Israël-Palestine, un seul État de facto
Au cours des derniers mois, Israël a connu deux processus politiquement pertinents : les élections législatives de novembre 2022, qui ont facilité la formation du gouvernement le plus extrême et ultranationaliste de son histoire, et la mobilisation populaire massive contre la réforme du système judiciaire, avec des manifestations constantes de centaines de milliers d’Israéliens depuis janvier 2023.
Dans les deux cas, on pouvait constater une absence très présente, pour utiliser un oxymore, une figure de style à la mode qui définit des expressions contradictoires telles que mort-vivant ou silence tonitruant : il n’y a pas de Palestiniens. Ce n’est pas un thème majeur de la campagne électorale, ni des programmes politiques, ni du mouvement massif de rejet de Netanyahou. Pour continuer avec d’autres expressions, on pourrait penser à l’éléphant dans la pièce, comme les anglo-saxons font allusion à un sujet omniprésent et en même temps inconfortable, ce qui conduit à faire semblant de l’ignorer.
"Israël sera soit un pays juif, soit un pays démocratique, les deux options sont incompatibles", prédisait récemment un diplomate espagnol en poste au Moyen-Orient. On a beau invoquer le caractère technologique innovant d’Israël -Start up nation- ou le paradis gay de certaines parties du territoire, la dérive politique va dans le sens d’une conception exclusivement juive du pays, d’un confessionnalisme croissant de l’Etat en même temps que le cadre démocratique se réduit.
Les responsables politiques israéliens travaillent à établir une situation d’annexion de fait irréversible, avec différentes catégories de citoyens et de droits, un objectif atteint depuis des années, un niveau de violence supportable pour les Palestiniens eux-mêmes et la communauté internationale, une situation parfaitement possible, bien qu’incompatible avec les règles de l’État de droit et de la démocratie : égalité des droits pour toute la population, séparation des pouvoirs, et entre l’Église et l’État.
L’avenir pacifique et progressiste d’Israël-Palestine est conditionné par une solution démocratique à la situation de discrimination coloniale des Palestiniens, aujourd’hui répartis à l’intérieur des frontières de l’Etat d’Israël de 1948 - 20% de la population - dans les territoires dits occupés de 1967, Jérusalem, Gaza et le Golan, où 600 000 colons juifs se sont déjà installés illégalement dans des colonies ; les Palestiniens de la diaspora, notamment au Liban et en Jordanie. La fragmentation géographique et juridique des Palestiniens est un autre objectif poursuivi depuis longtemps et également atteint.
C’est une fiction de dissocier l’initiative technologique israélienne, la compétence militaire (attaques continues sur le sol syrien depuis une décennie ; capacité nucléaire), c’est une fiction de dissocier un avenir prometteur pour Israël de l’occupation coloniale des Palestiniens.