Le conflit qui rend fou - Article de Mona Chollet Journaliste

vendredi 3 novembre 2023

Le conflit qui rend fou

Dans une chronique que publie Mediapart, la journaliste et essayiste explique pourquoi elle a eu, ces derniers jours, « plusieurs fois l’impression de perdre la tête », face à « la catastrophe en Israël-Palestine ».

Mona Chollet - 29 octobre 2023 à 19h00
JPEG - 92 ko
Ce cheval, à l’entrée du Camp de Réfugiés, a été réalisé par l’artiste allemand Thomas Kilpper à partir de ferrailles après la bataille de Jenin en 2002...!!!

JPEG - 54.1 ko
"Même ce cheval, symbole de résistance , dans le camp de Jenine, les forces israeliennes l’on volé.
Ce camp restera toujours symbole de résistance et de dignité
."

Colère, accablement face à l’accumulation des souffrances insoutenables qui défilent sur nos écrans, sentiment d’injustice torturant, panique devant le déferlement de la propagande de guerre, angoisse mortelle devant ce cataclysme et ses probables répercussions : ces deux dernières semaines, rivée aux informations en provenance d’Israël-Palestine, j’ai eu plusieurs fois l’impression – comme beaucoup, je crois – de perdre la tête.

Il y a d’abord ce télescopage permanent entre deux grilles de lecture contradictoires, qu’on pourrait appeler la grille « héroïque  » et la grille « coloniale  ».

En Europe et aux États-Unis, l’État israélien reste perçu au seul prisme de la Shoah, comme le refuge des victimes de l’antisémitisme européen, de sorte qu’un halo d’innocence inamovible, systématique, irréel, entoure toutes les actions de son appareil gouvernemental et de son armée. Quoi qu’il puisse faire, cet État est le héros ou la victime, il incarne la vertu, et toute critique à son encontre ne peut se comprendre que comme une manifestation d’antisémitisme.

En revanche, le monde arabe – qui n’est pour rien, lui, dans le génocide des juifs d’Europe – et le Sud en général voient Israël tel qu’il est aussi. C’est-à-dire, plus prosaïquement : un État surarmé, soutenu inconditionnellement par la première puissance mondiale, fondé sur le colonialisme, sur le massacre ou l’expulsion, en 1948, d’une grande partie des Palestiniens ; un État qui occupe illégalement la Cisjordanie et Gaza en ignorant les résolutions de l’ONU et qui y mène une politique d’apartheid (« développement séparé ») en multipliant les exactions et les confiscations de nouvelles terres, de nouvelles maisons.

Si terrible qu’elle ait été, l’attaque du Hamas n’a rien changé à ce rapport de forces radicalement déséquilibré entre occupant et occupé (lire notre entretien avec Michel Warschawski).

La mémoire du colonialisme – et non la solidarité religieuse – est déterminante dans le soutien des pays arabes aux Palestiniens (c’est le cas en Algérie, en particulier).

Ce soutien s’explique aussi parfois par une expérience directe, concrète, des conflits du Proche-Orient. Il y a quelques années, une de mes amies, une artiste libanaise qui vit en France et qui a gardé un stress post-traumatique des années de guerre, avait été invitée à participer à un festival en Israël. Elle m’avait demandé pensivement : « Est-ce que tu crois que je peux leur dire que je leur en veux quand même un peu d’avoir bombardé ma maison ?  »

Pour lire la suite de l’article : https://www.mediapart.fr/journal/in...

Source  : MEDIAPART