Qui a tué Aaron Bushnell, l’homme qui s’est immolé pour Gaza ?

mardi 5 mars 2024

Billet de blog 29 février 2024, Mediapart
Mathias Delori, Chercheur CNRS en science politique

Un homme s’est immolé par le feu, ce dimanche 25 février, devant l’ambassade d’Israël aux Etats-Unis, pour protester contre la complicité de son pays dans les crimes commis par Israël à Gaza. Ce billet replace ce geste dans l’histoire des « sacrifices politiques de soi » et commente le silence, assourdissant, des médias français sur le sujet.

Ce dimanche 25 février, le jeune Aaron Bushnell, 25 ans, s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington DC. Dans une vidéo extraordinaire censurée puis repostée, on le voit s’approcher de l’entrée de l’ambassade et expliquer ceci : « Je m’appelle Aaron Bushnell, je suis un membre en service actif de l’Armée de l’air des États-Unis et je ne serai plus complice d’un génocide […] Je suis sur le point de m’engager dans un acte de protestation extrême, mais comparé à ce que les gens ont vécu en Palestine aux mains de leurs colonisateurs, ce n’est pas extrême du tout ». La suite de la vidéo le montre en train de s’asperger d’essence, de mettre le feu à ses habits et de crier, malgré la souffrance : « Free Palestine ».

La veille, il avait posté ce message sur Facebook : « Beaucoup d’entre nous aiment se demander : ‘Que ferais-je si j’étais en vie durant l’esclavage ? Ou sous les lois Jim Crow [nom des lois de ségrégation raciale dans le sud des Etats-Unis] ? Ou sous l’apartheid ? Que ferais-je si mon pays commettait un génocide ?’ La réponse est : ce que vous êtes en train de faire là. Tout de suite ».

Aaron Bushnell n’est pas le premier citoyen états-unien à s’immoler par le feu pour protester contre la complicité de son pays dans le génocide qu’Israël perpètre, selon lui, à Gaza. Le 1er décembre 2023, une femme en avait fait autant lors d’une manifestation à Atlanta. Ces gestes rappellent ceux de Jan Palach au moment de l’occupation de la Tchécoslovaquie par le Pacte de Varsovie, du moine boudhiste Thich Quang Duc pendant la guerre du Vietnam et de toutes celles et ceux qui ont fait don de leur vie non pas pour soutenir une guerre – comme le prévoit l’idéologie du sacrifice patriotique – mais pour protester contre celle-ci.

La vidéo évoquée plus haut est d’autant plus fascinante qu’il s’est donné la mort dans son uniforme de l’US Air Force. L’uniforme est un symbole politique très fort, surtout aux Etats-Unis. Aaron Bushnell avait certainement une conception du patriotisme proche de celle de J. William Fullbright : « Critiquer son pays, c’est lui rendre service et lui faire un compliment. C’est un service parce que cela peut inciter le pays à faire mieux que ce qu’il fait ; c’est un compliment parce que cela prouve que l’on croit que le pays peut faire mieux que ce qu’il fait ».

Pour lire la suite : https://blogs.mediapart.fr/mathiasdelori/blog/290224/qui-tue-aaron-bushnell-l-homme-qui-s-est-immole-pour-gaza?utm_source=quotidienne-20240229-182916&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83-[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20240229-182916%20&M_BT=681716689579