Craig Mokhiber : « Non, Israël n’a pas le droit de se défendre à Gaza. Mais les Palestiniens, oui. »

mardi 17 septembre 2024

L’une des nombreuses révélations troublantes qui ont émergé depuis le début de la phase actuelle de génocide en Palestine il y a près d’un an, est de constater avec quelle unanimité le personnel politique américain et occidental a repris consciencieusement le scénario fourni par Israël et ses lobbies occidentaux, que ce scénario soit vrai ou non. Le bobard de la « légitime défense » souvent répété en est un bon exemple.

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Photo : Des Palestiniens, dont des enfants, sont secourus en étant extraits des décombres du bâtiment lourdement endommagé qui a été ciblé par les forces israéliennes dans le camp de réfugiés de Nuseirat, dans la ville de Gaza, à Gaza, le 12 septembre 2024 [Anas Zeyad Fteha/Agence Anadolu] Source : Israel Palestine News

Après chaque crime de guerre et crime contre l’humanité perpétré par Israël dans son actuel déchaînement génocidaire, le refrain le plus courant des responsables gouvernementaux occidentaux (et des médias d’entreprise occidentaux) est qu’« Israël a le droit de se défendre ».

Non, ce n’est pas le cas.

En fait, en droit international, il s’agit d’un double mensonge.

Premièrement, Israël n’a pas ce droit à Gaza (ni en Cisjordanie et à Jérusalem-Est).

Deuxièmement, les actes que les revendications de « légitime défense » cherchent à justifier seraient illégaux même lorsque la légitime défense s’applique.

La Charte des Nations Unies, un traité contraignant pour tous les États membres, codifie les droits et responsabilités clés des États. Parmi ceux-ci figurent le devoir de respecter l’autodétermination des peuples (y compris les Palestiniens), le devoir de respecter les droits de l’homme et le devoir de s’abstenir de recourir à la force contre d’autres États (lorsque cela n’est pas autorisé par le Conseil de sécurité). Israël, au cours de ses 76 années d’existence, a violé ces principes à plusieurs reprises.

Une exception temporaire à l’interdiction du recours à la force est codifiée dans l’article 51 de la Charte des Nations Unies pour la légitime défense contre les attaques extérieures. Mais il est important de noter qu’aucun droit de ce type n’existe lorsque la menace émane de l’intérieur du territoire contrôlé par l’État. Ce principe a été affirmé par la Cour internationale de justice dans son avis de 2004 sur le mur d’apartheid israélien. La Cour a alors jugé, et de nouveau dans son avis de 2024 sur l’occupation, qu’Israël est la puissance occupante sur l’ensemble du territoire palestinien occupé. Par conséquent, Israël, en tant que puissance occupante, ne peut pas invoquer la légitime défense pour justifier le lancement d’attaques militaires à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem-Est ou sur le plateau du Golan.

Bien sûr, Israël, dans le but de protéger ses civils, peut légalement repousser depuis son propre territoire toute attaque, mais il ne peut pas invoquer la légitime défense pour faire la guerre aux territoires qu’il occupe. En fait, sa principale obligation est de protéger la population occupée. Ce faisant, une puissance occupante peut exercer des fonctions essentielles de maintien de l’ordre (par opposition aux opérations militaires). Mais, étant donné que la Cour internationale de Justice a par la suite jugé que l’occupation des territoires par Israël était elle-même totalement illégale, même ces fonctions seraient probablement illégitimes, sauf si elles sont strictement nécessaires pour protéger la population occupée et dans un court délai de retrait.

Dans son avis le plus récent, la Cour a déclaré que la présence d’Israël dans les territoires violait le principe d’autodétermination, la règle de non-acquisition de territoire par la force et les droits de l’homme du peuple palestinien et qu’il devait rapidement mettre fin à sa présence et indemniser le peuple palestinien pour les pertes subies. En droit, chaque pied israélien sur le terrain, chaque missile, avion ou drone israélien dans l’espace aérien palestinien, et même un seul vélo israélien non autorisé sur une route palestinienne, constituent une violation du droit international.

En résumé, la solution légale si Israël veut éliminer les menaces qui, selon lui, proviennent des territoires occupés est de mettre fin à son occupation illégale, de démanteler les colonies, de quitter les territoires, de lever le siège et de céder totalement le contrôle au peuple palestinien occupé.

Ici, le droit international est un simple reflet du bon sens et de la morale universelle. Un criminel ne peut pas s’emparer de la maison de quelqu’un, s’y installer, piller son contenu, emprisonner et brutaliser les habitants, puis invoquer la légitime défense pour assassiner les propriétaires lorsqu’ils ripostent.

Et, au-delà de la Palestine occupée, si Israël a le droit de se défendre contre les attaques d’autres États, il ne peut pas invoquer ce droit si l’attaque est une réponse à l’agression israélienne. Israël ne peut pas attaquer un État voisin (par exemple, le Liban, la Syrie, l’Irak, l’Iran, le Yémen) et ensuite invoquer la légitime défense si cet État riposte. Accepter une telle affirmation reviendrait à renverser le droit international.

Ainsi, la plupart des affirmations des hommes politiques et des médias occidentaux selon lesquelles « Israël a le droit de se défendre » sont manifestement fausses, en vertu du droit international.

Le deuxième mensonge contenu dans ces affirmations répétées est l’idée qu’une allégation de légitime défense justifie les innombrables crimes d’Israël. Le droit international ne permet pas qu’une allégation de légitime défense justifie les crimes contre l’humanité et le génocide. Il ne permet pas non plus d’outrepasser comme par magie les impératifs du droit international humanitaire de précaution, de distinction et de proportionnalité, ni le statut protégé des hôpitaux et autres installations civiles vitales.

En outre, la présence de personnes associées à des groupes de résistance armés (même si elle est prouvée) ne transforme pas automatiquement un lieu civil ou une structure protégée en une cible militaire légitime. Si c’était le cas, la présence courante de soldats israéliens dans les hôpitaux israéliens ferait également de ces hôpitaux des cibles légitimes. Attaquer des hôpitaux n’est pas un acte de légitime défense. C’est un acte de meurtre et, dans les cas systématiques et à grande échelle, un crime d’extermination.

L’affirmation de légitime défense ne justifie pas les punitions collectives, le siège des populations civiles, les exécutions extrajudiciaires, la torture, le blocage de l’aide humanitaire, le ciblage des enfants, le meurtre de travailleurs humanitaires, de personnel médical, de journalistes et de fonctionnaires de l’ONU – autant de crimes perpétrés par Israël pendant la phase actuelle de son génocide en Palestine. Et tout cela suivi sans vergogne par des allégations de légitime défense par les défenseurs d’Israël en Occident.

Ainsi, chaque réponse d’un politicien ou d’une voix complice des médias d’entreprise à un crime israélien qui commence par « Israël a le droit de se défendre » est à la fois une justification de l’injustifiable et un mensonge éhonté – et il devrait être dénoncé comme tel.

En outre, ce que vous n’entendrez jamais ces voix dire, c’est que la Palestine a le droit de se défendre, même si, en vertu du droit international, elle a absolument le droit de se défendre. Enracinés dans la Charte des Nations Unies, dans le droit international humanitaire et dans les droits de l’homme, et confirmés par une série de résolutions de l’ONU, les groupes de résistance palestiniens ont le droit légal de résister en armes pour libérer le peuple palestinien de l’occupation étrangère, de la domination coloniale et de l’apartheid.

Et le monde est d’accord. L’Assemblée générale des Nations Unies a déclaré « le droit inaliénable du peuple palestinien et de tous les peuples sous occupation étrangère et domination coloniale à l’autodétermination, à l’indépendance nationale, à l’intégrité territoriale, à l’unité nationale et à la souveraineté sans ingérence étrangère » et a réaffirmé « la légitimité de la lutte des peuples pour l’indépendance, l’intégrité territoriale, l’unité nationale et la libération de la domination coloniale, de l’apartheid et de l’occupation étrangère par tous les moyens disponibles, y compris la lutte armée ».

Bien sûr, toute résistance doit respecter les règles du droit humanitaire, y compris le principe de distinction pour épargner les civils. Mais le droit de la Palestine, en vertu du droit international, à la résistance armée contre Israël est désormais un axiome.

En termes simples, le peuple palestinien a un droit légal reconnu de résister à l’occupation, à l’apartheid et au génocide d’Israël, y compris par la lutte armée. Et, puisque la résistance sous-jacente est légale, les alliances, l’aide et le soutien aux Palestiniens à cette fin sont également légaux.

À l’inverse, comme l’occupation, l’apartheid et le génocide d’Israël sont illégaux, le soutien apporté à Israël dans ces efforts par les États occidentaux est illégal. En effet, la Cour internationale de Justice a jugé que tous les États sont tenus de mettre fin à tout soutien de ce type à Israël et de travailler à mettre fin à l’occupation israélienne.

Et un autre point sur la notion de légitime défense. L’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Dans les années 1930 et 1940, des colons sionistes sont venus d’Europe pour attaquer les Palestiniens dans leurs maisons en Palestine. Aucune milice palestinienne n’est venue en Europe pour attaquer les colons dans leurs maisons en Angleterre, en France et en Russie (bien sûr, les Juifs fuyant les persécutions européennes avaient parfaitement le droit de demander l’asile en Palestine et ailleurs. Mais les sionistes n’avaient pas le droit de coloniser la terre et de déposséder les populations autochtones).

Depuis plus de 76 ans, Israël a attaqué, brutalisé, déplacé, dépossédé et assassiné le peuple autochtone palestinien et a cherché à l’effacer. Israël a procédé à un nettoyage ethnique de centaines de villes et de villages palestiniens, volé des maisons, des entreprises, des fermes et des vergers palestiniens et détruit des infrastructures civiles palestiniennes. Chaque communauté palestinienne a subi quotidiennement des atteintes à la dignité, des arrestations, des coups, des tortures, des pillages et des meurtres aux mains d’Israël. Les survivants sont contraints de vivre sous un régime d’apartheid et de ségrégation raciale et de négation systématiquement de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels sur leur propre terre.

Tout effort pacifique palestinien pour mettre fin à l’oppression et recouvrer le droit palestinien à l’autodétermination, par des initiatives diplomatiques, des actions judiciaires, des manifestations pacifiques ou des boycotts et désinvestissements organisés, a été accueilli avec répression ou rejet, non seulement par Israël mais aussi par ses sponsors occidentaux.

Dans ce contexte, la morale élémentaire et la simple logique dictent que le droit à la légitime défense appartient au peuple palestinien, et non à son oppresseur. Et le droit international est du même avis.

Source : UJFP
Article original en anglais sur Mondoweiss / Traduction MR
Craig Mokhiber 10 septembre 2024


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