« Carmiel est une ville juive », dit la cour à des élèves arabes

lundi 14 décembre 2020

Le juge rejette la plainte réclamant des transports vers une école arabophone de la ville, citant la loi polémique sur l’Etat-nation de 2018 qui promeut le caractère juif du pays

Une plainte qui avait accusé une ville du nord d’Israël de contrevenir à son obligation de fournir des transports scolaires à des enfants arabes israéliens pour qu’ils puissent se rendre dans des écoles locales a été rejetée dans la matinée de lundi, pour en partie protéger « le caractère juif de la ville », a noté le tribunal.

Le juge de la cour des magistrats de Krayot, Yaniv Luzon, a écrit dans son jugement que fournir des services aux Arabes changerait le caractère de Carmiel qui, a-t-il affirmé, est « une ville juive qui avait été créée pour renforcer la présence juive en Galilée ».

« La construction d’une école arabophone ou la mise en place de transports scolaires pour des élèves arabes ou pour qui d’autres pourrait le souhaiter serait susceptible de modifier l’équilibre démographique et le caractère de la ville », a-t-il écrit.

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Carmiel, une ville du nord d’Israël, a connu récemment un afflux de citoyens arabes issus de la classe moyenne aisée. C’est l’une, parmi plusieurs villes, où se constate une tendance à l’ouverture sur la mixité.

Carmiel avait été l’une des villes stratégiquement établie, au milieu des années 1960, dans le cadre d’une initiative gouvernementale visant à étendre la présence juive en Galilée, où les Arabes constituent la majorité de la population.

Une tentative d’expropriation des terres, d’une importance particulière, qui avait eu lieu au mois de mars 2016 – ces terres devaient servir à élargir plusieurs localités juives du secteur et à en construire d’autres – avait entraîné des émeutes meurtrières et elle reste un épisode douloureux de l’histoire des relations entre les Juifs et les Arabes en Galilée.

Certains résidents – avec, parmi eux, l’adjoint au maire de Carmiel – s’opposent depuis longtemps à d’éventuels changements démographiques. Une ligne d’urgence anonyme dont l’objectif était d’empêcher la vente de terrains aux Arabes avait été ainsi mise en place dès 2010.

« Nous devons prévenir les conflits non-nécessaires entre Juifs et Arabes », avait expliqué à ce moment-là l’adjoint au maire Oren Milstein. « Nous devons vivre les uns à côté des autres et sûrement pas à une telle proximité. Il y a déjà 1 000 habitants arabes à Carmiel, et très bientôt, ils vont nous demander une mosquée ».

Même si les Arabes constituent aujourd’hui environ 6 % de la population de Carmiel – soit environ 2 760 personnes – il n’y a pas d’école arabophone dans la ville. Et les parents arabes sont donc dans l’obligation d’envoyer leurs enfants dans différents établissements scolaires du secteur.

L’avocat Nizar Bakri avait porté plainte au nom de son frère Qassem et de ses deux neveux – dont le droit à l’éducation, avait-il affirmé dans les documents remis au tribunal, avait été substantiellement remis en cause par la difficulté de devoir constamment organiser des transports vers et depuis l’école située hors de la ville.

Bakri avait demandé que la municipalité commence à financer des transports pour les enfants Arabes devant se rendre à l’école dans la zone, et qu’elle rembourse les frais que les familles avaient déjà engagés. Il est difficile de dire, toutefois, si la loi israélienne exige réellement le financement de ce type de transports par les municipalités.

Les directives émises par le ministère de l’Education établissent que « l’obligation d’organiser les transports et de les mettre en place revient aux autorités locales où résident les élèves. Le ministère de l’Education ne participe pas à l’organisation des transports et ne prend part qu’à leur financement ».

Une partie du financement, dans les faits, est assurée par les autorités locales, affirme de son côté Emad Jaraisi, chercheur à l’Injaz, une organisation à but non-lucratif qui cherche à promouvoir les autorités locales arabes au sein de l’Etat juif.

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