La question de la violence

mercredi 2 novembre 2022

L’utilisation de la violence est une tragédie, dans tous les cas. Mais c’est encore plus tragique de ne l’autoriser qu’à l’oppresseur tout en l’interdisant à l’opprimé.

JPEG - 87.8 ko Un proche endeuillé tenant une arme aux funérailles de Salah Al-Buraiki, âgé de 19 ans, qui a été tué dans les affrontements avec les forces israéliennes le 21 octobre 2022 dans la ville de Jénine en Cisjordanie. L’arme porte un autocollant avec le logo de la Brigade des Martyrs d’Al-Aqsa. (Photo : Ahmed Ibrahim/APA Images)

En 1993, l’échange de lettres entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le Président de l’Organisation de Libération de la Palestine Yasser Arafat a officiellement ouvert la période Oslo de négociations sans fin, l’extension des colonies israéliennes et une intensification de l’occupation qui finiraient par détruire toute possibilité de la solution à deux États qu’envisageaient ceux qui soutenaient Rabin et Arafat.

Dans sa lettre à Rabin, Arafat a explicitement renoncé à la résistance violente à l’occupation israélienne :

« Par conséquent, l’OLP renonce à l’utilisation du terrorisme et autres actes de violence et assumera sa responsabilité sur tous les éléments de l’OLP et tout le personnel de l’OLP afin d’assurer leur conformité, prévenir les violations et punir les transgresseurs. »

Ces mots ont fait naître l’espoir que les Palestiniens n’emploieraient que des moyens non violents pour résister à l’occupation, la dépossession et l’apartheid israéliens. Cette idée de restreindre la violence ne s’adresse qu’aux Palestiniens. Israël, étant un État et par conséquent perçu comme ayant le monopole d’un État sur la violence, est jugé selon une norme différente.

Bien qu’en Occident, la terminologie utilisée pour défendre la violence israélienne s’exprime presque toujours en termes d’autodéfense, l’idée que les Palestiniens pourraient eux aussi se défendre est rarement considérée dans des termes similaires. Les Palestiniens sont condamnés chaque fois qu’ils utilisent des moyens violents, même quand ils jettent des pierres sur des soldats israéliens dans des blindés. Israël, qui utilise une violence bien plus grande et qui, étant données ses capacités techniques bien plus importantes, a beaucoup moins d’excuses pour le nombre immensément plus élevé de victimes civiles et non combattantes qu’il cause, est, au mieux, critiqué pour un usage « excessif » de la force.

La prétention d’Israël à l’autodéfense quand il utilise une violence massive policière et militaire est efficacement démentie dans un article de 2012 de la Professeure Noura Erakat, actuellement à l’Université Rutgers. Erakat a argumenté de façon convaincante qu’ « Un État ne peut simultanément exercer son contrôle sur un territoire qu’il occupe et militairement attaquer ce territoire sous prétexte qu’il est ‘étranger’ et représente une menace exogène pour la sécurité nationale. En agissant précisément ainsi, Israël fait valoir des droits qui peuvent être compatibles avec une domination coloniale, mais qui n’existent simplement pas selon le droit international. »

Une décennie après qu’Erakat ait écrit ces mots, Israël utilise couramment la force armée dans des raids quotidiens sur les villes et villages palestiniens ; ses soldats travaillent en tandem avec les colons pour attaquer les Palestiniens et dévaster leurs vies et leurs biens ; et il poursuit le verrouillage permanent de quantité de zones de Cisjordanie ainsi que son siège de Gaza dans des actions qui sont une menace pour la vie, l’intégrité physique, et une dévastation économique d’une telle ampleur qu’on ne peut les considérer autrement que comme de la violence extrême.

Rien de nouveau là-dedans ; ce sont les caractéristiques de l’oppression des Palestiniens par Israël et de la résistance palestinienne à cette oppression visible depuis des décennies. Mais la réponse palestinienne entre maintenant dans une nouvelle phase.

Un nouveau groupe armé palestinien, Areen al-Usud (la Fosse aux Lions) a émergé en Palestine. Affiliée à aucun parti politique, Areen al-Usud a attaqué les forces d’occupation israéliennes en Cisjordanie. D’autres nouveaux groupes armés, comme la Brigade de Jénine, ont aussi mené des attaques contre les forces israéliennes. Ces attaques ont soulevé des applaudissements et un soutien populaires.

Alors qu’on ne sait pas encore très bien ce que cela signifie pour les semaines et les mois à venir, l’émergence de ces groupes et le soutien public qui leur est démontré en Cisjordanie rend plus que vraisemblable que la question de l’utilisation de la violence par les Palestiniens va une fois de plus prendre une place plus importante dans le discours autour de la Palestine aux Etats Unis et en Europe.

Les termes de cette discussion s’accumulent contre les Palestiniens avant même que le débat ne commence. On en a vu un exemple clair rien que la semaine dernière, quand le porte-parole du Département d’État Vedant Patel a condamné la violence entre Israéliens et Palestiniens, disant que « les morts des soldats et des enfants sont tout autant inacceptables ».

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