D’un viol dans le Néguev à l’oppression de tout un peuple

mercredi 13 janvier 2021

Publié en arabe en 2016, "Un détail mineur", de la romancière palestinienne Adania Shibli, est une œuvre fascinante. Tout commence le 9 août 1949 : un an après la première guerre israélo-arabe (événement fondateur de l’État israélien, mais aussi de l’identité palestinienne), une jeune Bédouine est violée et tuée dans le désert.

Le roman est divisé en deux parties bien distinctes : la première est un récit rédigé à la troisième personne qui suit des soldats israéliens dans le Néguev. Dès les premières lignes, nous voici immergés dans la canicule insoutenable du désert au mois d’août. Ces soldats anonymes semblent épuisés par cette chaleur et désorientés par l’immensité des lieux.

Les premières pages donnent à voir dans leurs moindres détails l’ennui et la dureté de la vie militaire dans le désert, mais si cette introduction peut brièvement évoquer Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, le récit prend une tournure bien différente avec l’apparition d’une jeune Bédouine. Celle-ci est kidnappée, violée puis tuée et enterrée dans le sable par les soldats israéliens. Face à la violence de l’épisode, le narrateur garde ses distances, décrivant de manière clinique les faits et gestes effroyables des soldats, comme s’il s’agissait d’une reconstitution tirée d’un rapport administratif.

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La seconde partie du roman prend alors le relais, avec une narratrice qui, s’exprimant à la première personne, semble se présenter comme l’auteure du premier récit. Celle-ci explique avoir découvert l’histoire de cette jeune fille arabe à la lecture, par hasard, d’un journal israélien en 2003. Le fait divers a suscité son émoi, non seulement en raison de son atrocité mais aussi de la concordance entre la date des faits et sa propre date de naissance. Nous la suivons alors dans son investigation, qui la mène de la Cisjordanie à la frontière israélo-égyptienne.

Le texte d’Adania Shibli, relativement court et au style épuré, ne cesse de tromper son lecteur. Cette narratrice qui soudainement fait son apparition au milieu du livre n’est pas l’auteure – née bien après les faits exposés – mais une invention. Cette investigation qui entend reconstituer les faits historiques apparaît très rapidement vouée à l’échec, la protagoniste ne retrouvant pas les lieux décrits avec tant de précision dans la première partie. Elle finit même par se perdre dans le désert, comme pour mieux souligner le caractère vain de son entreprise.

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