Les conséquences de l’agression israélienne de mai 2021 sur la question de l’eau et de l’assainissement

lundi 31 janvier 2022

Article paru dans PalSol, publication de l’AFPS (octobre 2021)

https://www.france-palestine.org/-Publications-de-l-AFPS-

La bande de Gaza souffre depuis longtemps d’une crise aiguë marquée par un manque chronique de ressources en eau potable et des difficultés très importantes dans le domaine de l’assainissement.

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Les eaux souterraines sont la principale source d’eau douce. La nappe phréatique s’épuise et sa qualité diminue en raison de l’intrusion d’eau de mer et de l’infiltration des eaux usées. Cette ressource n’est pas suffisante pour répondre aux besoins de plus de deux millions de Palestiniens.

De plus, 97 % du stockage de l’aquifère côtier est impropre à la consommation humaine, selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La production de l’aquifère est estimée à environ 55 à 60 millions de m3 par an.

Cependant, la demande totale en eau à Gaza s’élève à 180 millions de m³ (dont une moitié pour l’eau domestique). La demande en eau potable augmentera avec la croissance démographique de 3,2 % par an et il est prévu que la demande d’eau domestique atteigne 140 millions de mètres cubes en 2035. L’insuffisance de la quantité d’eau disponible et sa mauvaise qualité sont à l’origine de plus d’un quart de toutes les maladies signalées à Gaza.

La situation de l’assainissement est particulièrement difficile aussi, en raison du manque d’infrastructures, des multiples destructions consécutives aux agressions israéliennes et des restrictions imposées par le blocus injuste pour l’acquisition des matériels et matériaux nécessaires à la reconstruction des infrastructures.

Le droit à l’eau dans le droit international des droits de l’homme

Alors que le droit international humanitaire garantit le droit à l’eau des peuples sous occupation et impose à l’entité occupante la responsabilité juridique de la mise en œuvre de ces droits – liés au droit à la vie et à la dignité humaine – qui requiert les critères suivants  :

Disponibilité   : l’approvisionnement en eau pour chaque personne doit être suffisant et continu pour un usage personnel et domestique. La quantité d’eau disponible pour chaque personne doit être conforme aux normes de l’OMS. Certains individus et groupes peuvent avoir besoin de quantités supplémentaires d’eau en raison des conditions sanitaires et climatiques.

Qualité   : l’eau nécessaire pour les usages personnels et domestiques doit être sûre et non contaminée.

Accessibilité   : l’eau, ses installations et ses services doivent être accessibles à tous sans discrimination, y compris aux groupes les plus vulnérables ou marginalisés de la population. L’accès à l’eau doit être abordable et sans danger.

La puissance occupante est responsable du bien-être de la population, conformément au droit international humanitaire, comme indiqué dans la quatrième Convention de Genève de 1949 ; elle doit fournir de l’eau potable, des services d’assainissement et d’hygiène personnelle.

Dans le même contexte, le Règlement de La Haye interdit le ciblage de ces biens en vue de leur destruction ou de leur confiscation.

L’eau et l’assainissement durant l’agression contre la bande de Gaza

La situation de l’eau dans la bande de Gaza est considérée comme critique pour plusieurs raisons liées aux agressions israéliennes répétées et aux dommages qu’elles causent au secteur, ainsi qu’à la situation politique et économique, à la rareté des sources de financement et à l’incapacité de couvrir les frais d’exploitation et d’entretien, coûts dus à la détérioration de la situation économique de la bande de Gaza.

La récente agression israélienne contre la bande de Gaza, qui a duré 11 jours (10 au 20 mai 2021) ne s’est pas limitée à de lourdes pertes humaines mais a aussi atteint les infrastructures, cela a aggravé les difficultés d’approvisionnement en eau et endommagé des services d’assainissement. On a constaté un manque aigu d’eau de -30 %, surtout dans les endroits ciblés ; à noter que les pertes directes et indirectes dans le secteur eau et assainissement s’élèvent à environ 16 millions de dollars. Des stations de pompage et de traitement des eaux usées, des réseaux de drainage des eaux pluviales ont été endommagées. Près de 20 km de réseaux d’égouts ont été détruits à des degrés divers, 12 stations de pompage des eaux usées et 4 stations d’épuration ont été démolies, près de 700 000 m3 d’eaux usées ont été rejetés dans la mer, ce qui pose de graves problèmes sanitaires.

Des dommages ont affecté les puits, les conduites d’alimentation, les usines de dessalement, les systèmes publics d’approvisionnement en eau, les réservoirs de collecte et de distribution (80 km de réseaux, 3 usines de dessalement, 35 puits et 5 réservoirs).

L’efficacité des réseaux de distribution d’eau au cours de l’année 2020 a atteint environ 61 % de sa capacité, et le pourcentage a baissé à 50 % après la récente agression sur le secteur. Il est difficile à l’heure actuelle de localiser l’emplacement des fuites qui nécessite un équipement spécifique, et est considéré comme un dommage invisible.

La quantité d’approvisionnement en eau a diminué de manière significative (60 %) pendant l’agression en raison de la perturbation des réseaux électriques et de la grave pénurie de livraison d’électricité.

Durant la dernière agression, 326 sites concernant l’eau et l’assainissement ont été endommagés. Ils étaient répartis dans tous les gouvernorats et dans 22 des 25 municipalités.

Situation énergétique

La bande de Gaza souffre toujours d’un déficit électrique chronique et persistant. L’approvisionnement en électricité actuel (180 MW) est d’environ un tiers de ses besoins (500 MW). Le réseau électrique a été endommagé dans plusieurs zones  : selon les statistiques de la Compagnie de Distribution d’Électricité (EOC), plus de la moitié de l’énergie disponible a été affectée. Une réduction des heures de fourniture d’électricité pendant la guerre (2 à 4 heures quotidiennes de branchement) a privé d’électricité de vastes zones, en particulier les quartiers pauvres, a retardé les travaux d’intervention urgente pour la maintenance et la réhabilitation et a affecté les secteurs vitaux à Gaza, y compris le secteur de la santé. Ainsi, le système municipal d’approvisionnement en eau de Gaza ne fonctionnait que pendant environ 15 % de la journée, provoquant un pic dans la crise de longue durée de l’eau et de l’assainissement.

Situation sanitaire

Les habitants de l’enclave palestinienne se retrouvent encore face à un nouveau défi à cause de la pandémie du Covid-19. Durant l’agression israélienne, 70 000 Palestiniens ont été obligés de quitter leur maison et se sont réfugiés dans 50 écoles de l’UNRWA. L’accès insuffisant à l’eau potable a mis la population, en particulier les réfugiés, en difficulté pour la mise en œuvre des mesures sanitaires de base telles que l’hygiène des mains nécessaires pour lutter contre la propagation rapide du Covid-19.

Conclusion

La situation de l’eau dans la bande de Gaza est considérée comme particulièrement critique pour plusieurs raisons liées aux agressions israéliennes répétées et aux dommages qu’elles causent au secteur de l’eau et de l’assainissement, ainsi qu’à la situation politique, à la rareté des sources de financement et à l’incapacité de couvrir les frais d’exploitation et d’entretien.

Tout cela s’inscrit dans le cadre de la politique de punition collective menée par les autorités d’occupation contre les habitants de la bande de Gaza  : violations graves du droit des Palestiniens à fournir des services d’eau potable, à faciliter l’accès à un assainissement adéquat. Les autorités d’occupation ont commis des crimes de guerre, (selon l’article 8 de la convention de Rome instituant la CPI), en détruisant les infrastructures et systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ce qui a causé une aggravation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza assiégée et qui aura des répercussions à long terme sur tous les aspects de la santé et de la vie économique et sociale.