lévyne en 1969, on aurait pu espérer que
les choses aient changé. Eh bien non, elles ont empiré parce que dans le judaïsme mondial,e sionisme prend de plus de plus de place
. Je n’appelle pas cela le sionisme, car dans le mot sionisme il y a le mot Sion, qui est un terme spirituel et sacré, et nommer ce mouvement politique « sionisme » c’est une sorte de profanation. C’est d’ailleurs dans l’idéologie de ce mouvement sioniste de « profaner », c’est-à-dire de rendre laïcs et séculiers les concepts religieux juifs ; Sion, Israël, le nom sacré de Jacob, sont utilisés pour désigner un pays nationaliste, militariste. Plutôt que de parler de sionisme, je préfère parler de « kibboutzisme », car c’est un mouvement qui a ses racines dans le kibboutz. Je l’appelle aussi « ismaélisme », c’est-à-dire le fait de penser son identité juive à travers son appartenance ou sa relation à l’Etat d’Israël de façon irrationnelle et émotionnelle plutôt que rationnelle ; ainsi de nos jours, dans toutes les synagogues, à la date commémorative de la création de l’Etat d’Israël, ils mettent un drapeau israélien – mais un drapeau israélien n’a rien à faire dans une synagogue ! Pourtant toutes les institutions juives s’y sont mises, le CRIF commùe le Consistoire juif de France qui se dit ouvertement sioniste, ce qui est une position politique qui n’a pas lieu d’être pour un organisme qui est fait pour réguler la religion israélite en France.

Aujourd’hui cette intrusion du sionisme politique dans toute la sphère religieuse et
identitaire du judaïsme est pire que dans les années 1960
. La voix des juifs religieux antisionistes – qui existent toujours grâce à Dieu – est de moins en moins écoutée et notre importance de moins en moins grande. Pour la majorité des juifs simples, qui n’ont pas étudié la Thora, qui ne vont à la synagogue que de temps en temps, la vérité de la Thora, ses valeurs basées sur la justice, la paix, le respect de l’autre, son humanisme, tout cela passe après les vacances en Israël pour se croire sioniste...

Chez ces gens-là, il y a une tache aveugle, ce sont les Palestiniens.

Quand on leur dit que l’armée israélienne est une armée d’occupation et qu’il y a tout un peuple qui est occupé et opprimé, ils nient et se mettent en colère. Pourtant, quand on fait son service militaire en Israël, on sait très bien qu’on est dans une armée d’occupation, quand on sert dans les territoires palestiniens occupés on se comporte comme l’armée allemande quand elle a occupé la France – sauf qu’en France cela a duré quatre ans alors qu’en Palestine ça dure depuis 70 ans…

Heureusement, en Terre sainte, il y a beaucoup de gens des deux côtés
qui militent pour la paix et les droits des Palestiniens et ça c’est une bouffée d’oxygène.
En Israël, les Israéliens sont en contact avec la réalité et quand on a un peu d’humanité on peut difficilement se dire en tant que juif qu’on va soutenir une armée d’occupation, opprimer toute une population. Du point de vue thoraïque, c’est encore plus intolérable parce que la base de la Thora, c’est la parole divine : « Tu poursuivras la justice ». La justice est le pilier central du judaïsme, s’il n’y a pas de justice il n’y a pas de société, on ne peut pas bâtir une société sur une injustice envers même une seule personne, fût-elle juive ou non. Actuellement, il y a un mouvement qui prend beaucoup d’ampleur : le sionisme religieux. C’est un mélange dangereux entre l’idéologie sioniste – nationalisme, racisme, suprémacisme – et la perversion de la Thora. C’est un peu comme les branches littéralistes extrémistes dans toutes les religions. Les sionistes religieux procèdent par le lavage de cerveau, surtout chez les jeunes élevés dans la haine de l’autre, la déshumanisation du
Palestinien, de l’Arabe, du musulman en général, et ça produit de petits assassins en
puissance.
C’est notre Daech à nous ; ils me font peur. Plusieurs fois à Jérusalem je me suis fritté avec eux, ce sont des gens très dangereux. Le problème, c’est l’ignorance qui permet de manipuler les masses. La parade c’est l’éduction. On rêve toujours que ces gens-là s’éveillent. Heureusement notre étincelle d’humanité, qui est d’essence divine, finit toujours par se réveiller un jour ou l’autre, on le voit de par le monde. Vers la quarantaine ou la cinquantaine, après avoir été endoctrinés pendant dix ou vingt ans dans ce genre de mouvement, souvent les gens se réveillent, ils font une sorte d’introspection et se rendent compte qu’ils ont été manipulés ; cela se produit dans tous les mouvements : fascisme, nazisme, communisme… On espère que cette étincelle divine agisse chez ces sionistes religieux pour qu’ils se calment et qu’en Terre sainte les gens puissent vivre dans une société apaisée et juste.

Je dis souvent qu’il suffirait de cinq minutes de courage pour que tout change, un peu à l’image de ce qui s’est passé en Afrique du Sud avec De Klerk et Mandela :
ils ont dit on arrête l’apartheid, on donne les droits complets aux Noirs, et l’affaire a été vite réglée,
ils ont pu fonder une nouvelle société. Je crois que c’est tout à fait possible en Terre sainte, il faut juste avoir un Mandela, des hommes politiques courageux qui décident d’en finir avec le sionisme, cette pseudo identité nationaliste, pour fonder une société égalitaire, où les croyants de toutes les religions et les non croyants vivront ensemble pacifiquement.

Géographiquement la Terre sainte est magnifiquement située au confluent de tous
les continents (Asie, Afrique, Europe), ses habitants sont intelligents et éduqués ; sur ce terreau-là pourrait naître une société florissante. Comme le disait mon ami le cheikh Abu Nawa, membre d’une des grandes familles palestiniennes de Jérusalem depuis des siècles : « Les clés de la paix mondiale sont à Jérusalem ».

Quand on arrivera à créer cette nouvelle société, je crois que cela fera tache d’huile dans le monde entier, car si les gens de Terre sainte réussissent à s’entendre, personne ne pourra dire qu’il n’est pas possible de faire la paix ailleurs.

Pour en savoir plus, lire l’ouvrage
collection JUDAÏSMES : Judaïsme contre sionisme, d’Emmanuel Lévyne
Aux éditions de l’échelle du temple
Prix : 12€
ISBN : 978-2-492335-03-7
Préface du rabbin Gabriel Hagaï
Introduction de Daniel Lévyne

Emmanuel Lévyne est né à Paris en 1928 de parents français originaire de Russie et de Pologne. Il fit des études rabbiniques sans être vraiment reconnu par ses pairs. Il devint kabbaliste, enseignant produisant de nombreux ouvrages et publiant la revue Tsédek. L’œuvre qui est ici rééditée Judaïsme contre sionisme est le cri de celui qui voit dans le sionisme politique une dégradation insupportable de la pensée juive . Il puise sa critique humaniste dans la Torah, le Talmud et le Zohar .

Pour commander sur le site de vente en ligne de l’éditeur