Rendre la bande de Gaza invivable pour les générations à venir

vendredi 2 février 2024

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Sur une plage typique du centre de Gaza, à un kilomètre au nord du camp de réfugiés d’Al-Shati, aujourd’hui rasé, de longs tuyaux noirs serpentent à travers des collines de sable blanc avant de disparaître sous terre. Une image diffusée par les Forces de défense israéliennes (FDI) montre des dizaines de soldats posant des canalisations et ce qui semble être des stations de pompage mobiles qui doivent prélever de l’eau dans la mer Méditerranée et l’acheminer dans des tunnels souterrains. Selon divers rapports, le plan consiste à inonder le vaste réseau de puits et de tunnels souterrains que le Hamas aurait construit et utilisé pour mener à bien ses opérations.

« Je ne donnerai pas de détails, mais il s’agit d’explosifs servant à détruire et d’autres moyens visant à empêcher les militants du Hamas d’utiliser les tunnels pour attaquer nos soldats », a déclaré le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi. « Tout moyen qui nous donne un avantage sur l’ennemi qui [utilise les tunnels], qui le prive de cet atout, est un moyen que nous étudions pour son usage. Et voir si c’est une bonne idée… »

Alors qu’Israël teste déjà sa stratégie d’inondation, ce n’est pas la première fois que les tunnels du Hamas sont soumis au sabotage par l’eau de mer. En 2013, l’Egypte voisine a commencé à inonder les tunnels contrôlés par le Hamas qui auraient été utilisés pour la contrebande de marchandises entre la péninsule du Sinaï et la bande de Gaza. Pendant plus de deux ans, l’eau de la Méditerranée a été déversée dans le réseau de tunnels, causant des dégâts à l’environnement dans la bande de Gaza. Les nappes phréatiques ont rapidement été polluées par la salinité et, par conséquent, la terre est devenue saturée et instable, provoquant des affaissements du sol et la mort de nombreuses personnes. Des champs agricoles autrefois fertiles ont été transformés en mares de boue salée, et l’eau potable, déjà rare à Gaza, s’est encore dégradée.

La stratégie actuelle d’Israël visant à noyer les tunnels du Hamas causera sans aucun doute des dommages similaires et irréparables. « Il est important d’avoir à l’esprit », prévient Juliane Schillinger, chercheuse à l’université de Twente (située à Enschede), aux Pays-Bas, « qu’il ne s’agit pas seulement d’eau à forte teneur en sel : l’eau de mer le long de la côte méditerranéenne est également polluée par les eaux usées non traitées, qui sont continuellement déversées dans la Méditerranée par le système d’égouts défectueux de Gaza. »

Bien entendu, cela semble faire partie d’un objectif israélien plus ample : non seulement démanteler les capacités militaires du Hamas, mais aussi dégrader et détruire encore plus les aquifères menacés de Gaza (déjà pollués par les eaux usées qui s’échappent des canalisations vétustes). Les responsables israéliens ont ouvertement admis que leur objectif est de faire en sorte que Gaza soit un endroit invivable, une fois qu’ils auront mis fin à leur campagne militaire impitoyable.

« Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a déclaré le ministre de la Défense Yoav Gallant peu après l’attaque du Hamas du 7 octobre. « Nous allons tout éliminer et ils le regretteront. » Et Israël tient aujourd’hui sa promesse.

Comme si ses bombardements aveugles (A Times Investigation Tracked Israel’s Use of One of Its Most Destructive Bombs in South Gaza, New York Times, 21 décembre 2023), qui ont déjà endommagé ou détruit jusqu’à 70% des habitations de Gaza (Jerusalem Post, 30 décembre), ne suffisaient pas, le déversement d’eau polluée dans ces tunnels fera en sorte que certains bâtiments d’habitation restants souffriront également de problèmes structurels. Et si le sol est meuble et peu sûr, les Palestiniens auront du mal à reconstruire.

L’inondation des tunnels par des eaux souterraines polluées « provoquera une accumulation de sel et l’effondrement du sol, ce qui entraînera la démolition de milliers de maisons palestiniennes dans la bande de terre densément peuplée », explique Abdel-Rahman al-Tamimi, directeur du Palestinian Hydrologists Group, la plus grande ONG qui surveille la pollution dans les territoires palestiniens. Sa conclusion est on ne peut plus saisissante : « La bande de Gaza deviendra une zone dépeuplée et il faudra environ 100 ans pour se débarrasser des effets environnementaux de cette guerre. »

En d’autres termes, comme le souligne Abdel-Rahman al-Tamimi, Israël est en train de « détruire l’environnement ». Et à bien des égards, tout a commencé par la destruction des verdoyantes oliveraies de Palestine.

La fin des olives

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Source  : A L’ENCONTRE (Joshua Frank, journaliste californien reconnu et co-rédacteur du site CounterPunch)