Vers un embrasement du Moyen-Orient ? par Denis Bauchard

mercredi 1er novembre 2023

Vers un embrasement du Moyen-Orient ? par Denis Bauchard

L’attaque massive du Hamas contre Israël marque le réveil, aussi tragique que brutal, de la question palestinienne. Elle ouvre une période de grande incertitude pour le Moyen-Orient, où le scénario d’une impasse militaire et politique n’est pas le moins probable.

L’opération « Déluge d’Al-Aqsa  » lancée par le Hamas a brutalement focalisé l’attention sur un Moyen-Orient en chaos (1). Elle constitue pour la population israélienne un choc sans précédent. En effet, pour la première fois depuis son indépendance, Israël connaît la guerre sur son sol avec des commandos du Hamas qui ont franchi sans difficulté son dispositif de défense, tuant indistinctement civils et militaires, et qui ont pris de nombreux otages dans un pays qui se croyait en paix. Un premier bilan fait état, du côté israélien, de 1 400 tués et de plus de 3 700 blessés, essentiellement des civils. Ces actions terroristes, d’une ampleur inédite et susceptibles d’être qualifiées de crimes de guerre, ont contribué à créer dans la population le sentiment qu’Israël, malgré la force de son armée, reste vulnérable.

Un choc sans précédent

Depuis la fin de la seconde Intifada en 2005, Israël a connu des tensions, notamment autour de l’esplanade des Mosquées, des attentats sporadiques relevant souvent d’initiatives spontanées, des tirs périodiques de roquettes venant de Gaza et, de façon inédite, des incidents impliquant des Arabes israéliens. Mais un climat de normalité prévalait.

Cette attaque massive, qui se poursuit par des tirs de roquettes, marque un réveil tragique de la question palestinienne, trente ans après les accords d’Oslo et l’enterrement de la solution à deux États par Israël. Par cette action brutale, le Hamas prend le leadership aux yeux des Palestiniens et des opinions publiques arabes au détriment de l’Autorité palestinienne, déjà largement discréditée.

Et pourtant, la bande de Gaza, avec ses 2, 3 millions d’habitants, «  prison à ciel ouvert » contrôlée depuis 2007 par le Hamas, émanation palestinienne des Frères musulmans, était une bombe à retardement évidente. À cet égard, la politique israélienne s’est montrée quelque peu ambiguë, voire complaisante (2). La validation des financements apportés par le Qatar au gouvernement du Hamas témoigne de cette politique visant à affaiblir l’Autorité palestinienne. Ainsi, le Hamas gouverne le territoire et dispose d’une branche militaire, la brigade Ezzedine al-Qassam forte de plus de 20 000 combattants, dotée de roquettes, de drones, voire de missiles. Certes, des tirs venaient régulièrement de la bande de Gaza où, selon l’expression utilisée par Tsahal, il s’agissait de «  tondre le gazon » par des interventions régulières avec des pertes militaires et civiles importantes, comme en 2008-2009, 2014 et 2021. Ces opérations étaient suivies de trêves, après des médiations égyptiennes et même des contacts directs.

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Une empathie sélective à l’égard d’Israël

L’émotion suscitée par cette attaque sans précédent et les massacres progressivement découverts ont conduit à l’expression d’une forte empathie envers Israël, aussi bien aux États-Unis que dans l’ensemble des pays occidentaux, d’autant plus que des nationaux figurent parmi les victimes. Dès le matin du samedi 7 octobre 2023, le président Biden apporte un soutien sans faille à Israël, mettant fin à une période de prise de distance de l’administration démocrate avec le gouvernement « sulfureux  » dirigé par Benjamin Netanyahou. En Europe, les manifestations de sympathie, notamment en France, ont été également importantes.
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Source : ESPRIT

1. Voir Denis Bauchard, Le Moyen-Orient au défi du chaos. Un demi-siècle d’échecs et d’espoirs, Paris, Maisonneuve & Larose/Hémisphères, 2021.
2. Elle était pourtant dénoncée dès 2006 par quelques observateurs lucides : voir Charles Enderlin, « Quand Israël favorisait le Hamas », Le Monde, 3 février 2006.