Macron en Israël et Palestine : et le droit dans tout cela ?
Le déplacement d’Emmanuel Macron à Jérusalem répondait d’abord à l’objectif de la commémoration des 75 ans de la libération du camp d’Auschwitz. Commémorer pour ne jamais oublier la fin du génocide nazi, combattre sans relâche le racisme et la haine de l’autre, répondent à une nécessité incontestable. Le faire en Israël faisait prendre le risque d’une instrumentalisation… risque que Benyamin Nétanyahou s’est empressé de confirmer en demandant à cette occasion aux États représentés de signer une déclaration pour empêcher la Cour Pénale Internationale de poursuivre les responsables israéliens pour les crimes de guerre commis contre les Palestiniens. Un détournement scandaleux et inacceptable de la mémoire qui aurait dû appeler une réponse particulièrement ferme de soutien à la justice internationale.
Dans son allocution, le président de la République a su replacer la lutte contre l’antisémitisme dans le combat universel contre la haine et contre tous les racismes, et rappeler la responsabilité des États, et notamment des membres du Conseil de Sécurité, pour un ordre international fondé sur le droit.
Il a voulu faire précéder cette journée mémorielle d’une journée de rencontres politiques. Intention louable au moment où les deux principaux concurrents pour l’élection israélienne s’accordent sur l’annexion de la Vallée du Jourdain au mépris du droit international, où la colonisation s’accélère, où les arrestations et les cas de torture des Palestiniens se multiplient, où la population de Gaza vit sa treizième année d’un blocus destructeur, et où les réfugiés palestiniens sont maintenus dans la misère et le désespoir. Et alors que l’administration états-unienne de Donald Trump annonce la publication de son plan de paix dont on ne peut attendre que le pire.
Cette journée a été à l’image de sa visite à Jérusalem : quelques rappels de principes à un niveau presque philosophique, une déconnexion préoccupante de la réalité et l’absence de condamnation des violations du droit international. La vieille ville dans laquelle Emmanuel Macron a déambulé, mitée par les poches de colonisation, marquée à chaque coin de rue par des bataillons de soldats de l’occupation, celle ville où les enfants sont arrêtés dès leur plus jeune âge, cette ville où les soldats israéliens dansent après avoir dynamité des maisons, cette ville serait un exemple du « vivre ensemble » ?
Et comment célébrer la coexistence des trois religions devant les incursions quotidiennes et violentes de colons extrémistes sur l’Esplanade des Mosquées, et alors que les chrétiens et les musulmans de Cisjordanie et de Gaza ne peuvent se rendre à Jérusalem que sur autorisation de l’occupant ?
Le rappel aux principes de droit pour l’enceinte française de l’église Sainte-Anne était une évidence, mais c’est un rappel clair des responsables israéliens au respect du droit international qui aurait été nécessaire.
La posture prise par Emmanuel Macron à l’issue de ses conversations avec les responsables politiques israéliens n’était pas à la hauteur des ambitions qui devraient être celles de la France. Dans le contexte actuel, se contenter de se mettre au service d’un hypothétique dialogue voulu par les deux parties ne peut avoir aucun effet réel. Sans contrainte extérieure, pourquoi l’État d’Israël, fort de sa supériorité militaire, renoncerait-il à sa politique de colonisation, d’annexion, de destruction des moyens d’existence du peuple palestinien ?
La visite décalée tard le soir à Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, a permis à celui-ci de réitérer deux demandes conformes au droit international : la reconnaissance de la Palestine dans ses frontières de 1967 conformément aux résolutions de l’ONU, et le soutien de la France à la tenue des élections palestiniennes à Jérusalem-Est. La première est une mesure indispensable de cohérence et de droit face aux annonces d’annexion et de publication du plan Trump, la deuxième est une condition nécessaire à de premiers pas vers la reconstruction de l’unité palestinienne.
La réponse du président de la République ne doit plus se faire attendre. Il ne suffit pas d’affirmer qu’aucun avenir ne se construit sur la négation de l’autre, il faut maintenant agir. Faire valoir la primauté du droit sur la loi du plus fort et le fait accompli, il n’y a pas d’autre voie possible.
23 janvier 2020
Association France Palestine Solidarité (AFPS)