Gaza : comment Benyamin Netanyahou bloque encore le cessez-le-feu
Les États-Unis se veulent confiants, mais les jours passent et aucun accord n’est annoncé concernant l’arrêt de la guerre et qui ouvrirait la voie à la libération des otages israéliens et des prisonniers palestiniens. Un blocage dû, entre autres, à la volonté de Netanyahou de maintenir son armée dans l’enclave, notamment à la frontière avec l’Égypte.
L’HUMANITE, le 9 septembre 2024
Pierre Barbancey
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken peut bien faire preuve d’optimisme en parlant d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza, il ne convainc pas grand monde et surtout pas les Palestiniens. « Selon ce que j’ai vu, 90 % de l’accord est prêt, mais il reste quelques questions critiques », a-t-il déclaré à propos notamment du fameux corridor de Philadelphie, cette bande de 14 kilomètres de long située sur la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza.
Or, cette zone est devenue un véritable verrou dans les discussions qui se déroulent à Doha et au Caire, sous l’égide de l’Égypte, des États-Unis et du Qatar, chargés de transmettre les propositions (ou les refus) d’Israël et du Hamas.
La Turquie, cinq pays arabes, dont l’Arabie saoudite, et l’Autorité palestinienne se sont joints à l’Égypte pour rejeter la demande d’Israël de maintenir ses troupes déployées dans le corridor de Philadelphie. « Il incombe vraiment aux deux parties de parvenir à un accord sur les questions restantes », a martelé Blinken en apportant un bémol : « Même si je pense que nous sommes près d’obtenir un accord de cessez-le-feu, chaque jour qui passe sans qu’il ne soit finalisé, ni que les parties ne disent ”oui, point final” est un jour où quelque chose d’autre se produit (…) qui repousse simplement l’échéance et risque de faire dérailler une bien fragile affaire. »
Benyamin Netanyahou soumis à de fortes pressions
Après onze mois de conflit à Gaza, le directeur de la CIA, William Burns, s’investit également. Lors d’une conférence organisée par le Financial Timesà Londres, il a affirmé qu’il travaillait dur sur des « textes et formules créatives » avec les médiateurs du Qatar et de l’Égypte pour obtenir un cessez-le-feu en trouvant une proposition qui satisfasse les deux parties. Les négociations patinent et Israël et le Hamas ne cessent de se renvoyer la responsabilité du blocage.
L’organisation palestinienne pointe également l’attitude de Whashington : « Si l’administration américaine et son président veulent vraiment parvenir à un cessez-le-feu et conclure un accord d’échange de prisonniers, ils doivent abandonner leur parti pris aveugle pour l’occupation sioniste et exercer une véritable pression sur Netanyahou », a fait savoir Khalil Al Hayya, membre du bureau politique du Hamas.
Depuis l’annonce, la semaine dernière, de la découverte à Gaza des corps de six Israéliens détenus dans l’enclave palestinienne, Benyamin Netanyahou est soumis à de fortes pressions pour parvenir à un accord permettant la libération des otages encore retenus.
Lors d’une manifestation à Tel-Aviv, Gil Dickmann, cousin d’une des six personnes retrouvées mortes, a prévenu : « Nous ferons tout pour que tous les otages soient avec nous. Et si les dirigeants ne veulent pas signer un accord, nous les forcerons ! » Pourtant, les dizaines de milliers de manifestants israéliens qui sont descendus dans les rues ne semblent pas entendus par l’inamovible chef du gouvernement. Il est vrai que l’arrêt total de la guerre n’est pas une revendication majoritaire en Israël, loin de là.
Ce qui permet au premier ministre israélien de tenir tête aux États-Unis en assénant sur la chaîne Fox : « Aucun accord n’est en cours de négociation. Malheureusement, nous sommes loin d’y parvenir. » Puis il a décliné sa stratégie : « Premièrement, faire sortir les otages (…) Deuxièmement, maintenir les lignes rouges qui sont nécessaires à la sécurité et à la survie d’Israël, et les deux passent par le maintien (sous contrôle israélien – NDLR) du couloir de Philadelphie, car cela met le Hamas sous pression, l’empêche de se réarmer et empêche Gaza de redevenir une enclave terroriste iranienne ».
Le Hamas, principal défenseur des propositions américaines
La rhétorique n’est pas nouvelle, et même usée, qui lui permet néanmoins de se maintenir au pouvoir. Paradoxalement, le Hamas est le principal défenseur des propositions américaines. Le mouvement islamiste insiste sur l’application en l’état d’un plan, annoncé le 31 mai par le président Joe Biden, qui prévoit une trêve de six semaines accompagnée d’un retrait israélien partiel et de la libération d’otages, puis, à terme, d’un retrait total israélien du territoire. Or, en s’arc-boutant sur le maintien de la présence militaire israélienne dans la bande de Gaza, Netanyahou empêche toute avancée.
Dans sa fuite en avant, le premier ministre israélien n’est pas seul. L’ancien chef de l’armée, désormais à la tête du parti de l’Union nationale, Benny Gantz, un temps présenté comme opposant à Netanyahou, estime qu’il est temps pour Israël de s’occuper de la situation dans le nord du pays face au Hezbollah libanais – y compris « en frappant le Liban, si cela s’avère nécessaire » –, et appelle à faire face à l’Iran. « À Gaza, nous avons franchi un point décisif de la campagne. Nous pouvons faire tout ce que nous voulons à Gaza », s’est réjoui celui qui était chef d’état-major lors de la guerre menée en 2014 contre ce territoire palestinien.
Le but affiché par Netanyahou d’une éradication totale du Hamas est évidemment un leurre. La preuve par l’offensive qu’il a parallèlement lancée en Cisjordanie sous prétexte de détruire des « infrastructures terroristes ». La semaine dernière, les villes de Jénine, Tulkarem et les camps de réfugiés qui s’y trouvent ont été l’objet de sanglants raids militaires.
Selon le ministère palestinien de la Santé, au moins 662 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Ces opérations aggravent une situation « calamiteuse » déjà exacerbée par les violences meurtrières de colons, a dénoncé le haut-commissaire de l’ONU aux Droits de l’homme, Volker Türk.
Il a par ailleurs révélé que « près de 10 000 Palestiniens sont détenus dans des prisons ou des installations militaires ad hoc israéliennes », précisant que le nombre réel devait être « probablement plus élevé. Beaucoup de ces personnes sont détenues de manière arbitraire » et plus de 50 sont mortes « en raison de conditions inhumaines et de mauvais traitements ».
Lundi 9 septembre était la date de rentrée des classes pour les jeunes Palestiniens. Mais dans la bande de Gaza, toutes les universités ont été détruites et les bâtiments scolaires encore debout servent d’abris au million et demi de réfugiés. Tous attendent la fin de la guerre pour retrouver le chemin de l’école, loin des bombes et des décombres.