La carte de l’apartheid selon le plan Trump

samedi 27 juin 2020

Stop the Wall vient de publier la carte la plus détaillée à ce jour du plan Trump, assortie d’un commentaire précis. Un travail qui montre l’impact réel qu’aura l’annexion.

Cette carte, c’est celle des violations ininterrompues des droits humains par Israël : le Mur, les colonies, les démolitions de maisons, la confiscation des terres, les humiliations quotidiennes aux check-points, le refus d’accès à l’eau ... Autant de mesures imposées pour préparer le terrain à un projet d’ensemble dévoilé par le plan Trump.

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Consultez la carte en anglais (la version française est en préparation)

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Commentaire
La carte est entièrement construite à partir du document joint au projet publié par Donald Trump baptisé « le deal du siècle ». Le manque de précisions du projet initial ne permet pas d’envisager l’impact qu’aura ce plan dans son ensemble. Il fait l’impasse sur des éléments cruciaux et le gigantisme du pont-tunnel est le symbole de ce que ce plan veut cacher. Ce travail requiert donc une interprétation fine fondée sur des déplacements sur place et sur la réalité du terrain.

Le projet Bantoustan :
• La carte montre que le projet d’Israël, entièrement repris par l’administration Trump, nie la réalité d’un État palestinien : ce projet établit la création d’enclaves isolées les unes des autres, ghettos ou bantoustans, une structure inventée par le régime d’apartheid sud-africain pour reléguer la population noire dans des zones sinistrées et séparées.
• Il viole les principes fondamentaux du droit international, comme l’interdiction de l’annexion d’un territoire par la force et le droit à l’auto-détermination, et renforce le régime illégal d’apartheid installé par Israël.
• La fragmentation des Palestiniens visible sur la carte répond au principe du diviser pour mieux régner : la Bande de Gaza restera isolée, l’annexion de la zone E1 (est de Jérusalem) séparera la Cisjordanie en deux. Cela renforcera l’annexion et renversera l’équilibre démographique de Jérusalem en faveur des colons.
• La plupart des régions annexées ont une importance stratégique et géopolitique qui garantit à Israël sa souveraineté de facto sur toute la Palestine mandataire et ses ressources.

L’annexion de facto/de jure :
• Après l’annexion de jure du plateau du Golan en Syrie et de Jérusalem au début des années 80, Israël s’est abstenu de toute nouvelle annexion de jure mais les mesures d’une annexion de facto ont continué.
• L’ensemble du projet de colonisation aussi bien que les mesures qui régulent la vie quotidienne dans les territoires palestiniens occupés ou la souveraineté territoriale d’Israël, relèvent de l’annexion. Dans son verdict sur l’illégalité du Mur, la Cour Internationale de Justice « considère que la construction du mur et le régime auquel elle est associée crée un “fait accompli“ sur le terrain qui pourrait devenir permanent et que malgré la caractérisation du mur par Israël, il pourrait équivaloir à une annexion de facto. »
• L’adoption d’une loi sur l’annexion ne ferait que décupler la responsabilité internationale.

Les routes et le Mur de l’apartheid :
• Le Mur d’apartheid israélien fait fondamentalement partie du projet global.
• Le Mur a toujours été une mesure d’annexion de facto. Là où les frontières proposées par le plan d’annexion se superposent à son tracé, le mur entérine déjà la réalité de l’annexion. Là où les plans pour l’annexion vont plus loin en Cisjordanie (notamment dans les villages du nord-ouest de Jérusalem, dans la zone E1 à l’est de Jérusalem et dans le district ouest de Ramallah), le mur est un outil fondamental pour encercler une population palestinienne toujours plus importante dans des no man’s lands isolés afin d’empêcher définitivement leur intégration dans l’État d’Israël qui les annexe.
• La population finira par être expulsée de ces zones.
• Le système de transport inclus dans le projet, élaboré autour de tunnels et de ponts pour maintenir les Palestiniens à part, développe un peu plus le système actuel des routes d’apartheid. Les Palestiniens qui vont de Ramallah à Naplouse doivent passer par Salfit (par un souterrain), apparemment pour éviter qu’ils ne traversent le bloc de colonies de Shilo annexé. La même logique s’applique aux connexions entre Naplouse et Kalkilya/Tulkarem, ou entre Hébron et les destinations du centre de la Cisjordanie.
• L’annexion des parties ouest de la Route 446 (Modiin-Ariel) et sud de la Route 45 (Modiin-Jérusalem), et ce en dépit du fait que ce sont des régions très peuplées, illustre la détermination d’Israël à mettre la main sur des zones stratégiques et des axes de circulation, sans se préoccuper des Palestiniens qui y vivent.

Déplacement / la Nakba continue :
• Le futur statut des Palestiniens vivant dans ces zones reste flou mais le gouvernement israélien insiste sur le fait qu’ils n’auront jamais la nationalité israélienne, ni de permis de résidence permanente du type de celui accordé aux Palestiniens de Jérusalem-Est, mais qu’ils resteront sous contrôle sécuritaire israélien. L’apartheid israélien continuera de traiter les Palestiniens comme des non-citoyens tout en considérant les colons israéliens illégaux comme des citoyens d’une zone sur laquelle il étendra un contrôle légal.
• Près de 75 villages palestiniens et des communautés bédouines ou semi-nomades, soit près de 118 000 habitants, vivent sur les terres qui doivent être annexées selon le plan Trump. Ces populations endurent déjà des mesures annexionnistes, qui prépare la situation de jure. Cela signifie notamment l’interdiction de construire et la non-reconnaissance de communautés entières, ce qui s’est déjà concrétisé par la destruction de près de 4 906 structures depuis 10 ans (et le déplacement de 6 921 personnes) en zone C et 1 226 démolitions (et le déplacement de 2 003 personnes) à Jérusalem ; par des mesures d’isolement et un système de permis de résidence ; par l’empêchement d’accéder aux ressources naturelles.

Destruction sociale, économique et culturelle :
L’entrave au développement social, économique et culturel est un autre élément du crime international d’apartheid, qui renforce les politiques annexionnistes.
• L’accès à l’eau empêché : les ressources hydriques les plus importantes sont situées dans des zones qui seront annexées si l’on se réfère au plan Trump : 60% des ressources en eau de la Cisjordanie et 90% des sources sont situées dans la vallée du Jourdain. Aujourd’hui, les Palestiniens doivent acheter, au prix fort, 80% de l’eau qu’ils consomment à la compagnie nationale israélienne, Mekorot. L’annexion de jure entérinerait cette dépendance.
• L’annexion de la Mer Morte permettrait à Israël d’exploiter encore plus ses minéraux, ce qui ne serait pas sans provoquer un désastre environnemental.
• Destruction de l’agriculture : près de 50 000 hectares de terres arables seront annexés. Le manque d’accès à l’eau ne permettra pas l’exploitation des terres qui resteront.
• Presque la totalité des terres d’élevage (vallée du Jourdain, Jérusalem-Est, sud d’Hébron) sera annexée.
• La fragmentation du territoire par des routes réservées aux Juifs, le Mur d’apartheid et la Ligne Verte assoient le strict contrôle d’Israël sur les biens et les personnes.
• La destruction de l’agriculture, de l’élevage principalement dans les communautés bédouines et l’impossibilité de commercer continuera d’endommager les structures sociales, économiques et culturelles palestiniennes. Israël sera le bénéficiaire ultime de la destruction de l’économie palestinienne en Cisjordanie aussi longtemps que les Palestiniens dépendront entièrement de son économie.

Les régions de compensation :
• Au-delà de ça, les régions du sud d’Hébron et de la frontière avec Gaza sont des zones désertes.
• La région du « Triangle » en Galilée (les villages de Kafr Qara, Baqa al-Gharbiya, Ar’rah, Umm al-Fahm, Al-Tibbya, Al-Tirah, Qalansuwa, Kafr Bara, Kafr Qasim, Jaljuliya), soit une population de près de 260 000 Palestiniens citoyens d’Israël, est censée faire partie de « l’Etat palestinien ». Sept décennies de dépossession ont privé ces villages de leurs terres et les ont transformés en bantoustans selon une logique démographique radicale d’Israël qui veut contrôler le plus de terre possible habitée par le moins de Palestiniens possibles.

Source : stop the wall - ->https://www.france-palestine.org/La-carte-de-l-apartheid-selon-le-plan-Trump]site afps